Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), dont la crise dure depuis plusieurs mois, ne semble pas près de voir le bout du tunnel. Qui cherche à empêcher sa mise en place ?
Par Abderrazek Krimi
Cette crise qui avait au départ un caractère strictement juridique est en train de prendre une dimension politique, vue les parties qui prennent part à la polémique autour de sa mise en place, achoppant à d’insurmontables calculs politico-juridiques.
Lors d’une conférence de presse donnée lundi 27 mars 2017, au siège du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), à Tunis, des composantes de la société civile ont mis en garde contre les risques liés à la promulgation du projet de loi abrogeant la loi n° 16 de l’année 2015 relative à la création et l’organisation du CSM.
Les organisations et associations présentes, dont notamment la Ligue tunisienne de la défense des droits de l’Homme (LTDH), la Coordination nationale indépendante de la justice transitionnelle (CNIJT) et le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH), ont considéré que cette initiative législative constitue un parti-pris en faveur d’une minorité composant le CSM contre la volonté de la majorité des magistrats, et «ouvre, ainsi, la voie à l’ingérence du pouvoir exécutif dans les décisions du conseil et à l’atteinte à son indépendance».
Dénonçant l’inconstitutionnalité de l’initiative, les composantes de la société civile ont appelé à l’adoption de la solution consensuelle proposée par le premier président du tribunal administrative, le président du tribunal foncier et le premier adjoint du président de la cour des comptes qui bénéficie de l’approbation des deux tiers des membres élus du CSM.
Les organisations et associations ont, par ailleurs, fait porter au gouvernement la responsabilité de la crise actuelle et ce en s’abstenant de ratifier les candidatures au CSM proposées par l’Instance provisoire de la juridiction judiciaire (IPJJ).
Il est à noter que le tribunal administratif a émis 10 résolutions relatives à la suspension de décisions prises par le CSM lors de réunions antérieures. Il a confirmé, en outre, que l’IPJJ poursuivra sa tâche de supervision du secteur de la magistrature jusqu’à la mise en place du CSM.
Face à cette impasse, on est en droit de se demander à qui profite ce retard injustifié qu’accuse la mise en place du CSM, cette instance constitutionnelle devant constituer l’un des piliers de l’édifice démocratique, dont la Tunisie a mis les premiers jalons avec la promulgation d’une nouvelle constitution et la tenue d’élections libres en 2014.
Or, on le sait, une démocratie qui n’offre pas les garanties effectives d’une justice indépendante ne peut qu’être boiteuse et ne pourra faire barrage définitivement au retour de l’autoritarisme, au népotisme et à la corruption qui ont longtemps empoisonné la vie des citoyens. D’autant que la tentation d’un retour en arrière est, aujourd’hui, plus qu’une simple menace.
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