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Le racisme et la xénophobie ont encore la peau dure en Tunisie

Des Subsahariens manifestant contre le racisme à Tunis, le 25 décembre 2018.

Le récent assassinat d’un ressortissant ivoirien à Tunis est l’arbre qui cache la forêt, celle de la vérité amère de la perception d’une frange des Tunisiens de la présence des étrangers en général et des Africains subsahariens en particulier sur leur sol.

Par Tarak Arfaoui *

Ce qui est encore plus triste, cet acte abject, inqualifiable même sans connotation raciste particulière, n’a pas l’air de secouer la conscience de beaucoup de nos compatriotes et surtout de nos vénérables hommes politiques et de beaucoup de nos médias.

Cette ignominie a été perçue comme un fait divers par ces médias, excepté Facebook. Sur Le JT de la chaîne nationale Wataniya 1, qui nous rabâche tous les jours les sempiternelles protestations de nos concitoyens aigris avec leur cortège de grèves sans répit, on n’a pas pipé un seul mot sur cette tragédie qui, sous d’autres cieux, aurait fait la Une de tous les journaux télévisés.

Actualité oblige, on s’intéresse plus aux prix des œufs et autres banalités affligeantes telles que les activités de la mairesse de Tunis inaugurant, bien dans son élément, il faut le dire, les nouvelles poubelles de la municipalité.

Le racisme bien enraciné dans le génome tunisien

Le racisme ne nous interpelle pas. Ceci est compréhensible car le racisme sous toutes ses formes est de longue date une donnée culturelle bien enracinée dans le génome tunisien.

Malgré le fait que la régence de Tunis ait été le premier pays du monde arabo musulman à abolir l’esclavage grâce à l’initiative de Ahmed Bey en 1848 et bien avant des pays, comme la France par exemple, le racisme contre les personnes noires reste omniprésent dans l’inconscient de notre société. Ainsi les termes péjoratifs qualifiant ces personnes n’ont jamais disparu de notre vocabulaire. Les «oussif», «kahlouche», «nigrou» et j’en passe sont des qualificatifs naturel dans le langage des Tunisiens désignant leurs compatriotes de couleur dont la présence en Tunisie est séculaire. Le mépris (inconscient?) pour ces personnes semble aussi tout à fait naturel.

Je me souviens très bien quand j’étais jeune d’un camarade de classe noir qui était la risée de toute la compagnie et qui a supporte bien des vicissitudes inhérentes à sa couleur.

Dans le domaine sportif, dans les stades, le traitement des noirs est parfois inqualifiable.

Le mariage d’un Tunisien ou d’une Tunisienne blanche avec un partenaire de couleur est jusqu’à nos jours pointé du doigt et très difficilement accepté par les familles.

À Djerba, dans la Tunisie post révolutionnaire, en 2018, il y a bien encore un cimetière des «âbid» où l’on enterre les noirs musulmans.

Avec le blocage de l’entrée en Europe, notre pays est devenu un refuge pour les Subsahariens dont la communauté s’est très développée dans la capitale et en particulier à la Soukra, là où il y a eu le récent assassinat.

Ces migrants travaillent dans tous les corps de métiers pénibles, sans faire de jeu de mot, au noir, sont sous-payés, n’ont aucune couverture sociale et résident entassés dans des appartements de fortune. Tous ces dépassements sont pourtant tout à fait contrôlables par les autorités qui font semblant de ne rien voir.

Ces migrants travaillent dans tous les corps de métiers pénibles, sont sous-payés, n’ont aucune couverture sociale et résident entassés dans des appartements de fortune.

Le racisme religieux inscrit dans notre constitution

Que dire aussi du racisme religieux inscrit dans notre constitution où le citoyen tunisien dans la splendeur de sa «tunisianité» avec ses droits et devoirs et, «hachakom» (Dieu vous en préserve), non musulman, comme l’a dit une honorable députée, n’a pas le droit de faire son service militaire ni de participer à l’élection présidentielle ?

Que dire de la xénophobie pernicieuse dans ce pays où l’étranger quelle que soit sa couleur est très mal perçu en tant que tel même provenant d’un pays dit «frère» ?

À l’ère de l’ouverture, de la mondialisation et de la libre circulation, l’étranger est regardé de travers et perçu comme un envahisseur sinon un profiteur qui vient se délecter en Tunisie. L’accès à la possession foncière est une véritable course d’obstacles trop restrictive. L’étranger résident de longue date, économiquement actif et qui s’acquitte de ses devoirs fiscaux n’a pas le droit de participer à la vie civique du pays hôte.

Alors arrêtons de donner des leçons aux Européens ou autres pays étrangers où le moindre événement raciste ou xénophobe anti musulman ou anti arabe fait bouillonner en un quart de tour tous nos médias et balayons d’abord devant nos portes dans notre propre pays où l’on ne s’est pas encore débarrassé de certaines tares nationales teintées de racisme et de xénophobie comme le régionalisme et le tribalisme inter tunisien minant encore notre société.




 

* Médecin de libre pratique.

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