Hichem Fourati, prêtant serment, aujourd’hui, au Palais de Carthage.
Hichem Fourati, le nouveau ministre de l’Intérieur, a prêté serment aujourd’hui, lundi 30 juillet 2018, devant le président de la république, au palais de Carthage. Il doit s’atteler rapidement à la tâche, car plusieurs dossiers brûlants l’attendent.
Par Imed Bahri
Cet énarque, commis de l’Etat, indépendant des partis et des réseaux d’influence, qui a fait toute sa carrière au sein de l’administration publique, et notamment du ministère de l’Intérieur, qu’il connaît pour ainsi dire intimement et dont il a aujourd’hui la charge, sait l’ampleur des missions qui l’attendent.
Car outre les charges habituelles de la sécurité publique et de la lutte contre le terrorisme et les menaces apparentées (contrebande, trafics de toutes sortes, migration clandestine, etc.), ainsi que la sécurisation des frontières poreuses avec la Libye et l’Algérie, qui requièrent une vigilance accrue et de tout instant, M. Fourati doit s’attaquer à quelques dossiers particulièrement brûlants et que son prédécesseur, Lotfi Brahem, n’a pas réussi à régler avec la vigueur et la célérité requises, par laxisme calculé ou par manque de volonté. Ce qui revient pratiquement au même…
Mettre fin à la cavale de Najem Gharsalli
Il y a d’abord le dossier de l’arrestation, ô combien nécessaire et urgente, de Najem Gharsalli, l’ancien ministre de l’Intérieur poursuivi par la justice militaire pour atteinte à la sécurité publique, en lien avec l’affaire Chafik Jarraya, et qui est en fuite depuis avril dernier, ainsi que sa traduction devant la justice, afin de prouver à ceux qui en doutent encore qu’il n’y a plus de place en Tunisie pour l’impunité et qu’aucun citoyen, quels que soient les réseaux auxquels il appartient, ne doit se considérer comme intouchable ou jouissant d’une protection particulière.
Rétablir l’autorité de l’Etat dans l’archipel de Kerkennah
Le nouveau ministre doit œuvrer à résoudre les manquements sécuritaires dans les îles de Kerkennah, afin que la catastrophe de début juin, lorsqu’un bateau de migrants clandestins a coulé faisant plus de 100 morts, ne se reproduise pas.
Quand on sait que deux postes portuaires de la garde nationale, l’un dans le port d’El-Atayar et l’autre dans le port de Kraten, et un poste de police portuaire à Ramla, ont été incendiés durant la révolution de 2011 et n’ont pas encore été réhabilités et ne sont pas encore opérationnels, on peut estimer que M. Fourati doit s’atteler à combler cette grave lacune sécuritaire qui fait que, sur tout l’archipel, il n’y a que 20 policiers le jour, 16 la nuit et uniquement 7 agents de la garde nationale.
M. Fourati n’a qu’à concrétiser les décisions prises, en octobre dernier, lors d’un conseil ministériel restreint consacré à ce sujet. Et ce n’est pas la lune…
Mettre fin à la violence policière
À l’orée d’une nouvelle saison sportive que l’on espère plus calme que celle écoulée, qui a été marquée par des vagues de violences dans les stades, le nouveau ministre de l’Intérieur serait bien inspiré de relancer l’enquête interne sur l’affaire Omar Laabidi, le supporteur du Club africain (CA), mort noyé le 31 mars dernier dans un canal aux alentours du stade de Radès, alors qu’il fuyait des policiers qui le pourchassaient.
La responsabilité des agents dans cette tragédie n’a pas été clarifiée et le silence des autoritaires sécuritaires à ce sujet nourrit les rumeurs les plus folles et beaucoup de colère parmi les supporteurs. L’abcès doit donc être crevé et les fautifs, si faute il y a eu, sanctionnés administrativement, en attendant que la justice dise enfin son mot.
Veiller au respect des libertés individuelles
Autre dossier important que le nouveau locataire de la bâtisse grise de l’avenue Bourguiba, à Tunis, doit considérer comme une priorité : la préservation des libertés individuelles.
Alors que son prédécesseur, dans une volonté évidente de gagner la sympathie des islamistes, qui ne le portaient pas dans leur cœur, c’est un euphémisme, a fait de la fermeture des cafés et des restaurants pendant les horaires de jeûne de ramadan une affaire d’Etat, demandant à la minorité des non-jeûneurs de respecter la foi de la majorité qui jeûne (sic !), ce qui est une drôle de conception des libertés individuelles et une curieuse interprétation de la constitution, qui garantit la liberté de la foi, M. Fourati doit s’employer à mettre fin à toutes les formes d’intimidation sur la voie publique au nom de la religion à laquelle s’adonnent certains prédicateurs improvisés, qui empoisonnent la vie des gens et s’immiscent dans leurs choix personnels.
Ce sont là quelques uns des dossiers brûlants dont la gestion par le nouveau ministre de l’Intérieur donnera aux Tunisiens une idée sur sa capacité imposer sa marque et à être à la hauteur de l’attente de ses concitoyens. Et de celle du chef du gouvernement Youssef Chahed, qui l’a choisi et attend de lui une confirmation de la justesse de ce choix.
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