‘‘Mustafa Z’’, dernier long-métrage fiction de Nidhal Chatta, est actuellement dans les salles tunisiennes. Un film sur cette libération qui nous fait du bien…
Par Fawz Ben Ali
Ce film a d’abord été présenté aux dernières Journées cinématographiques de Carthage (JCC 2017) à la compétition officielle, raflant le Prix de la meilleure interprétation masculine attribué à Abdelmonem Chwayet pour le rôle de Mustafa. Ce dernier n’est pas seulement l’acteur principal du film, mais a accompagné le projet dès le début en proposant l’idée du scénario et en travaillant sur les dialogues.
Nidhal Chatta nous revient avec un film très différent de ce qu’il a fait jusque-là comme ‘‘L’horizon englouti’’ (1984), ‘‘No man’s love’’ (2000), ‘‘Le dernier mirage’’ (2012)… L’histoire se déroule en seule journée dans la période du deuxième tour des élections présidentielles tunisiennes en décembre 2014.
Nidhal Chatta décide de mettre la lumière sur un personnage quelconque, un monsieur tout le monde : il s’agit de Mustafa, un quarantenaire marié et père d’un jeune garçon.
Lumière sur un antihéros
Le silence sur lequel s’ouvre le film nous indique qu’il y a une forte tension dans cette famille. C’est en effet le calme avant la tempête, car le conflit prend forme avec les premières paroles échangées, qui nous disent long sur le caractère effacé de notre héros, ou plutôt antihéros.
D’une part, Mustafa découvre que sa femme lui ment sur ses voyages d’affaires et étouffe en sa compagnie, et d’autre part, son fils le méprise et a presque honte de lui. Au travail, cela ne se passe pas mieux puisqu’il se fait renvoyer de la radio dans laquelle il travaillait depuis 18 ans. «Tu manques d’ambition!», lui reproche tout son entourage.
En effet, Mustafa est un homme qui a jusque-là tout subi sans agir, et le bilan de sa vie est un total échec.
Rejeté de sa famille et de son travail, il déambule dans les rues de Tunis et se confronte à l’absurdité de sa vie et de l’état du pays. Malgré l’espoir des nouvelles élections, Mustafa demeure sceptique, il sait au fond de lui que rien ne changera.
Rien n’a plus de sens à ses yeux, il étouffe et ce mal-être nous-est rapidement transmis grâce aux gros plans, à certains plans-séquences et surtout à la justesse du jeu de Abdelmonem Chwayet qui retrouve dans ce rôle tout le charisme qu’on lui a connu dans de vieux films comme ‘‘Le prince’’ (2004) de Mohamed Zran ou ‘’Cinecittà’’ (2009) d’Ibrahim Letaïef.
De l’ombre à la lumière
Jusque-là le film semble plutôt plat à l’image de Mustafa, mais une anecdote va tout bouleverser. Voyant que sa voiture allait injustement être saisie par les services municipaux, il s’y enferme et se fait embarquer en fourrière. Un fait divers qui animera la toile et agitera les forces de l’ordre et même la sphère politique. Le personnage profite de ce moment de gloire pour cracher son venin sur tous ceux qui sont derrière la corruption, la violence et le chaos qui règne dans le pays. Il met le doigt sur l’absurdité de certaines lois et le dysfonctionnement des institutions publiques. Mustafa sort ainsi de l’ombre à la lumière, et on est surpris autant que son entourage par cette libération qui nous fait du bien.
Nidhal Chatta a construit son film sur deux parties autour du même personnage et a réussi avec brio à transposer sur le grand écran cette métamorphose parfois nécessaire à chacun de nous pour agir et cesser de subir, tout en restant très ancré dans l’actualité sociopolitique du pays. Cette quête de soi et ce rôle complexe nous rappellent celui de Hedi dans le film ‘‘Nhebbek Hedi’’ de Mohamed Ben Attia, qui met en exergue ce même vent de liberté.
‘‘Mustafa Z’’ est en ce moment dans les salles : ABC (centre-ville de Tunis), Ciné-Amilcar (Manar) et Ciné-Mad’art (Carthage).
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