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Tunisie-Accord de Carthage : Une fausse solution devenue un vrai piège

Manipulation, marché de dupes, supercherie… l’Accord de Carthage, censé transformer les ennemis jurés en improbables acolytes pour aider le gouvernement à faire passer les «douloureuses» réformes, se ferme, comme un piège, sur son initiateur.

Par Assâad Jomâa *

Situation kafkaïenne s’il en est ! Telle est, actuellement, la situation politique de ce beau pays qui n’en demandait, au demeurant, pas tant en termes de machiavélisme et de roublardise politicienne.

Vision péchant par excès de pessimisme, objecteriez-vous? Un simple rappel des faits vous convaincra du bien-fondé de cette manière de voir.

Les dévoiements du conspirateur en chef

Voici un gouvernement qui a été nommé pour procéder, toutes affaires cessantes, à des réformes, ô combien nécessaires et non moins «douloureuses», entendez-antisociales.

Le principal acteur social, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) en l’occurrence, la centrale syndicale, fidèle à sa raison d’être, regimbe.

Quoi de plus normal, diriez-vous?

Que nenni ! Le président de la république, Béji Caïd Essebsi, notre Nostradamus national, du haut de ses 92 ans, et fort de son infinie sagesse, entend faire passer ces mesures «douloureuses» dans la liesse générale…

Pour ce faire, il concocta un stratagème, l’Accord de Carthage, dont le secret n’est détenu que par le druide des gaulois. Le but de la «manip» étant de faire en sorte que les ennemis jurés d’aujourd’hui finissent par devenir acolytes.

La victime, toute désignée, n’en est autre que la candide recrue censée procéder aux «douloureuses» réformes, j’ai nommé le sieur Youssef (un prénom prédestiné) Chahed.

Un petit écueil de pure procédure fut savamment balayé par notre conspirateur en chef. Bien que la nomination du réformateur en herbe fut, sinon imposée, du moins vivement conseillée par le sérénissime magistrat suprême du pays, sa disgrâce serait préconisée, non pas par lui, ce qui serait assimilable à un déni de justice, mais par Hafedh Caïd Essebsi, le directeur exécutif du principal parti au pouvoir, Nidaa Tounes. Et tout le monde n’y verra que du feu !

Que celui-ci soit le propre rejeton, si j’ose dire, du Décideur en chef, qu’importe ! Que ledit chef du gouvernement ait été l’un des principaux dirigeants dudit parti, cela ne saurait mener à conséquence ! Que ni le chef de l’Etat ni le parti au pouvoir ne soient, ès qualités, constitutionnellement autorisé à démettre le chef du gouvernement, qui s’en souciera !

Trop de politique tue la politique

Mais là où nous disons stop à ce tragi-comique vaudeville, c’est lorsque, fidèle à sa réputation politique, notre apprenti Machiavel, se défilant, une fois de plus (de trop?) de ses responsabilités politiques nationales, jette la balle aux ennemis, historiquement, jurés, profitant, au passage, de vacances hebdomadaires amplement méritées. Se lavant les mains des tenants et aboutissants du piège à cons qu’il avait savamment mis en place, il autorisa la libre circulation d’un inavouable troc, en monnaie de singes s’il-vous-plait, dont les Tunisiens régleront, à terme, la «douloureuse».

Or que peut-il résulter d’un «compromis» ourdi entre Hérode et Pilate, aux méthodes aussi musclées les unes que les autres, sinon un marché de dupes finissant, la supercherie – le temps aidant – mise à nu, en violences et vandalismes ou, pire encore, en actes de terreur saupoudrés d’acide sulfurique ?!

C’est que voyez-vous, Monsieur le Président : «Trop de politique tue la politique», même si vos sentiments de père affectueux, soucieux de l’avenir de son chérubin, ne sont, au demeurant, on ne peut plus légitimes.

* Universitaire.

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