La question de la gratuité des spectacles pour certains privilégiés de la république doit être sérieusement posée, car on est là face à des cas de mauvaise gestion voire de corruption.
Par Noura Borsali *
Un communiqué du syndicat des forces de sécurité de Sfax publié le dimanche 30 juillet 2017 sur le site du syndicat informe ses membres qu’un accord a été trouvé avec le festival de Sfax afin d’assurer sa sécurité.
Le communiqué évoque le contenu de cet accord : 400 billets gratuits pour chacun des spectacles, destinés aux familles des agents de sécurité, et le versement à ces derniers d’une indemnité…
Grève ou insoumission des forces de l’ordre ?
Selon Oussema Helal, juriste universitaire, ce refus des forces de l’ordre ne peut avoir que «deux qualifications juridiques : la première est une grève. Or, l’article 36 de la constitution l’exclut clairement et stipule que ‘‘le droit de grève ne comprend pas les forces de sécurité intérieure et la douane.’’ La deuxième qualification possible est l’insoumission. Dans les deux cas, il s’agit d’une infraction grave qui, si elle se poursuit et surtout vu qu’elle est commise par une caste entière, peut aussi signifier une rébellion masquée!», a-t-il écrit sur sa page Facebook.
Cet état de fait pose une question importante et devenue préoccupante pour nous autres citoyens : celle de la gratuité et des privilèges (invitations pour tous les spectacles) accordés à des «personnalités politiques» et autres ainsi qu’aux députés de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Rappelons que ces derniers (les députés) avaient demandé au ministre des Affaires culturelles de leur accorder la gratuité pour toutes les manifestations culturelles. Bien sûr, le ministre s’était vite exécuté.
Et allez demander pourquoi, au festival de Carthage cette année, et pour les «grands» spectacles, le nombre de billets vendus est bien supérieur aux places disponibles. Ce qui a suscité, selon de nombreux témoignages, une mauvaise organisation et des protestations de spectateurs qui n’avaient pas réussi à disposer de leurs places pourtant payés à un prix fort (50DT).
Et allez demander, à l’occasion et à la lumière du témoignage d’un spectateur dans l’émission ‘‘360 degrés’’ de la chaîne Al-Hiwar Ettounsi, comment certains caissiers vendent une partie des billets.
Et allez demander pourquoi le ministre des Affaires culturelles, qui, avouons-le, n’a pas fait de grandes réalisations pour la culture, a obtenu un bon nombre de voix lors de son tout récent passage devant l’ARP pour une convention avec l’Union européenne (UE) pourtant bien critiquée par les députés intervenant au cours du débat.
«Mauvaise gestion» et «corruption»
Et enfin allez comprendre pourquoi aucune enquête n’a été faite sur cette gratuité dénoncée par Amel Moussa, directrice démissionnaire du festival de Carthage, qui a relevé les sommes importantes que cela coûte aux contribuables et qu’elle a taxée de «mauvaise gestion» voire de «corruption» dans ce contexte prétendument anti-corruption. Puisque, relève-t-on, ce privilège est, en réalité, une «aberration».
En effet, ce nombre important d’invitations gratuites «constituent, en fait, des avantages en nature accordés aux personnalités politiques ou autres et aux députés, ces avantages devant être considérés comme un complément de leurs primes et salaires et donc soumis à l’impôt». (M.B.H.)
Et allez comprendre en vertu de quel principe et pour quelles raisons le festival de Carthage a organisé, en présence du ministre des Affaires culturelles, une grande réception pour les personnalités politiques et le monde diplomatique lors de la soirée du spectacle de l’Egyptienne Shirine. Comment les organisateurs justifieront-ils cette dépense du festival?
Et enfin allez comprendre pourquoi les prix des billets des spectacles s’affolent de plus en plus. Et ceci dans le plus grand silence des «élus du peuple».
Face à cet état de faits, il serait utile, voir édifiant de rappeler que, dans certains pays nordiques, il est habituel qu’un Premier ministre achète lui-même et comme n’importe quel citoyen, son billet qui, parfois, faute de places, lui réserve un simple strapontin.
En conséquence, nous sommes en droit de nous poser cette question : Où en sommes-nous, en fait, par rapport à de tels comportements civiques renonçant aux privilèges, respectant les contribuables et encourageant la culture?
Et jusqu’à quand, nous autres les contribuables continuerons-nous à tolérer l’injuste et l’intolérable ?
Et, pour finir, de quelle culture parle-t-on face à des programmations de certains festivals ? Et quelle crise financière peut-on évoquer quand des spectacles sont payés chèrement «en monnaie sonnante et trébuchante» et en devises ? Qu’en pense la Banque centrale qui observe, impuissante, la dévaluation incessante du dinar?
Que de questions encore et encore…
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