Le premier film de fiction de Walid Mattar, ‘‘Vent du nord’’, est une fresque sociale universelle, dont l’action se déroule au nord et au sud de la Méditerranée.
Par Fawz Ben Ali
Ce film qui a beaucoup fait parler de lui aux dernières Journées cinématographiques de Carthage (JCC 2017), sortira dans les salles tunisiennes, le mercredi 10 janvier 2018.
Il s’agit du premier long-métrage du jeune cinéaste Walid Mattar qui a brillé dans la compétition officielle de la Première Œuvre aux JCC, en raflant 3 prix (le Tanit d’or, le Prix du meilleur scénario et le Prix TV5 Monde).
Projeté pour la presse, jeudi dernier, 4 janvier, et lendemain en avant-première à la maison de culture Aly Ben Ayed à Hammam-Lif (là où une grande partie du film est tournée), ‘‘Vent du nord’’ sort demain dans les salles, au grand bonheur des cinéphiles et du grand public qui n’a pas eu l’occasion de le voir durant la turbulente semaine des JCC.
Foued puise son énergie dans une histoire d’amour pour vaincre la routine de l’usine.
Deux histoires et un seul récit
‘‘Vent du nord’’ est un film surprenant d’abord par son casting où l’on retrouve le rappeur Mohamed Amine Hamzaoui qui apparaît pour la première sur le grand écran, et puis par son écriture audacieuse et intelligemment ficelée où deux histoires indépendantes sont racontées parallèlement dans un récit parfaitement cohérent.
Réunissant un florilège d’acteurs tunisiens et français comme Abir Bennani, Mohamed Amine Hamzaoui, Philippe Rebbot, Corine Masiero…, le film est tourné sur les deux rives de la Méditerranée : le nord de la France et la banlieue sud de Tunis.
Il y a d’abord Hervé, un cinquantenaire qui voit l’usine pour laquelle il a travaillé pendant 30 ans se délocaliser vers un autre pays. Malgré ce coup dur, ce père de famille au regard perdu reste positif et envisage un nouveau départ pour sa vie en vivant enfin de sa passion pour la pêche.
L’usine est relocalisée à Tunis en vue d’une main d’œuvre moins coûteuse et les jeunes chômeurs de Hammam-Lif y voient une issue pour faire vivre leurs familles. En suivant le quotidien de Foued, qui intègre le travail à la chaîne afin de soigner sa mère, le film nous peint des journées infernales où les rêves sont avortés, où l’énergie est épuisée et où les ambitions n’ont plus lieu d’être. «Le travail permet-t-il d’avoir une vie sociale digne?», c’est la question que pose le cinéaste à travers sa double histoire franco-tunisienne.
Le travail permet-t-il d’avoir une vie sociale digne?
Le destin tragique de l’homme moderne
Malgré la différence d’âge, de culture et de pays, l’analogie entre les deux personnages principaux est frappante car le film, qui se veut une fresque sociale et universelle, nous dépeint avec justesse le destin tragique de l’homme moderne, qu’il soit du nord ou du sud, qu’il soit jeune ou moins jeune.
Alors qu’Hervé voit dans la pêche une alternative de survie pour sa retraite forcée, Foued lui, puise son énergie dans une histoire d’amour pour vaincre cette routine mortelle de l’usine. Mais les rêves de chacun finissent rapidement par se briser face à la mondialisation et au capitalisme qui abattent les individus à petit feu. Et le personnage d’Hervé, auquel le spectateur tunisien peut aussi s’identifier, nous dévoile la face sombre de l’Europe où la misère, la lutte pour la survie et l’exploitation sont autant présentes.
Le film nous angoisse, nous fait sourire par moment et nous fait surtout réfléchir quant à la crise économique mondiale actuelle qui s’intensifie de plus en plus rendant les pauvres en plus pauvres et les riches encore plus riches.
Walid Mattar, grande révélation des JCC 2017, fait partie de cette nouvelle génération de cinéastes (à l’instar de Kaouther Ben Hania, Leila Bouzid, Mohamed Ben Attia…) qui nous proposent un nouveau cinéma tunisien social et poétique à la fois, tout en restant accessible au grand public.
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