Preuve que les Tunisiens et les Tunisiennes ont vaincu les fauteurs de la mort, ils considèrent, aujourd’hui, le terrorisme comme une affaire dérisoire et y résistent par l’humour corrosif, l’intelligence, l’art et le savoir.
Par Amor Cherni *
À voir le corps relativement abîmé de Mena Guibla gisant sur le pavé de la grande avenue de la capitale, on ne manquera pas d’être pris de compassion pour cette jeunesse perdue et tombée dans les filets de l’obscurantisme assassin. Un bel article paru sur les colonnes de Kapitalis (« Attentat de Tunis: Le drame de la jeunesse pauvre en Tunisie »)n’a pas manqué de susciter presque l’apitoiement à l’endroit de cette jeune diplômée dont la Tunisie compte, nous le savons, des milliers sortis de nos lycées et de nos universités.
Le terrorisme est psychologiquement et intellectuellement vaincu
Disons d’abord, sans être «technicien» de la chose, que sur le plan strictement «technique», cette opération marque un échec cuisant pour les terroristes. Se soldant par la mort de son auteure et quelques blessures, heureusement pas très graves, de certains policiers et de quelques passants, à qui tous les Tunisiens ne peuvent que faire part de leur soutien et de leur solidarité, cette opération semble être plutôt «de la bricole» au regard de celles, autrement plus tragiques, de 2015, au Bardo, à Sousse, puis à Tunis, à titre d’exemples. On a là quelques signes qui ne trompent pas, que le terrorisme s’essouffle, s’il n’a déjà pas été militairement vaincu.
Mais autrement plus importante est la victoire psychologique que nous Tunisiens, femmes et hommes, avons remportée sur ce funeste phénomène. Qu’au moins certains d’entre nous s’apitoient aujourd’hui sur Guibla et ses semblables, montre que le terrorisme est devenu, pour nous, objet, non de peur et de frayeur, mais de pitié et de mansuétude. C’est là la preuve irréfutable que nous l’avons vaincu ! Cette victoire consiste en ceci que nous l’avons psychologiquement et intellectuellement cerné : nous connaissons maintenant ses sources, ses milieux, ses forces si tant est qu’il en ait, ses objectifs et sa fin. Nous l’avons démasqué et mis sur la scène de Bab Bhar, dans sa nudité, sa laideur et sa faiblesse. Il est devenu, à nos yeux étonnés, médiocre, misérable, ridicule, en un mot pitoyable !
Un peuple qui banalise et ridiculise les fauteurs de la mort
Plus important encore, nous en avons découvert et compris le processus et le mode de fonctionnement. Nous savons qui «appuie sur le bouton» et à quelles occasions —souvent lorsqu’ils sont en difficulté, comme c’est le cas aujourd’hui à la suite des révélations concernant les martyrs du Front Populaire.
Sans s’embarquer dans des analyses érudites, citons un fait très anodin mais qui, dans son ironie et sa dérision, montre à quel point les Tunisiens considèrent, aujourd’hui, le terrorisme comme une affaire dérisoire ! Dans une épicerie d’un quartier populaire de La Manouba, l’épicier, un barbu, est collé à son portable. Une dame, qui avait hâte d’être servie, s’adresse à lui en ces termes : «Ecoute ! Si vous allez procéder à des explosions dans notre quartier, dites-nous au moins la date et l’heure pour qu’on prenne nos dispositions!»
Un peuple qui banalise et ridiculise à ce point les fauteurs de la mort, n’a plus peur d’eux; il l’a emporté sur eux et sur leur stratagème; il les méprise et méprise ceux qui les ont financés, qui les ont armés, qui le ont embrigadés, qui les ont entraînés…
Il semble leur dire: «Nous Tunisiens, armés de notre intelligence, de notre culture, de notre brillante histoire, de nos savoirs, de nos arts, de notre agriculture, de notre artisanat, de nos ingénieurs, de nos professeurs, de nos médecins, de nos étudiant, de nos élèves, nous sommes plus forts que vous et vos armes! Nous savons que vous n’êtes qu’une bande d’attardés, sortis du fin fond de votre ignorance et de votre arriération moyenâgeuse, et nous vous vaincrons parce que l’intelligence a toujours vaincu la bêtise! L’arme du savoir l’a toujours emporté sur le savoir des armes! La richesse de l’esprit est plus forte que l’esprit de la richesse !»
Nous avons résisté au terrorisme, nous continuerons à lui résister et notre meilleure résistance est celle qui se fait dans nos écoles, dans nos lycées et dans nos universités. Prenons-en soin ! Vivants et rayonnants, nous serons vivants et rayonnants, morts nous serons morts.
* Universitaire.
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