La résolution 2334 du Conseil de sécurité de l’Onu n’aura vraiment son plein effet que si les Arabes se décident enfin à jouer le jeu qui s’impose pour en tirer profit.
Par Farhat Othman *
La résolution 2334, adoptée le 23 décembre 206, est historique puisqu’il est bien rare, sinon inconcevable, que l’indéfectible allié américain s’abstienne comme il l’a fait, permettant aux 14 voix du Conseil de sécurité des Nations unies d’avoir tout leur poids.
Certes, des considérations de politique interne ont probablement joué, Barack Obama, le président sortant ayant cherché à miner le parcours diplomatique de son successeur à la Maison-Blanche, qui n’a pas ménagé son soutien à la politique israélienne, y compris en matière de colonisation, dénoncée justement par cette résolution inattendue.
Elle était aussi inespérée du côté des pays arabes qui se sont toujours illustrés sur la question par leur ineptie, ne se souciant que du pur affichage idéologique ou d’un semblant d’activisme; la genèse du texte le montre bien, au demeurant.
Or, cette résolution leur impose de réagir au diapason de son esprit afin de lui donner tout l’intérêt qu’elle recèle, un tel texte étant gros d’initiatives supplémentaires possibles autorisant la sortie de l’impasse actuelle et une bascule vers la paix. Mais cela nécessite des Arabes le courage nécessaire pour prolonger cette percée en rompant avec leur actuelle impéritie nourrie de stérile démagogie et en osant enfin miser pleinement sur la légalité internationale, et ce de bout en bout.
Reprendre l’initiative de la paix
En effet, il ne suffit pas de dénoncer la colonisation israélienne, ce que fait bien le texte et de belle manière; c’est légitime et déjà énorme; cela ne reste pas moins insuffisant, en-deçà de ce qu’impose le droit international.
De ce droit, les Arabes ne tirent pas profit faute d’initiatives adaptées; et la présente résolution en implique bien de la part des parties au confit, surtout du côté des Arabes.
Il tombe sous le sens que la colonisation israélienne des territoires occupés ne saurait durer éternellement; toutefois, le penser et compter dessus pour s’abstenir d’oser y évoluer ne suffit guère. C’est en quoi se résume globalement la stratégie arabe. Est-ce raisonnable quand le colonisateur est la plus forte partie qui se fortifie encore plus en amenant ses adversaires développer pour elle sa propre stratégie, celle du maintien du statu quo et du rejet arabe de sa légitimité?
En cela que se résout l’attitude arabe refusant de reconnaître l’État d’Israël, le taxant même de simple entité, ruinant du coup tous les atouts de l’État palestinien né pourtant par le même acte de naissance que celui de l’État d’Israël. Aussi, reconnaître ce dernier, c’est fatalement l’amener à reconnaître le premier, son frère jumeau monozygote, et ce dans les frontières prévues par le droit international; le nier, c’est renier du même coup sa propre existence par Israël!
Par conséquent, faire véritablement victoire de cette défaite politique retentissante d’Israël que représente la résolution onusienne — une première depuis au moins huit ans au Conseil de sécurité — impose de transformer l’essai comme on dit au rugby. Sinon, il en ira comme de pas mal d’autres textes, tel celui de 1980, la résolution 465 ayant déjà dénoncé le caractère illégal des colonies et de leur extension.
Cela suppose donc la reprise par les Arabes de l’initiative pour la paix, en usant de la seule arme efficace en la matière, celle de la reconnaissance d’un État ne devant plus être jugé en ennemi, mais en futur partenaire pour une fatale paix des braves.
De 1947 à aujourd’hui, le territoire palestinien s’est réduit comme peau de chagrin.
Reconnaître Israël selon le partage de 1947
L’actuelle résolution, se basant sur un rapport alarmant datant du 1er juillet dernier, dresse un catastrophique état des lieux de la réalité des territoires occupés, estimant à raison que la poursuite de la colonisation et son extension sont désormais porteuses de périls graves pour tout le monde, au-delà des seules parties en conflit.
On le voit bien, le terrorisme est nourri par la situation en Palestine où déjà s’enregistre régulièrement une terrible recrudescence des violences alimentant le terrorisme dans le monde dont l’État hébreu est bien complice.
La résolution, qui a le mérite de ne pas occulter le statut de Jérusalem-Est malgré ou du fait de son symbolisme, porte ainsi un rude coup à l’intransigeance israélienne se nourrissant de la courte vue des Arabes, réussissant le tour de force d’en faire les seuls responsables du terrorisme dont il est une partie active.
La teneur de la résolution est loin d’être négligeable; aussi, un tel coup d’éclat onusien ne doit pas rester sans suite ou retomber comme un soufflet. Mais cela nécessite un coup d’éclat similaire du côté arabe.
Les Arabes doivent se résoudre à ne peut plus se suffire de sorties politiciennes oiseuses et d’affichage idéologique trompeur faisant usage d’une logomachie usée. Il leur est impératif d’agir avec courage pour conforter cette résolution qui est en mesure de constituer le cadre idéal pour concrétiser le début d’une entreprise franche et sincère, de part et d’autre, en vue d’une vraie lutte contre le terrorisme, la haine et la violence.
La question des colonies étant hautement sensible dans le pays, Israël a été prompt à dénoncer la résolution comme étant de nature à encourager de tels phénomènes, affirmant sa volonté de ne pas s’y conformer. On ne peut que le comprendre tant que l’attitude arabe n’est ni claire ni pertinente envers à ce dont se plaint Israël. Aussi faut-il le forcer à la paix des braves en étant capable de l’effort sur un sujet similaire, à forte sensibilité interne, celui de la reconnaissance de l’État qu’on s’obstine à qualifier d’entité selon la seule légalité valable pour tous, celle de 1947.
Les Arabes n’ont plus intérêt à tergiverser à ce sujet, car reconnaître Israël selon le partage de 1947, c’est l’amener à déterrer son propre acte de naissance lui imposant son frère jumeau dans les mêmes droits que son propre État; nier à ce jumeau ce que lui octroie comme droits l’acte commun de naissance, c’est se nier à soi-même toute légitimité à de tels droits.
En l’occurrence, les Arabes sont appelés à avoir plus de courage et de persévérance que l’Égypte qui était à l’origine de ce texte avant de se rétracter sous la pression des Américains.
En effet, ce furent d’autres membres non permanents du Conseil, États non Arabes qui plus est (Nouvelle-Zélande, Malaisie, Venezuela et Sénégal), qui ont finalement donné l’exemple de l’éthique en politique. C’est en quoi consistera désormais le devoir des États arabes : se résoudre à faire non plus la politique à l’antique, mais une poléthique !
Donnez votre avis