Plusieurs solutions sont préconisées pour réduire le déficit budgétaire et relancer l’économie, en panne depuis 2011. Mais elles ne font pas l’unanimité.
Par Khémaies Krimi
L’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica) a saisi le débat instauré, ces jours-ci, sur le projet de Loi de Finances 2018 pour exposer son approche des solutions à apporter au déficit budgétaire évalué à 6,5% du PIB.
Pour un impact économique des mesures fiscales
Pour l’Utica, «la conception des lois de finances doit se baser sur un nouveau paradigme. On ne doit plus chercher des ressources pour couvrir des dépenses, mais plutôt optimiser les dépenses compte tenu des ressources que le fonctionnement normal de l’économie peut générer et c’est la relance de l’économie qui générera plus de recettes ce qui autorisera plus de dépenses publiques». Et la centrale patronale de préciser: «La recherche d’augmentation des rentrées fiscales par la hausse des taux est contre-productive; elle est à exclure. L’élargissement des bases d’imposition à l’ensemble des activités et des catégories socioprofessionnelles, sans exclusives ni privilèges, est indispensable». Pour l’Utica, «il en est de même pour la TVA, un élargissement de l’assiette imposable est préférable à une augmentation des taux».
Autre nouveauté de cette approche : l’Utica estime qu’«à partir de 2018, les mesures fiscales doivent être soumises à une mesure d’impact sur l’activité économique et sur la recette fiscale future et ce pour faire de la fiscalité un moteur de la croissance».
Au rayon des panacées à prescrire pour soulager la pression sur les finances publiques et réduire le déficit budgétaire, la centrale patronale n’y va par quatre chemins, elle propose sa solution dada : «La restructuration financière d’entreprises publiques. Cette solution constituerait une voie pour réduire les déficits des entreprises publiques (5,5 milliards de dinars) et procurer des recettes nouvelles».
Et quand l’Utica parle de «restructuration financière», elle n’écarte pas l’ouverture du capital de ces entreprises au privé, sinon elle l’encourage, car cela permettrait de réduire leurs déficits cumulés, de soulager le budget de l’Etat, souvent appelé à les refinancer, et, surtout, d’améliorer leur gouvernance.
Les experts comptables confortent l’Utica
La centrale patronale relaye ainsi l’approche des experts comptables. Réunis, récemment, dans le cadre d’une table-ronde sur la thématique: «Quelles solutions innovantes pour maîtriser le budget de l’Etat?», ces derniers ont, en effet, plaidé pour «la rupture avec l’augmentation des impôts et des droits de douane, et des droits de consommation, ainsi qu’avec le maintien de la politique de subvention telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui.» Car, pour eux, la pression fiscale a atteint un seuil supérieur à celui en vigueur dans les pays de l’OCDE (31%), soit 34%.
La seule alternative serait donc d’«agir sur les recettes non-fiscales par la privatisation partielle ou totale d’entreprises publiques opérant dans le secteur concurrentiel. L’objectif étant la maîtrise du budget de l’Etat et la garantie de son équilibre, sans recourir aux augmentations rituelles, mais à travers des mesures dites novatrices».
Ces solutions, partagées par la centrale patronale, consistent à relancer l’investissement public-privé et concessions, à augmenter les recettes non fiscales par des privatisations totales ou partielles (tabac, institutions financières, logistique…).
L’accent doit être mis, parallèlement et concomitamment, sur la maîtrise des dépenses de fonctionnement (salaires et subventions), sur le renforcement de l’investissement et sur la mise en place d’une meilleure coordination entre politique monétaire et politique fiscale, préconisent les experts comptables.
Cette approche ne serait pas du goût de tous
Cette approche n’est pas du goût d’autres analystes et observateurs de l’économie tunisienne dont Sophien Bennaceur, expert en gestion de crise. Ce dernier estime qu’«au regard de la pression du temps et de l’urgence de la situation, les solutions qui paraissent les plus indiquées, d’ici, les échéances électorales de 2019, sont des solutions monétaires du genre: amnistie fiscale partielle, amnistie de change (encouragement des Tunisiens à détenir des comptes en devises), vente de la dette tunisienne sur le marché international des capitaux pour réduire les déficits budgétaires et courants, récupération des impayés auprès des caisses de sécurité sociale, du fisc et de la douane (10 milliards de dinars à récupérer), soit presque le montant du déficit courant. Leur recouvrement peut se faire par la négociation.»
«Aux Etats Unis, note encore Bennaceur, de telles négociations sont régulières et permanentes. Elles aboutissent, le plus souvent, à des règlements satisfaisants pour les deux parties concernées».
Cette dernière approche est très proche de celle l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), la centrale syndicale qui s’emploie à pousser le gouvernement à aller chercher des fonds là où il doit les trouver, en l’occurrence les impayés des banques publiques, des entreprises publiques (Sonede, SNDP, Steg…), du fisc et de la douane.
Au final, les différentes approches se défendent et les arbitrages sont nécessaires. C’est en principe la tâche d’un gouvernement compétent.
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