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Tunisie : Sept ans sur les voies de l’inconnu

Quels progrès pouvaient prétendre réaliser des peuples saignés à blanc voici bien 6 ans pour les uns, 7 ans pour nous, Tunisiens? Avec pour seule certitude, une banqueroute annoncée.

Par Abdallah Jamoussi *

Au terme d’une longue odyssée sur des voies sinueuses et ambiguës, toujours pas d’horizons pour le printemps arabe décrit comme ultime salut; car plutôt que de réaliser des objectifs révolutionnaires, les citoyens restés à l’en-dehors des cupidités ont été pris à partie par des sphères ayant pris places dans un train égaré. L’alignement idéologique dut aussitôt générer des hostilités et dissensions sur fond d’interprétations religieuses et de propagandes intempestives soigneusement concoctées.

Le malheur est qu’on ne sache pas qui parle et au nom de qui; tellement l’envergure est immense et les subdivisions de l’influence sont enchevêtrées.

Un climat incertain et trouble

Pour longtemps les pays arabo-musulmans n’osaient pas exprimer explicitement leurs différences, quant à certains concepts de l’islam; ce qui fait que des litiges en rapport avec la façon d’être musulman durent éclater et emporter dans le sillage de conflits les rêves des pauvres et les ambitions des jeunes, en premier, avant que les éclats ne se répercutent sur les turnes des bailleurs de fonds. Il s’en est suivi, alors un climat de torpeur et de rancœur, souvent camouflé à l’instar de ce que nous connaissons, pendant les sept années de vaches maigres nourries à crédit.

Dans ce continuum incertain et trouble, quels progrès pouvaient prétendre réaliser des peuples saignés à blanc voici bien six ans pour les uns, sept ans pour nous, Tunisiens?

Tout pronostic à l’égard de la sécurité et du progrès atteste la présence d’un climat tendu dans lequel on se partage mutuellement l’incertitude et la méfiance de l’autre différent – peu importe sous quel angle, il apparaît.

Ainsi, l’acte de vivre se traduit, généralement, sous forme de ballotage entre illusions prometteuses et manque de crédibilité vis-à-vis des communiqués qu’on ne sache prendre au sérieux, tellement les nuits blanches succèdent aux jours les plus assombris, selon un processus va dans le contre-sens du déclaré.

Combien de fois, l’avait-on décidé, voté et consenti ce tournant sur la voie du salut, sans que rien ne fût réalisé?

Combien de gouvernements ont-ils siégé et combien de projets annulés? Combien de tentatives avortées, à chaque pas vers la transparence et la lutte contre l’ostracisme et la corruption? Faute de moyens ou manque de volonté?

Pouvions- nous admettre qu’il s’agit de comportement condescendant vis-à-vis du peuple, qui a du mal à comprendre, de quel droit a-t-on condamné à la dénégation, les gens qui ont parlé quand il le fallait et qui se sont tus, dans le brouhaha des foules et les commérages des tables des fonds des cafés.

La damnation, ça existe et je l’ai vue, sur les visages des militants méconnus pour leur perspicacité, des écrivains interdits d’accès pour leur objectivité, de ces enseignantes affectées à trois cent kilomètres de chez elles et qui ne trouvent personne à venir à l’aide de leurs enfants laissés pour compte.

Peine vaine de se plaindre d’avoir voté pour un sort qu’on t’a prémédité, sans que tu aies une idée claire de son issue. Sa sublime vérité est de convenir au projet décidé ailleurs à la mesure des acteurs qui lui sont destinés, jusqu’à nouvel ordre?

Quoi d’autre de ce qui n’évoque pas la douleur de l’étau devait manquer à l’appel, en ce jour témoin de la segmentation de notre union et de notre division réussie sur tout plan, même sur l’indivisible? Quoi? La patrie; notre patrimoine, qu’on ose brûler et semer aux vents passagers. Oui, c’est un présage de mauvais augure, car on pourrait, par la suite et sans crainte vendre cette terre aux intrus et même à l’ennemi et dormir la nuit, sans remords. Serait-ce possible?

Mais du moment où des corps intrus parvenus à monter au créneau et graviter les échelles, pour s’emparer de notre devise et fuir, sans que les planques encore à chercher ne causent remous ou préoccupation médiatique, on ne pouvait que s’en inquiéter, outre mesure et à juste titre pour le régime électoral, arbitraire et mal avenu; force de est de constater ses retombées négatives sur le processus démocratique et de surcroît sur la lutte contre la corruption; ce fléau qui se répand et s’approfondit à l’ombre d’un sentiment de déni de justice au niveau des masses populaires désemparées face à ce népotisme, sans appel au service des nantis.

Rivaux politiques d’hier, actuellement en lune de miel et formant une sorte de parti unique.

Favoriser les riches au détriment des démunis

Il faut dire que depuis qu’il en fut décidé ainsi, les citoyens neutres tout comme les masses non concernées se sentaient seuls et démunis de tout moyen de protection en mesure de résorber le manque dû à la fédération de leurs syndicats aux partis liés d’intérêts avec leurs employeurs, d’autant que le gouvernement, censé assurer l’arbitrage entre ces deux parties, ne pourrait en cette phase de notre histoire que favoriser les riches au détriment des démunis condamnés injustement à déduire de leur niveau de vie, afin d’honorer les non-payés des patrons défaillants, ainsi que les crédits à courts et à longs termes destinés à dédommager des abus survenus à d’autres époques entre rivaux politiques, actuellement réconciliés et en lune de miel. Inutile de dire, que pour l’heure, ils forment conjointement, une sorte de parti unique non moins totalitaire que l’ex-régime déchu.

Ce constat désolant ne concerne pas exclusivement le volet social même lorsqu’il présente des symptômes de déliquescence, car il s’étend au gré de cette démarche aberrante à d’autres secteurs non moins préoccupants, à savoir l’encouragement des investisseurs étrangers à s’implanter chez nous. Ce projet qu’on inaugure avec éclat de joie et promesses exagérées ne paraît pas aussi généreux qu’on le pense, car en dépit et de l’enthousiasme éprouvé, un climat de suspicion altère le climat de ce genre d’affaires qui requiert clairvoyance et rigueur, afin de pouvoir, au moins, sauver nos acquis antérieurs menacés de saisie en hypothèque par l’étranger, dans les conditions que nous connaissons.

Il convient de rappeler que les déclarations officielles au sujet de notre balance commerciale qui décrit un grave déficit de payement ne peuvent pas du tout paraître rassurantes. Il est même devenu banal qu’on encourt un grave déficit afférent à des importations dont on a pu se passer, d’autant que certains produits qui inondent nos marchés bloquent nos articles locaux, générant par voie de conséquences l’abandon de certains secteurs, naguère lucratifs.

Ainsi donc, se fête chez-nous, dans la bonne humeur, les signes précurseurs d’un marasme économique inhérent.

Mettre le pays en banqueroute

En réalité, tout porte à croire que nous sommes peu informés sur le processus directeur de toutes les ébauches initiatiques du système qu’on a du mal à présenter sous forme de feuille de route, raison pour laquelle on aurait été enclin de procéder dans les crépuscules, sans pour autant annoncer, publiquement, la nuit tombante.

Je pense plutôt, à ces investisseurs conviés avec les meilleures expressions de la sollicitude à créer chez-nous des postes d’emploi, alors que notre expérience avec le legs quasiment gratuit du lac de Tunis, malgré l’opposition de certains députés au parlement de cette époque révolue à ce projet, dont la machine médiatique du pouvoir déchu a fait une réussite, qui ne tardera pas à créer 15.000 emplois, sans compter ses bienfaits sur le tourisme et ses apports considérables en devises.

A l’époque peu de gens savaient ce qui pourrait s’en suivre du bradage d’un tel territoire aussi important ; ainsi dût-on par la suite constater qu’une partie du pays ne fût plus, et de conclure que la solution au chômage ne pourrait être que tunisienne. Il faudrait même s’estimer trop chanceux que le pays bénéficiaire n’eût pas eu à utiliser cette propriété échue dans les conditions des clauses qu’on connaît – ou presque – comme fief à terroristes.

Il va sans dire, qu’en projection déductive depuis les bases notionnelles du capitalisme ultralibéral, on peut être surpris de constater de nouvelles formes de colonialismes plus possessives que les précédentes, du fait de leurs façons d’exploiter à fond les ressources des pays qui connaissent des difficultés financières ou techniques jusqu’à les déposséder de leurs patrimoines les plus valeureux : terres fertiles, potentiel énergétique ou humain.

De telles pratiques n’annoncent pas le printemps, comme le prétendent leurs courtiers parsemés à travers les pays souffrant de difficultés sécuritaires ou structurelles, ayant pour mission d’acquérir au plus bas prix. Pour ce faire, le mot d’ordre-clef mettre le pays en banqueroute, par des procédures ayant attrait à des mesures dans le but de parer à la ruine.

* Universitaire.

 

 

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