Accueil » Vieillissement de la population : La Tunisie tourne-t-elle le dos à ses aînés ?

Vieillissement de la population : La Tunisie tourne-t-elle le dos à ses aînés ?

Le vieillissement de la population s’accélère au fil du temps et la Tunisie n’échappe pas à ce phénomène mondial; la prévalence (proportion de personnes âgées de plus de 65 ans) est de 12%, ce qui fait de notre pays le 1er pays africain et arabe en termes de vieillissement de la population.

Par Dr. Lamia Mnasri Chenik *

Le vieillissement des populations est un sujet qui est devenu aujourd’hui une préoccupation d’ordre mondiale si bien que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) propose la décennie 2020-2030 comme décennie mondiale du «vieillir en bonne santé».

Les populations du monde vieillissent rapidement et la Tunisie est classée parmi les pays au vieillissement rapide.

Source: U.N, Saxena, 2008.

A titre indicatif, la prévalence au Maroc est de 8% (selon ENPA 2006) et de 5% au Sénégal (Les personnes âgées au Sénégal, Sadio Ba Gning, 2011)

Cependant, la Tunisie ne s’est dotée ni d’une vraie vision stratégique, ni d’une vraie politique sociale du vieillissement de sa société. Qu’a-t-on préparé comme structures et infrastructures devant ce phénomène, appelé en Occident «la Révolution Silencieuse» ou «la bombe à retardement démographique»? Y-a-t-il une projection précise de l’évolution médicosociale voire culturelle de la population tunisienne de 2018 à 2048? Quelle est la place réelle accordée actuellement aux personnes âgées dans la politique gouvernementale? A-t-on de vraies mesures pour exploiter les contributions que peuvent apporter les retraités au développement. Autant de questions en suspens auxquelles il faudra tôt ou tard apporter des réponses précises et concrètes.

Pour l’inclusion sociale et économique des retraités

La Tunisie possède actuellement deux structures administratives, dans deux ministères qui peinent à créer de vrais outils pour l’inclusion sociale et surtout économique des retraités. À l’heure actuelle, nous semblons incapables de mettre en application les innovations et les progrès dans les domaines de la gériatrie, de la gérontologie et du vieillissement des sociétés.

La Tunisie se doit de respecter le plan d’action émis à la suite de l’assemblée générale des Nations Unies sur le vieillissement mondial en 2002 à Madrid et qui recommande plusieurs orientations prioritaires dont la participation active des seniors au développement et la création d’un environnement favorable ami des aînés.

Sur le plan économique et au niveau mondial, le marché des séniors est en pleine expansion. Pour ne citer que l’exemple de la France, où 50% des dépenses de consommation des ménages sont destinées aux personnes de plus de 60 ans.

En Tunisie, la «Silver economy» (économie des seniors) ainsi que la possibilité de délocalisation des Etablissement d’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD) européennes pourrait permettre une importante création d’emplois. Pour mener à bien ce type de partenariats, nous devrons nous appuyer sur une collaboration avec les pays européens, eux aussi en recherche de solutions pour leurs aînés.

Il y a très peu de données récentes récoltées, d’enquêtes menées, de projets entrepris ainsi que de réflexions concernant la gestion de la problématique du vieillissement. Tout ceci mènera inévitablement à l’exclusion des personnes âgées des plans de développement et des politiques publiques du pays.

Le relèvement de l’âge de la retraite est insuffisant

La Tunisie a quand même répondu dernièrement au défi du vieillissement de la société par le relèvement de l’âge de la retraite qui est une mesure positive mais insuffisante, devant l’augmentation du nombre des retraités (850.000, Conférence des grandes réformes, avril 2019) et l’augmentation du nombre des agents de la fonction publique (16% selon l’INS), les pensions de retraite ont connu et vont connaître une croissance exponentielle.

La réalité est que nos retraités demeurent inactifs à un taux de 85,5% (INS 2014), leur savoir-faire et leurs expériences sont donc sous-exploitées.

Au vu du manque d’intérêt accordé au concept de la vieillesse tel qu’il apparaît de nos jours, la tâche s’avère colossale et l’urgence de rattraper notre retard se fait de plus en plus ressentir. Il est important d’agir avant qu’une grande partie de cette population ne se retrouve dans un état de précarité sociale et sanitaire.

La solidarité envers nos aînés est sans aucun doute une exigence morale à laquelle nous devons nous conformer.

* Expert santé et développement sociétal à l’ITES (Institut tunisien des études stratégiques).

Donnez votre avis

Votre adresse email ne sera pas publique.