L’Institut français de Tunisie (IFT) a accueilli, dans la soirée du jeudi 17 mai 2018, le spectacle ‘‘El Kobbania’’ de Rochdi Belgasmi, à l’occasion de la Journée mondiale contre l’homophobie, un spectacle qui interroge le rapport trouble entre masculinité et féminité.
Par Fawz Ben Ali
Les associations ADLI, ATP+, Chouf, Damj et Mawjoudin, avec le soutien de la fondation Heinrich Böll et de l’IFT, ont célébré la Journée mondiale de lutte contre l’homophobie et la transphobie, pour dénoncer la discrimination et les violences faites à l’encontre de la communauté LGBT.
Le combat continue
L’année dernière, à cette même date, qui commémore la décision de l’Organisation mondiale de santé (OMS) en 1990 de ne plus considérer l’homosexualité comme une maladie mentale, le Collectif civil pour les libertés individuelles avait présenté un rapport sur la situation des personnes LGBT en Tunisie qui a été par la suite soumis à l’examen périodique universel devant le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unis.
Le collectif composé d’une trentaine d’associations tunisiennes a signalé que depuis le 17 mai 2017 et jusqu’à ce jour, plus de 90 personnes ont été poursuivies pour leur orientation sexuelle. «Rien qu’en 2017, nous avons recensé 3 meurtres homophobes, de nombreux lynchage publics de personnes transgenres… des campagnes de dénigrement et de diffamation contre les personnes LGBTQ et des associations défendant leurs droits», s’alarme le collectif qui condamne fortement l’article 230 qui légitime et justifie les propos et actes homophobes. «À quand la fin des condamnations des personnes LGBT et la pratique du test anal?», s’interrogent les activistes qui rappellent en cette date symbolique que la mise en œuvre de l’article 230 par les autorités policières et judiciaires est une violation des droits fondamentaux des citoyens.
Le 17 mai 2018 était aussi le premier jour du mois de ramadan, et le Collectif en a profité pour ainsi rappeler qu’il est fondamental de respecter la liberté de conscience, qui est garantie par la constitution, et par conséquent la liberté de jeûner pour pas.
Danser pour réfléchir et revendiquer
Avec pour vedette le danseur et chorégraphe Rochdi Belgasmi, la soirée était aussi engagée que festive, donnant le ton pour une série de rencontres qui auront lieu tout au long du mois de ramadan à la cour de l’IFT. Un public immense était au rendez-vous pour cette première soirée sous les étoiles et sous la pluie.
Rochdi Belgasmi, connu par ses créations qui bousculent les normes et brisent les tabous, questionne toujours la notion du genre, de la virilité et du rapport trouble entre masculinité et féminité. Dans ‘‘El Kobbania’’ qu’il avait créé en 2013, il nous embarque dans un voyage du nord au sud de la Tunisie pour mieux connaître les danses populaires de chaque région. Des danses qu’il sort de leur cadre folklorique pour les placer sur un piédestal artistique et les revoir d’un point de vue socioculturel.
‘‘El Kobbania’’ ou la compagnie trouve sa source dans un autre spectacle de Rochdi Belgasmi, celui de ‘‘Zoufri’’, car ‘‘El kobbania’’ renvoie directement au monde des ouvriers et au «rboukh», cette danse populaire improvisée, née à la fin du 19e siècle dans les milieux ouvriers de la ville de Tunis.
Rochdi Belgasmi nous explique qu’après le travail, les ouvriers allaient dans les cafés chantant et reprenaient les gestes de leur travail quotidien dans des danses libres. Cependant, après l’indépendance, ces cafés ont été fermés, le sens du mot «zoufri» est devenu «libertin, voyou…», et on a tenté de faire disparaître le «rboukh» du folklore tunisien. Mais heureusement qu’il a depuis fait son grand retour pour devenir la danse de tous les Tunisiens et pas seulement celle des ouvriers.
Vers la fin de la soirée, Rochdi Belgasmi a invité quelques jeunes à apprendre les pas de base de la danse populaire, et la fête a pris fin en beauté avec une danse collective improvisée entre l’artiste et le public de tout âge qui s’est lâché au milieu de la grande cour étoilée de l’IFT.
Tribune : En finir avec l’homophobie sur les lieux de travail
Bloc-notes: Au nom de l’islam, célébrer la Journée mondiale contre l’homophobie
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