L’église et sa cloche récemment retrouvée.
L’église Saint Joseph de Houmt-Souk est l’emblème suprême de cohésion et de cohabitation dans l’île de Djerba. Père Matteo, un jeune prêtre qui y officie, est un adepte de l’ouverture et de la bonne parole.
Par Naceur Bouabid *
Sur invitation de l’Association pour la Sauvegarde de l’Île de Djerba (Asidje), le prêtre de l’église Saint-Joseph, Matteo Lando, a effectué, vendredi 25 août 2018, une visite de courtoisie et de connaissance à l’association dans ses locaux sis à Zaouiet Sidi Abdelkader.
Avant de se quitter, et sur proposition de Père Matteo, les membres de l’Assidje se sont rendus, à leur tour, à l’église, sise à quelques encablures de la Zaouia, pour visiter les lieux et surtout découvrir une des deux cloches, perdues de vue depuis longtemps, retrouvée dernièrement enterrée quelque part dans le presbytère mitoyen. Il envisage de restituer à l’église sa cloche recouvrée et la remettre à sa place d’origine pour remplir sa fonction d’antan. Le jeune prêtre compte agir à bon escient, dans la légalité et de concert avec qui de devoir de consulter, en l’occurrence la commune.
Un emblème suprême de cohabitation
L’Assidje, de son côté, lui a témoigné de tout le soutien qu’elle est à même d’apporter au monument en tant que composante marquante du patrimoine cultuel matériel de l’île, et au lieu en tant qu’emblème suprême de cohabitation.
L’église transformée en bibliothèque publique.
Une telle rencontre n’était pour avoir lieu sans la volonté manifestée par ce jeune nouveau prêtre de rompre avec cet esprit d’enfermement farouchement prôné par son prédécesseur et de réconcilier l’église avec son environnement, comme il était de coutume lors de sa longue histoire, lorsque tous ceux qui avaient en charge la responsabilité de la paroisse avaient à cœur d’aller vers l’autre, d’être à son écoute, de s’impliquer dans la vie de l’île.
À vrai dire, Père Mattéo, depuis l’avènement de son intronisation au mois de septembre de l’année dernière, n’a de cesse d’œuvrer dans le sens de l’ouverture de l’église sur son environnement. Modeste, affable et communicatif, il a vite noué le contact avec le voisinage immédiat de l’église, s’entretenant sans réserve avec les gens, prenant part parfois aux manifestations auxquelles il est convié. Prônant sans hypocrisie le discours de l’amitié, de l’ouverture sur l’autre et du respect de la diversité, il a vite gagné le respect et l’estime de celles et ceux qui l’ont croisé et connu.
Un peu d’histoire
L’arrivée à Djerba des premiers Maltais, dès les années vingt du 19e siècle, favorisa la construction d’une chapelle dans laquelle un prêtre de Sfax venait de temps en temps officier.
Plus tard, la constitution d’une communauté catholique de pêcheurs maltais et italiens incita au transfert de la chapelle vers un ancien fondouk propriété de la famille Ben Ayed, restauré et réaménagé en 1848, sous la direction du père capucin Gaétan de Ferrara, en église dédiée à Saint Joseph, avec autel.
Matteo Lando, au milieu, accueille les membres de l’Asidje.
Depuis, l’église a subi plusieurs travaux d’agrandissement, effectués sous la direction des différents Pères qui se sont relayés dans la prise en charge de la paroisse et dont, le renouvellement de l’intérieur, la construction d’un nouveau presbytère mitoyen ayant servi de logement aux Sœurs franciscaines et même de salle de prière, l’aménagement en 1906 de deux tours avec cloches encadrant la façade, l’installation en 1946 de l’électricité et la mise en place du seul cinéma de l’île, adossé à l’église, communément appelé aujourd’hui cinéma Zarâa, qui se trouve malheureusement dans un piteux état d’abandon et de délabrement, exigeant pressement une intervention d’urgence parce que menaçant ruine.
Cédée par le Vatican à l’Etat tunisien suite au «Modus Vivendi» signé en 1964, l’église Saint Joseph, avec d’autres bâtiments servant de lieu de culte en Tunisie, ferma ses portes à l’exercice du culte et fut exploitée comme bibliothèque ou même comme salle d’entraînement aux arts martiaux, sous la tutelle de la municipalité de Houmt-Souk.
En mars 2005, les clés de l’église ont été remises à l’évêque de Tunis de l’époque, Mgr Fouad Twal, pour qu’elle fût rouverte officiellement, et consacrée, une année après, soit le 19 mars 2006.
Aujourd’hui, située au cœur du centre ancien de Houmt-Souk, à cinquante mètres de Jamâa Ettrouk (mosquée des Turcs), à deux cents mètres de Jamâa El Ghorba (mosquée des étrangers), à égale distance de Zaouia Sidi Brahim et Jamâa Echeikh, non loin encore de l’église orthodoxe, l’église Saint Joseph, côtoyant tous ces hauts lieux de culte, quelque différents qu’ils soient, représente un emblème suprême de cohésion, de cohabitation et de tolérance; elle continue à assurer imperturbablement les services religieux aux fidèles parmi les touristes en séjour provisoire dans notre île ou parmi les résidents de confession catholique.
* Ancien président de l’Association pour la Sauvegarde de l’Île de Djerba (Asidje).
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