Pour survivre et nourrir sa famille, Saïd, enseignant comme indiqué sur sa carte d’identité, cumule les petits boulots, dont les plus pénibles.
Nous avons rencontré ce professeur de physique au chômage, à Tunis, tenant à la main son sac à dos, son tabouret et sa table, fuyant la police municipale, pour ne pas se faire saisir son matériel de fabrication manuelle de bracelets.
Vendeur à la sauvette, c’est son travail du moment, mais ce n’est pas facile puisqu’il agit dans l’illégalité, n’ayant pu obtenir d’autorisation pour ce métier de fortune : créer des bracelets en fils avec un prénom.
Confronté au chômage, qui a atteint 15% de la population active et 40% des diplômés du supérieur, Saïd ne pouvait croiser les bras en attendant un hypothétique boulot, car il doit aussi nourrir sa fille de 5 ans. A la maîtrise, il a ajouté une formation en informatique, espérant que cela puisse lui être utile pour trouver un travail, mais en vain.
Il explique à Kapitalis qu’il est conscient du problème d’emploi en Tunisie, où l’Etat ne peut continuer à recruter dans la fonction publique, déjà en sureffectif. C’est pourquoi, il a eu recours au système D : vendeur à la sauvette à Tunis, vendeur de malsouka (pâte pour les briks) et ramassage de bouteilles en plastique, qu’il ramasse dans des poubelles.
Des Saïd, il n’y en a pas beaucoup, mais ce qui marque chez cet homme, en plus de sa fierté, c’est l’amour qu’il porte à son pays : «La Tunisie a besoin que tout le peuple travaille, peu importe ce qu’il fait, chacun de nous doit œuvrer à reconstruire le pays qui est en crise. Au lieu de se plaindre, il faut se lever tôt le matin, travailler, payer ses impôts, ses factures, nettoyer le pays et construire quelque chose pour nos enfants», a-t-il dit, ajoutant qu’il y a bien eu des partis politiques qui ont tenté d’acheter son vote en 2014, lors des élections, mais il a refusé.
«Des hommes sont morts pour que l’on puisse vivre en démocratie et loin de la corruption. On doit poursuivre leur combat», a-t-il dit dans un français impeccable.
Saïd, ce prénom veut dire heureux en tunisien, et cet homme fait de son mieux pour échapper à la misère et au désespoir, quitte à travailler dur et dans des conditions de précarité absolue.
Y. N.
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