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Le poème du dimanche: ‘‘S’abaisser jusqu’à l’humus’’ de François Cheng

L’admirable François Cheng, poète et écrivain français d’origine chinoise, a consacré sa vie à sculpter la langue française aussi bien dans la poésie que dans la prose.

Né le 30 août 1929 à Nanchang dans la province du Jiangxi dans le sud est de la Chine, Cheng a fait des études à l’université de Nankin (capitale du sud) et reçut une bourse de l’Unesco pour aller étudier en France où il débarqua à l’âge de vingt ans sans parler un seul mot de français. Un demi-siècle plus tard, il fut reçu à l’Académie française.

L’institution du Quai Conti fondée par Richelieu en 1634 a voulu par l’élection de François Cheng consacrer le parcours rare et studieux d’un homme qui a d’abord traduit les grands poètes français – qu’il qualifie de «diamantaires qui nous ont offert des joyaux» – en mandarin et des grands poètes chinois en français. Par par la suite, il s’est attelé à écrire ses propres poèmes et ses propres romans. Il se définit comme un français «par le cœur, par l’esprit et par la création».

Voici un des poèmes qu’il a écrit en sortant d’une longue période de maladie intitulé ‘‘S’abaisser jusqu’à l’humus’’.

* * *

S’abaisser jusqu’à l’humus où se mêlent
Larmes et rosées, sangs versés
Et source inviolée, où les corps suppliciés
retrouvent la douce argile,
Humus prêt à recevoir frayeurs et douleurs,
Pour que tout ait une fin et que pourtant
rien ne soit perdu.

S’abaisser jusqu’à l’humus où se loge
La promesse du souffle originel. Unique lieu
De transmutation où se frayeurs et douleurs
Se découvrent paix et silence. Se joignent alors
Pourri et nourri, ne font qu’un terme et germe.
Lieux du choix : la voix de mort mène au néant,
Le désir de vie mène à la vie. Oui, le miracle a lieu,
Pour que tout ait une fin et que pourtant
toute fin puisse être naissance.

S’abaisser jusqu’à l’humus, consentir
A être humus même. Unir la souffrance portée
Par soi à la souffrance du monde ; unir
Les voix tues au chant d’oiseau, les os givrés
Au vacarme des perce-neige !
François Cheng lisant son poème.

 

Pour mieux connaître François Cheng, voici un épisode de l’émission ‘‘Double Je’’ où Bernard Pivot le reçoit sous la coupole de l’Académie française.

 

François Cheng dans un épisode passionnant de ‘‘La Grande Librairie’’ de François Busnel.

 

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