La politique monétaire erratique que complique la crise économique larvée ne dénote pas une volonté de l’Etat d’engager une réelle opération de sauvetage de l’économie.
Par Ezzeddine Saidane *
L’État emprunte massivement en dinars aux banques tunisiennes. Cependant les banques ne disposent pas des liquidités nécessaires pour cela. Plus encore le système bancaire tunisien vit une situation de «liquidity crunch» et donc de crise de liquidité sans précédent dans l’histoire du pays.
Cette situation a fait que la Banque centrale de Tunisie (BCT) injecte des liquidités (planche à billets) qui ont pointé récemment à plus de 10 milliards de dinars. Il s’agit là de déséquilibres graves.
Une autre conséquence de cette situation est ce qu’on appelle «effet d’éviction», en ce sens que l’État pompe toue la liquidité et les entreprises n’arrivent pas à obtenir les financements nécessaires à leur activité économique.
La semaine dernière, l’État tunisien est passé à un autre palier. Après avoir épuisé la liquidité en dinars, l’État se met à pomper la liquidité en devises.
En effet, 13 banques situées en Tunisie (banques résidentes et non résidentes) ont ensemble prêté à l’État tunisien 250 millions d’euros (700 millions dinars environ) sur trois années. Ce nouveau crédit sert à couvrir les besoins du budget de l’État pour 2017 et donc les dépenses courantes de l’État, et certainement pas les investissements. En effet, on ne peut pas financer des investissements de l’État sur trois années.
Deux remarques s’imposent à ce niveau:
1- Est-ce maintenant le tour à la liquidité en devises. L’effet d’éviction va s’aggraver. On pompe la liquidé en dinars en faisant fonctionner la planche à billets, et on ajoute à cela le pompage des liquidités en devises. Et après !!!
2- L’État tunisien vient d’emprunter sur le marché financier international 850 millions d’euros avec un taux d’intérêt de 6%. Donc le même État (même emprunteur et donc même risque) emprunte en euros (donc même monnaie) à 6% auprès des institutions financières étrangères et à 2% auprès des institutions financières locales (ou 2,25% lorsque le remboursement se fait en une seule échéance à la fin des trois années).
Où est la logique financière dans tout cela, même si la durée des deux crédits n’est pas la même ? Est-ce que les banques étrangères et les banques locales ont des appréciations tellement différentes du risque Tunisie ? Qui a tort et qui a raison ?
Je ne pense pas que les institutions financières étrangères se soient trompées dans l’appréciation du risque Tunisie.
Je pense plutôt que le taux d’intérêt (2 ou 2,25%) a tout simplement été imposé aux banques tunisiennes.
Au lieu d’engager une véritable opération de sauvetage de l’économie, les autorités tunisiennes continuent de recourir à des solutions de rafistolage.
* Expert financier, directeur du cabinet Directway Consulting.
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