Les élections municipales non seulement peuvent attendre, car le plus urgent, aujourd’hui, en Tunisie, c’est la reprise économique.
Par Chedly Mamoghli *
Il y a une fâcheuse habitude, c’est le désintérêt de la question économique. Nous vivons un contexte économique très difficile, qui ne peut plus durer, qui est devenu insupportable pour les entreprises et pour les finances publiques et nous parlons de tout sauf de ce problème vital pour la Tunisie.
La priorité des priorités, aujourd’hui, c’est de réformer, ça ne peut plus attendre. Tous les indicateurs sont au rouge. Il faut trouver des solutions pour l’endettement public abyssal qui englobe à la fois la dette de l’État et celle de la sécurité sociale, les déficits sans précédent que se soit celui du budget ou celui de la balance commerciale. Une hémorragie qui se poursuit et s’éternise et, pendant ce temps, on discute de tout sauf de ça.
Va-t-on livrer nos municipalités aux requins ?
Je comprends, il y a un atavisme chez nous qui consiste à ne s’intéresser qu’aux futilités, aux histoires qui n’ont ni queue ni tête ou à donner des leçons à la terre entière. À la place de presser les gouvernants à réformer et à faire preuve de courage et d’audace, on discute du sexe des anges.
Quant à nos gouvernants, au lieu de sauver le pays, non ils préfèrent organiser des élections municipales qui sont certes importantes mais la résolution de nos problèmes économiques l’est davantage. Il y a l’important et l’essentiel, comme l’aime à le rappeler le président de la république. Et l’essentiel c’est l’économie.
Les élections municipales non seulement peuvent attendre car ce n’est pas en élisant des conseils municipaux que le pays deviendra propre et que l’anarchie prendra fin. Ce raccourci facile ne peut être fait que par des naïfs. Les employés municipaux sont là, ont leurs équipements et peuvent travailler sous la tutelle des délégations spéciales.
Ensuite, l’organisation des municipales, aujourd’hui, est dangereuse. Pourquoi?, pourrait-on demander. Et bien parce que, connaissant bien le contexte actuel où la corruption et l’affairisme se sont emparés dans la sphère publique, organiser ces élections reviendrait à livrer nos municipalités aux requins qui n’attendent que ça.
Nous ne sommes pas dupes, nous savons que les mafieux, les voyous, les contrebandiers et les affairistes véreux qui pullulent sous nos cieux feront tout avec leur argent sale pour faire gagner les leurs – les individus qui leur sont affidés dans les partis – dans leurs régions et leurs quartiers afin de renforcer leur mainmise.
Réformes économiques et lutte contre la corruption d’abord
Par conséquent, non seulement l’enjeu économique prévaut sur les élections municipales mais en plus les organiser dans le contexte actuel serait une aubaine pour les corrupteurs et les mafieux en tout genre et par conséquent un danger pour la démocratie. Sans oublier que le chef du gouvernement Youssef Chahed pourrait s’abstenir de réformer de peur que son parti ne paye la facture lors de cette échéance électorale.
Organiser des élections pour faire les beaux et jouer aux champions du monde de la démocratie dans le contexte actuel, pendant que nous sommes en train de couler économiquement, serait suicidaire pour le pays.
Réformez et luttez contre la corruption avant d’organiser des élections serait plus judicieux et plus logique. Le contraire reviendrait à affaiblir la démocratie et à renforcer corrupteurs.
* Juriste.
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