Un regard d’ensemble sur la presse audiovisuelle, papier et électronique montre que les journalistes font l’objet, depuis un certain temps, d’attaques virulentes de la part d’une meute de blogueurs islamistes, de prédicateurs djihadistes, d’artistes, de sportifs et de charlatans de tout bord.
Par Khémaies Krimi
En cause, le professionnalisme de certains médias qui ont réussi à attirer l’attention de l’opinion publique sur certaines pratiques des mouvances islamistes extrémistes et leurs affinités avec les réseaux terroristes.
Il s’agit, entre autres, de l’incubation d’escadrons djhadistes dans des dizaines d’écoles coraniques réparties à travers tout le territoire du pays, la dénonciation avec moult détails de l’existence d’une organisation secrète au service du mouvement islamiste Ennahdha et le financement occulte de partis et d’associations de cette même obédience.
Les membres de cette horde exploitent les plateaux de leur organe officieux, la chaîne Zitouna TV, les réseaux sociaux et des blogs dédiés à leur cause pour dénigrer et diaboliser des journalistes et chroniqueurs réputés pour leurs positions hostiles à l’islam politique et à ses dérivés.
Cette diabolisation a atteint, parfois, le stade ultime consistant à accuser certains journalistes d’être des mécréants et des apostats, ce qui équivaut à un appel au meurtre, et en toute impunité, puisque la justice continue de faire la sourde oreille.
Mohamed Boughalleb, la bête noire des djihadistes
Le journaliste le plus «lynché» par cette horde est manifestement Mohamed Boughalleb, le chroniqueur de la chaîne de télévision privée Atessia, qualifié ironiquement, sur la chaîne Zitouna, de «djihadiste des plateaux», par le prédicateur Sofiane Trabelsi, et de «roubaydha», mot en arabe désignant une personne prétendant tout savoir alors qu’elle ne sait rien, par le chanteur Fayçal Riahi. Il a également été attaqué par le chroniqueur de la chaîne Zitouna Elyes Gargouri pour avoir dit «même dieu, on peut le critiquer».
Lotfi Laamari, chroniqueur a été insulté par Abdelhamid Jelassi, dirigeant d’Ennahdha, qui l’a qualifié de «disque rouillé». Et la liste des attaques et des accusations prenant pour cible ce chroniqueur de la chaîne El Hiwar Ettounsi est longue.
Youssef Oueslati, chroniqueur sur la chaîne publique El Watania 1, a été pris à partie, en direct sur le plateau, par l’avocat des djihadistes tunisiens, Seifeddine Makhlouf, qui l’a qualifié de «futile» et de «menteur».
Hamza Belloumi, présentateur de l’émission ‘‘Les quatre vérités’’ sur El Hiwar Ettounsi, qui a révélé le scandale de l’école coranique de Regueb, a été carrément accusé de mécréant et d’apostat par le blogueur islamiste, Rached Khiari. Lui et son équipe ont même reçu des menaces de mort sur les réseaux sociaux, ce qui a obligé les autorités à lui assurer une protection rapprochée.
Le footballeur Hatem Trabelsi et Hichem Meddeb, l’ancien porte-parole du ministère de l’Intérieur au temps de la «Troïka», l’ancienne coalition conduite par Ennahdha, méritent une mention spéciale. Car ils ne ratent aucune occasion pour dénigrer l’ensemble des chroniqueurs précités en la complétant par Maya Ksouri, chroniqueuse d’El Hiwar Ettounsi.
Même dans les régions, des journalistes sont harcelés
Et pour être complet sur ce chapitre, il y a lieu de signaler, au niveau des régions, le harcèlement que subissent deux courageux journalistes free lance, en l’occurrence Ali Laabidi et Ramzi Al Atoui.
Le premier, en sa qualité de correspondant du journal ‘‘Akhbar Al Joumhouria’’, a eu le grand mérite d’avoir dénoncé, depuis 2015, la formation de djihadistes au sein de l’école coranique de Regueb. Il a échappé de justesse à la prison suite à un procès que lui a intenté le fondateur et gérant de cette école avec la complicité de faux témoins.
Le journaliste Ramzi El Atoui a subi, également, des pressions en raison de sa couverture, pour des médias étrangers, du phénomène des écoles coraniques dans la région de Médenine, qui compte à elle seule une quarantaine de ces établissements aux pratiques douteuses.
Nous avons tenu à rappeler ces exemples d’harcèlement de journalistes progressistes par des extrémistes religieux pour attirer l’attention sur la dangerosité de cette horde qui semble préparer le terrain à des actes plus graves que des insultes ou des accusations mensongères.
Est-t-il besoin de rappeler, à ce propos, que les assassinats, entre 1993 et 1997, de 33 journalistes algériens, et en 2013, en Tunisie, des deux dirigeants de gauche, Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, perpétrés par des groupes extrémistes religieux, ont été précédés et préparés par des campagnes de dénigrement et d’accusations d’apostasie. On l’a dit…
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