La sortie de ‘‘Tunis by night’’ d’Elyes Baccar dans les salles annonce la rentrée cinématographique et le début d’une nouvelle saison riche en production tunisienne.
Par Fawz Ben Ali
Le film a été projeté vendredi 22 septembre 2017, à l’Institut français de Tunisie (IFT), pour la première fois, en séance spéciale réservée aux journalistes et aux critiques, puis le lendemain, samedi, au Colisée, en avant-première nationale. Le grand public de la capitale mais aussi des régions pourra le découvrir à partir de demain, mercredi 27 septembre.
Elyes Baccar, connu pour sa grande passion pour le cinéma documentaire, signe avec ‘‘Tunis by night’’ son deuxième long-métrage de fiction, 13 ans après le premier ‘‘Elle et lui’’ (2004). «J’ai mis plusieurs années pour finaliser l’écriture du scénario de ce film; des années de doute et de rejet de l’engagement», dira-t-il.
Ce nouveau film tunisien produit par Mohamed Ali Ben Hamra et distribué par le groupement Goubantini ne fera pas partie de la sélection officielle des Journées cinématographiques de Carthage (JCC2017), mais il pourrait toutefois figurer dans des sections parallèles, nous apprend le cinéaste.
Amel Hedhili revient à l’écran après une longue absence.
La révolution, encore et toujours …
Elyes Baccar a déjà abordé le thème de la révolution dans ses deux derniers documentaires ‘‘Rouge parole’’ (2011) et ‘‘Lost in Tunisia’’ (2016), mais le cinéaste semble n’avoir pas encore tout dit sur ce sujet qui demeure très en vogue sur nos grands-écrans.
En effet, dès les premières minutes, alors qu’aucun des personnages ne s’est encore exprimé, le spectateur arrive à repérer le cadre temporel de l’intrigue ; à la radio, on parle d’un jeune qui s’immole par le feu à Sidi Bouzid. Le film nous fait ainsi revenir 7 ans en arrière à la fin de l’année 2010 à quelques semaines du déclenchement de la révolution.
L’affiche du film réunit Raouf Ben Amor, Amel Hedhili, qui revient au grand-écran après une longue absence, et les deux jeunes acteurs, Amira Chebli et Helmi Dridi.
Ces quatre personnages représentent la famille sur laquelle est centré le film. Mais Elyes Baccar a également invité sur son plateau de tournage un florilège de grands comédiens (Moncef Lazaar, Abdelhamid Gaïes, Sihem Msaddak, Sonia Meddeb…) qui alimentent le film par leurs brèves mais très remarquables apparitions.
Raouf Ben Amor dans le rôle d’un père responsable des malheurs de toute sa famille.
‘‘Tunis by night’’ est donc le portrait d’une famille tunisienne sur fond d’un moment crucial de l’histoire de la Tunisie moderne, à savoir les quelques jours qui précèdent la révolution du 14 janvier 2011. Dès les premières scènes de ce film dramatique, la tension est palpable dans cette famille qui semble au bord du gouffre. Des parents qui font chambre à part et un grand frère islamiste qui veut dominer sa sœur. Cette dernière jouée par Amira Chebli, habituée plutôt au monde du théâtre et de la danse contemporaine, est une dépressive aux allures gothiques qui vit une amourette avec le guitariste du groupe dans lequel elle chante. Ensemble, ils passent leurs soirées à se droguer et à traîner dans les bars (un portrait pathétique qui risque de faire comprendre aux moins avertis des spectateurs que le frère islamiste aurait raison de jouer les autoritaires).
Ce qui frappe encore plus avec ce portrait féminin c’est son étrange ressemblance avec le personnage principal du film ‘‘A peine j’ouvre les yeux’’ de Laïla Bouzid, ce dernier cependant, donnait une image plus positive de la jeunesse féminine tunisienne.
Helmi Dridi dans le rôle du frère islamiste qui empoisonne la vie de sa soeur artiste.
Le drame d’une famille
Au fil des événements, on comprend que c’est le père de la famille, joué par Raouf Ben Amor, qui se trouve être responsable des malheurs de toute la famille, à commencer par le cancer de sa femme et la dépression de sa fille.
Ce personnage, qui sous ses airs de grand intellectuel taciturne, se cache un être froid, perdu dans ses convictions et en perpétuel conflit intérieur. S’apprêtant à prendre sa retraite de la radio nationale, Youssef décide de s’exprimer enfin un peu plus librement lors de sa dernière émission nocturne ‘‘Tunis bu night’’, d’abord il rend hommage à sa femme qu’il a jusque-là traitée comme une étrangère, puis de cracher son venin sur le régime de Ben Ali jusqu’à ce qu’il se fasse couper en direct et que l’on vienne l’amener dans un poste de police.
C’est après cette nuit que Youssef commence à se rendre compte que sa famille est en train de partir en éclats, de même pour le pays pour qui l’avenir est incertain. Une sensation d’étouffement accompagne le quotidien de cette famille où on ne rit jamais et où dès que l’on se parle cela se finit par des cris et des larmes. Cette même sensation d’étouffement se transmet d’ailleurs facilement au spectateur par le biais de la finesse et la justesse du jeu des acteurs pour qui les rôles semblent être taillés sur mesure. Mais grâce aux personnages secondaires, qui servent de confidents pour les personnages principaux, le film retrouve un soupçon de vie, de fraîcheur, voire d’humour.
Amira Chebli dans le rôle de la jeune artiste dépressive et paumée.
En effet, l’humour trouve sa place dans les dialogues qui s’avèrent l’un des points forts de ce film pour leur naturel et spontanéité, donnant ainsi une image assez réaliste des personnages qui, souvent, ne mâchent pas leurs mots. «J’ai voulu peindre, à travers une fiction mais de manière réaliste, la société tunisienne», explique le cinéaste qui avoue s’être partiellement inspiré de son propre vécu, en y glissant «des traces de souvenirs, de rêves, de fantasme», ajoute-t-il.
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