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Congrès constitutif d’Al Qotb : Quel avenir pour la gauche tunisienne ?

À quelques mois des élections présidentielles et surtout législatives, les partis politiques se préparent activement à ce rendez-vous incontournable dans le paysage politique tunisien. C’est notamment le cas d’Al Qotb, qui se réveille d’un long sommeil et fait acte de présence.

Par Cherif Ben Younès

Ce parti de centre-gauche, qui fait partie de la coalition du Front populaire (FP), a organisé les 19, 20 et 21 avril 2019 son congrès constitutif. Un événement qui a connu la présence de plusieurs politiciens tunisiens lors de sa séance d’ouverture, tenue à la Bourse du travail de Tunis, à l’instar de la figure de l’opposition au régime de Ben Ali, Ahmed Néjib Chebbi, le secrétaire général d’Al Joumhouri, Issam Chebbi, ainsi que le dirigeant au sein du FP et du Parti d’avant-garde arabe démocratique (PAD), Ahmed Seddik.

Les principaux objectifs de ce congrès sont l’actualisation de la ligne politique du parti, en fonction de la situation politique, économique et sociale du pays, l’évaluation de son rendement et de celui du FP, la détermination de ses choix et stratégies en vue des prochaines échéances électorales et l’élection de ses instances dirigeantes.

Al Qotb va-t-il quitter le Front populaire ?

Lors de sa longue intervention introductive des travaux, Riadh Ben Fadhl, coordinateur général (CG) du parti, n’y est pas allé par 4 chemins dans son analyse de la situation actuelle en ce qui concerne la gauche tunisienne. Il a, à cet effet, qualifié le maintien du Front populaire, en tant qu’union politique, depuis 2012, de «miraculeux», alimentant ainsi la possibilité que son parti quitte prochainement cette coalition.

M. Ben Fadhl souhaiterait, en effet, l’instauration d’un «Front 2.0», capable d’ouvrir des horizons politiques, économiques et culturels pour la jeunesse tunisienne. «Le modèle actuel du Front doit changer d’une manière révolutionnaire. Il ne peut continuer ainsi», a-t-il expliqué, demandant des réformes profondes au sein de la coalition, qui «n’est pas la propriété de ses secrétaires généraux, mais du peuple tunisien».

Ce dernier a besoin, selon M. Ben Fadhl, d’une véritable coalition politique, avec tout ce que ce terme signifie, en termes d’union et d’harmonie politiques et décisionnelles, et non pas d’une simple alliance électorale. «Je vous supplie mes camarades du Front de ne pas tuer notre rêve», a-t-il lâché non sans émotion.

Le CG d’Al Qotb a, par ailleurs, amèrement avoué que son parti – qu’il a qualifié de «circonstanciel» – a jusque-là échoué dans la réalisation de son objectif fondamental, à savoir unifier les forces de la gauche en Tunisie, assurant, en même temps, que l’espoir d’arriver à cette fin est toujours d’actualité. Malgré le fait que les rassembleurs, comme M. Ben Fahdel, ne manquent pas et qu’ils se bousculent même au portillon, mais la gauche est restée désespérément divisée, éclatée et quasiment absente lors des consultations électorales.

Poursuivre la bataille des libertés

M. Ben Fadhl a également insisté sur l’importance de poursuivre «la bataille des libertés», notamment individuelles, ainsi que celle de l’abolition de la peine de mort. Il a, dans le même ordre d’idées, assuré que son parti continuera à s’opposer et à militer contre toutes les lois qui contredisent la constitution, à l’instar de celle de l’article 230 du code pénal (criminalisant le rapport sexuel par voie anale, même entre adultes consentants, et par conséquent l’homosexualité, ndlr) qui viole les droits de l’Homme et toutes les conventions internationales signées par la Tunisie à cet effet.

Pour ce qui est des élections de 2019, Riadh Ben Fadhl a affirmé que le Front populaire participera avec ses propres listes, mais qu’il est nécessaire de coordonner avec les autres forces de la gauche, principalement pour la tactique sur terrain. Il n’a, d’un autre côté, pas caché ses craintes quant à une éventuelle victoire des islamistes d’Ennahdha : «Si Ennahdha venait à gagner, le compte à rebours serait long».

La coordinatrice régionale de Sousse, au sein d’Al Qotb, Hayfa Ben Fraj, nous a déclaré, de son côté, que son parti travaille activement aujourd’hui sur l’économie numérique, un domaine qui peut servir de solution sociale et solidaire pour la création de nouveaux noyaux économiques, spécialement dans les régions intérieures.

Outre ce secteur, Mme Ben Fraj a assuré qu’Al Qotb accorde beaucoup d’importance au volet environnemental, aux libertés individuelles et à l’égalité absolue entre les citoyens tunisiens, et plus particulièrement entre les deux sexes, et ce sur tous les plans, y compris celui de l’héritage, sujet tabou s’il en est auprès d’importantes franges de la population tunisienne.

Interrogée sur le rapport de son parti avec le Front populaire, la dirigeante a estimé que la stagnation au niveau organisationnel au sein de cette coalition devient de plus en plus gênante et handicapante pour Al Qotb.

L’UGTT soutient les partis socialistes

Invité à ce rassemblement, le secrétaire général adjoint, chargé du secteur privé, de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), Mohamed Ali Boughdiri, a souligné que la situation économique et sociale de la Tunisie va de mal en pis, comme en témoignent les taux élevés de la pauvreté, de l’illettrisme et du chômage. Il s’est, par ailleurs, attardé sur un phénomène particulièrement préoccupant, à savoir l’abandon précoce des études. Il a avancé à ce propos un chiffre alarmant : environ 107.000 élèves abandonnent chaque année leurs études en Tunisie, ajoutant que cela concerne en premier lieu les pauvres.

M. Boughdiri a assuré que l’UGTT militera, au premier plan, pour surmonter ces problèmes et remettre le pays sur pied, précisant que son syndicat est la «forteresse de tous les Tunisiens, sans aucune exception».

Concernant la vie politique en Tunisie, il a déclaré que son syndicat est à distance égale de tous les partis et qu’il est «au-dessus de ceux-ci». «Même ceux avec lesquels on n’est pas sur la même longueur d’onde, on ne les exclut pas. On essaye plutôt de les guider vers le chemin juste, celui de la démocratie, de la justice, etc.», a-t-il développé. «Nous partageons la même vision que ceux qui ont des idées socialistes, et nous ne sommes pas d’accord avec les libéraux et les islamistes», a-t-il conclu.

M. Boughdiri a indiqué, d’autre part, que son organisme accordera plus d’importance aux élections de cette année que les précédentes, et qu’à cet effet, il incite tous les adhérents de l’UGTT ainsi que ceux qui la soutiennent de s’y inscrire et de voter pour les partis ayant une vision et un programme qui convergent avec ceux du syndicat national, notamment en ce qui concerne la justice sociale et la justice fiscale.

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