Quand Ghannouchi appelle ses «chers enfants» à revenir aux fondamentaux intégristes, le jeu démocratique n’étant, expérience faite, nullement taillé pour la chevalerie islamiste.
Par Assâad Jomâa *
L’atmosphère bon-enfant qui s’est (spontanément ?) créée autour de la dernière intervention (incursion, allais-je dire) télévisuelle du sieur (cravate oblige) Rached Ghannouchi (entretien avec la chaîne Nessma, mardi 1er août 2017), m’a acculé à reprendre mon bâton de pèlerin à l’encontre de l’imposture intégriste.
L’horrible port de la cravate
S’il est une «valeur» antirépublicaine, anti-démocratiques, amorale… irréligieuse même que les Frères musulmans ont adopté dès leur formation c’est bien celle de la «taqiyya». Intraduisible en un seul mot, celle-ci autorise l’action, la parole, voire même la pensée, secrète en cas de nécessité. Or, en fait de «nécessités» nos chers «Frères» ne cessent d’en voir, et à supposer même qu’il n’en existât point, ils en créeraient sous couvert de «Dieu y pourvoira».
Experts dans le rôle qu’ils affectionnent tout particulièrement, influence chiîte – imputable à leur adoption de grands pans de la théorie de l’imamat (et plus particulièrement de la Wilâyat al-Faqîh) des duodécimains – oblige, celui de victimes historiques des bas instincts humains, ils ne ratent pas une occasion pour rappeler les durs sacrifices qu’ils doivent endurer pour préserver la pureté de leur foi, vouée, comme chacun sait, à des fins purement spirituelles.
D’où le fameux épisode de la cravate du cheikh. Un message à peine codé à l’intention des Frères d’ici et d’ailleurs afin de montrer à quels sordides détails en sont réduits les pieux musulmans pour sauvegarder le message religieux. Il n’est pas jusqu’à l’horrible port de la cravate, avec toute la symbolique l’accompagnant, synonyme de totale soumission à l’Occident via cette laisse de chien, qui n’ait été consentie par le gardien même des pures valeurs islamiques du «Salaf as-Sâlah».
Ultime concession, suite à plusieurs décennies de téméraire résistance, cet épiphénomène, n’eussent été certains antécédents historiques (allusion est faite ici à la fameuse chemise (qamîs) du calife Othman), a valeur, pour peu qu’il soit décodé à bon escient, d’ultimatum.
A dater de ce jour, béni entre tous parce qu’ouvrant la voie au jihad (sous toutes ses formes) pour la gloire d’Allah, n’attendez plus de concessions de notre part, la raison en est toute simple : nous n’en avons plus à vous donner, tenus, désormais, en laisse tels que nous sommes.
Rupture de ban avec l’Etat
Poussant encore plus avant sur la voie de la rupture avec l’Etat, une solennelle mise en garde adressée à l’encontre du chef du gouvernement Youssef Chahed contre toute velléité de candidature aux élections présidentielles de 2019 fut formulée par notre vénérable cheikh en des termes on ne peut plus crus.
Le message adressé par le Guide à ses «enfants» était clair : nous sommes désormais en rupture de ban avec l’Etat. Certaines âmes charitables se sont employées à nous persuader que, ce faisant, l’imam éliminait un gênant concurrent. Nullement! Si tel était le cas, il aurait ouvert la voie à une éventuelle candidature de l’un de ses «Frères», à défaut de la sienne. Une simple concertation à ce propos avec le Nidaa des Caïd Essebsi(s) aurait été du meilleur effet au Palais. Le «niet» de Ghannouchi était aussi sec que le sable du désert du Hijaz.
Mot d’ordre fut ainsi donné aux «chers enfants» d’en revenir aux fondamentaux intégristes. Le jeu démocratique n’étant, expérience faite, nullement taillé pour la chevalerie islamiste, foin de ce carcan décidément trop gênant aux entournures!
* Universitaire.
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