Le syndicaliste Badreddine Rajhi tire la sonnette d’alarme.
Le syndicat des prisons et de la rééducation avertit contre l’incarcération sans dispositions particulières des terroristes tunisiens de retour des foyers de jihad.
Par Yüsra Nemlaghi
Dans un entretien avec Kapitalis, Badreddine Rajhi, secrétaire général du syndicat des prisons et de la rééducation, a indiqué que les terroristes tunisiens de retour en Tunisie représente un réel danger, car ils sont généralement incarcérés dans les mêmes prisons et les mêmes cellules que les détenus de droit commun.
«Ils choisissent les prisonniers les plus vulnérables et les radicalisent», a averti M. Rajhi. Et cela est d’autant plus possible que,«dans chaque cellule, renfermant, en moyenne, entre 50 et 80 détenus, il y a, souvent, entre 3 et 5 terroristes ayant combattu dans les zones de conflits», a-t-il déploré, ajoutant : «Ces gens sont des barbares qui se sont abreuvés de sang en combattant dans les rangs de Daech et ils ne se repentissent jamais. Au contraire, ils sont animés par un désir de vengeance et profitent de leur incarcération pour embrigader d’autres détenus et poursuivre leur projet destructif».
L’inquiétude du syndicat est d’autant plus justifiée que la gestion actuelle des prisons laisse à désirer: cellules surchargées, effectifs insuffisants et manque de moyens logistiques. Le résultat est catastrophique : les cellules deviennent un terrain propice à la radicalisation.
Badreddine Rajhi s’inquiète également de l’intervention de certaines organisations, proches de partis islamistes, qui, sous couvert de défense des droits de l’homme, se rapprochent des prisonniers issus des organisations terroristes et leur demandent parfois certaines dérogations, en intervenant en leur faveur auprès de l’administration pénitentiaire, comme, par exemple, l’obtention d’ouvrages interdits par la direction, car jugés extrémistes et susceptibles de servir à l’endoctrinement des détenus.
Face à ces inquiétudes, le syndicat appelle les autorités à mettre en place des solutions temporaires, en attendant la construction d’une prison spécifique aux jihadistes, projet annoncé par le ministère de la Justice et dont la concrétisation va demander encore quelques années.
«Les agents chargés de la sécurité des cellules doivent bénéficier de formations spécifiques pour qu’ils procèdent d’une manière adéquate avec les terroristes incarcérés», a ajouté le responsable syndical, en assurant que la création de compartiments spécifiques aux jihadistes exige également l’augmentation du nombre d’agents pénitentiaires et l’amélioration de la logistique, qui est aujourd’hui insuffisante pour faire face à des problèmes intervenus derrière les barreaux.
Si le syndicat des prisons et de la rééducation s’inquiète, c’est que des dizaines de détenus entrés en prison pour de «simples» délits de droit commun, les ont quittées, au terme de leur peine, radicalisés et persuadés que le califat sauvera la Tunisie et le monde arabe.
«Des informations parvenues des services de renseignement tunisiens et étrangers évoquent un projet des groupes terroristes à axer leur action sur les prisons et même à y mener des actions de déstabilisation. D’où notre inquiétude», a encore prévenu Badreddine Rajhi, ajoutant : «La vulnérabilité des prisons tunisiennes représente une grave menace pour la sécurité nationale. Il vaut donc mieux agir en amont et mettre en place des solutions préventives, d’autant que le nombre de jihadistes rentrés des zones de conflits augmente de jour en jour».
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