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Nadia El Fani : Jamais je ne serai une «idiote utile» !

Nous avons reçu de la cinéaste Nadia El Fani la mise au point que nous publions ci-dessous à propos de ses positions vis-à-vis de la politique en général et d’Ennahdha en particulier.

Je ne sais pas qui est l’auteur (qui signe des initiales Y. N.) du bref article paru dans Kapitalis et dont voici le lien.
J’avoue qu’au premier abord je l’ai lu avec un sourire en coin… Voir mon nom associé à une soi-disant conclusion de la proposition de Youssef Seddik (pour qui j’ai un profond respect) de faire figurer un «candidat homosexuel» ou une «personne athée» sur les listes électorales, m’autorise tout de même à faire une mise au point.

Il est évident cher Y. N. que je peux entrer dans les deux catégories : j’ai toujours assumé mon homosexualité, et revendiqué mon droit à exprimer mon athéisme. Mais ce que cela m’a coûté ne fait pas de moi une personnalité légitime à figurer sur une quelconque liste électorale ! Encore moins s’il s’agit du parti Ennahdha dont la finalité est pour le moins d’établir un régime totalitaire, en parfaite contradiction avec mes options libertaires !

En revanche, je crois, pardon, je pense, que citer mon nom, même avec ironie, pour une imaginaire pseudo compatibilité avec le parti Ennahdha ne relève pas de la petite blague innocente…

J’ai toujours rejeté le moindre embrigadement, toujours refusé d’adhérer à un parti politique, toujours préservé mon indépendance, toujours exercé ma liberté de parole – même avant la révolution –, et affirmé ma singularité.

Je ne supporte pas d’être enfermée dans une «communauté», ma communauté est celle de l’humain, point !

En tant que citoyenne et artiste engagée, je m’autorise à défendre des convictions auxquelles j’adhère. Toute œuvre de création est éminemment politique ! Et les artistes qui se disent apolitiques, ont, contrairement à ce qu’ils pensent un positionnement politique, celui de faire l’autruche. Se soumettre est un acte volontaire, donc une prise de position.

Les politiciens cherchent à gagner des élections parce qu’ils veulent gouverner. Ils désirent le pouvoir plus que tout. Je désire la liberté plus que tout et ce n’est pas le parti Ennahdha qui me la concédera, j’aspire à l’égalité pour nous toutes et tous et ce n’est pas le parti Ennahdha qui nous la garantira, j’exige la solidarité pour nous toutes et tous et ce n’est pas le parti Ennahdha, (qui s’est arrogé en 2012/2014 en priorité des privilèges au mépris de l’urgence à abolir les injustices sociales et la corruption) qui y répondra.

Le fait de désigner un homme sur une liste électorale en soulignant son appartenance à une catégorie religieuse rappelle qu’Ennahdha n’en a pas fini avec le référent religieux… Il faudrait songer à demander à Monsieur Simon Slama ce qu’il entend par «la différence entre un arabe et un chrétien»? Être arabe ne définit pas une appartenance à une religion que je sache ! Il dit aussi «qu’il a choisi ce parti parce que ses membres ont peur d’Allah»… Que penser d’un parti dont les membres agissent non pas par convictions, ou au nom d’une adhésion à un programme économique, politique, mais par peur d’Allah ou autre? Personnellement cela me rappelle les pires moments de la dictature quand les Tunisiens avaient peur de quelqu’un ou de quelque chose…

De quoi M. Slama a-t-il peur?

Cher Y. N. je n’ai pas peur d’être ce que je suis, mais jamais je ne serai une «idiote utile» !

Note de la rédaction :

Chère Nadia El Fani, vous connaissant très bien, ainsi que votre souci d’indépendance, notre journaliste Y. N. (Yüsra Nemlaghi) sait très bien que vous ne serez jamais sur une liste électorale d’aucun parti politique, et encore moins celle du parti islamiste Ennahdha. Loin d’elle donc l’idée de vous considérer comme un possible «idiot utile» comme le sieur Simon Slama. Elle vous a citée juste par ironie et pour tourner en dérision cette fâcheuse tendance qu’a aujourd’hui Ennahdha à vouloir plaire à ses adversaires, au point de vouloir donner l’illusion d’épouser leurs idées, y compris les plus insupportables du point de vue de son idéologie extrémiste religieuse.

Notre journaliste vous a donc citée comme un défi lancé à Ennahdha parce que vous incarnez, intellectuellement et par vos positions citoyennes, la négation même de son idéologie.

Bien sûr, votre mise au point s’imposait pour dissiper toute incompréhension ou tout malentendu pouvant naître de la lecture de l’article de notre journaliste.

Article lié:

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‘‘Même pas mal’’ de Nadia El Fani : Le retour d’une guerrière

http://kapitalis.com/tunisie/2017/06/02/cinema-les-plaintes-contre-nadia-el-fani-classees-sans-suite/

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