Le crowdfunding, l’emploi partagé, l’économie de partage et la mutualisation… sont quelques pistes de modernisation pour favoriser le développement des entreprises, estime l’expert Younes El Ghoul.
Les concepts liés à l’économie collaborative («sharing economy») sont plébiscités par les entreprises, car il s’agit de modes alternatifs de gestion des affaires en phase avec les défis financiers, écologiques et marketing.
Parmi ces concepts, il y a le financement participatif («crowdfunding») et l’emploi partagé, qui sont en plein essor en Europe et en Amérique du nord, mais restent des thématiques embryonnaires en Tunisie, alors même qu’elles semblent apporter des réponses aux défis du développement économique et social.
La dernière loi votée en faveur des startups et l’annonce du ministère de l’Industrie qu’une loi sur le «crowdfunding» sera prête en juin 2018 sont des nouvelles importantes en faveur des solutions alternatives favorisant le développement et l’inclusion financière.
Pour avoir l’avis des chercheurs scientifiques, Younes El Ghoul, de la startup SQLI Services, basée à la Technopôle de Manouba, a accepté de répondre à quelques questions.
Quel serait l’impact du crowdfunding pour l’économie tunisienne ?
Younes El Ghoul : Le «crowdfunding» est une révolution car il casse le monopole des banques dans l’octroi des crédits aux petites et moyennes entreprises (PME). Ce mode alternatif aura un impact positif sur l’écosystème des PME et les projets des associations/fondations…
Notre équipe de recherche a été la première à se spécialiser sur la question. En effet, en 2013, des travaux cofinancés par le dispositif Mobidoc ont été menés. Spécialistes de la question, nos équipes ont été à l’origine d’un projet mené en France sur le crowdfunding et la mutualisation de la trésorerie excédentaire au sein d’une filière industrielle.
Ce projet a été labellisé par le Pôle de compétitivité Finance Paris Europlace et co-financé par le ministère français des Finances. Il a été à l’origine d’une loi économique baptisée Loi Macron pour les prêts inter-entreprises, qui permet aux entreprises françaises de mutualiser leur trésorerie excédentaire avec leurs fournisseurs ou les fournisseurs de leurs fournisseurs («Supply Chain»).
Face à la complexité pour obtenir des crédits auprès des banques, une société peut obtenir un crédit auprès de ses clients. Aujourd’hui, des entreprises d’une même filière pourraient financer leur BFR sans passer par une banque.
Il serait intéressant que la prochaine loi tunisienne en faveur du «crowdfunding» intègre des dispositifs en faveur de la mutualisation de trésorerie excédentaire entre entreprises faisant partie d’une même filière industrielle ou une Supply Chain.
De notre côté, nous continuerons à développer des solutions technologiques de «crowdfunding» pour nos clients européens et des systèmes d’information BlockChain pour la Supply Chain Finance.
De nouveau, notre société a obtenu 2 financements des thèses auprès de dispositifs Mobidoc.
Face à un taux d’encadrement faible des PME, face au chômage des jeunes et aux difficultés des startups à recruter, est-ce que le concept d’emploi partagé issu de la sharing economy pourrait être une solution pour l’économie tunisienne?
L’emploi partagé serait une formidable solution pour plusieurs problèmes tels que le taux faible d’encadrement, le chômage des jeunes et la survie des startups.
Aujourd’hui, le code du travail n’autorise pas le partage de compétences et des ressources humaines. Pourtant nombreuses sont les entreprises tunisiennes ayant besoin d’un cadre spécialisé pour seulement quelques heures ou une journée au plus par semaine et qui pourraient tirer avantage de pouvoir mobiliser, en coordination avec d’autres entreprises se trouvant dans la même situation, une telle ressource humaine. L’individu concerné y trouverait également avantage en retrouvant par ce biais un poste à temps plein.
En France par exemple, le droit du travail intègre le concept de Groupement d’employeurs permettant à des startups, des PME, des agriculteurs, de se regrouper en association pour recruter un cadre. Cela permet à des entreprises d’avoir un cadre stable et au jeune diplômé concerné une situation stable (contrat CDI).
Récemment, ce dispositif a été enrichi par des lois sur l’emploi Partagé, permettant à des entreprises confrontées à des difficultés temporaires de mutualiser la ressource humaine disponible avec d’autres entreprises ayant besoin d’un renfort momentané.
De tels dispositifs, s’ils étaient votés en Tunisie, permettraient à des startups ayant un ingénieur ou consultant en inter-contrat, de le mutualiser avec d’autres startups et ainsi de partager les coûts.
L’emploi partagé serait, sans doute, une solution intelligente pour booster la compétitivité des entreprises et résoudre une partie du problème du chômage. Par ailleurs, l’emploi partagé serait un alternatif aux missions risqués de Freelance et aux coûteux contrats d’intérim.
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