Introduit en Tunisie à partir de 2011, à Bir Salah, à Sfax, à des fins purement environnementales (lutte contre la désertification) par l’entrepreneure écologiste franco-tunisienne, Sarah Toumi, le moringa olieifera, arbre qui aurait également des vertus médicinales, nutritionnelles et cosmétiques, à forte valeur marchande, fait, actuellement, l’objet de fortes spéculations.
Par Khémaies Krimi
Citée dans le site de l’Observatoire national de l’agriculture (ONA), Sarah Toumi, qui a reçu plusieurs distinctions à l’étranger dont le prix Takreem, à Amman, pour le développement environnemental et la durabilité, estime que son projet est «victime de la spéculation et du lobbying autour de cette arboriculture». «Tout ce qu’ils veulent, c’est en planter à perte de vue, en intensif, et gagner un maximum d’argent», a révélé la cheffe d’entreprise.
La majorité des agricultrices avec lesquelles la jeune entrepreneure travaillait seraient parties avec les graines de moringa, pensant faire fortune. «Des gens cherchent des informations sur nous pour aller contacter nos agriculteurs, aller les voir directement sur le terrain et leur proposer plus d’argent, les acheter en fait» a ajouté Sarah Toumi, nommée, en 2017, membre au Conseil présidentiel pour l’Afrique par le président français Emmanuel Macron.
Le projet écologique résiste
En dépit de ces problèmes, la dimension écologique du projet ne semble pas totalement compromise en ce sens où en février 2019, l’Agence officielle tunisienne Tap a rapporté, dans une de ses dépêches, que «le centre de formation de Bir Salah relevant de la délégation d’El Hancha (gouvernorat de Sfax) a délivré des attestations de formation à une vingtaine de femmes rurales ayant suivi une formation en plantation et culture du moringa». C’est le signe qu’on y croit encore.
Selon l’agence Tap, cette formation est organisée à l’initiative du Centre d’orientation et de reconversion professionnelle (CORP) en partenariat avec la Chambre tuniso-allemande de l’industrie et du commerce (AHK Tunisie) dans l’objectif «de rapprocher les qualifications des demandeurs d’emploi aux réels besoins de chaque région et des entreprises».
Toujours à propos de la prolifération du moringa en Tunisie, les médias se sont fait l’écho, également, du projet d’Ahmed Mansi, agriculteur originaire de la localité de Mornag (Grand-Tunis). Cet agriculteur aurait obtenu l’accord de principe de la Direction générale des forêts pour planter sur 8 hectares de ses terres 1000 moringas.
Il reste cependant à s’interroger sur cet intérêt soudain porté à cet arbre dans notre pays. Selon nos recherches, le moringa, arbre d’origine africaine et indienne, serait bien conseillé, autant que l’acacias, à un pays aride et semi-aride comme la Tunisie. En plus clair, le climat tunisien correspond parfaitement à sa plantation. Et c’est là, le noble objectif de Sarah Toumi quant elle avait introduit cet arbre en Tunisie.
Les vertus du moringa
Cet arbre robuste a pour spécificités de s’adapter au climat aride, de développer une forte résistance à la chaleur et surtout de croître rapidement. Au terme des trois premières années, il peut atteindre une hauteur de 12 mètres.
Dénommé également «l’arbre de la vie» ou «l’arbre aux miracles», le moringa a une valeur marchande à l’international. C’est, peut être, ce côté qui expliquerait l’émergence d’une forte spéculation autour de cet arbre.
«Les feuilles de moringa sont riches en vitamines A, C, E et B. Une forte teneur en calcium et en potassium est à noter ainsi qu’en magnésium, manganèse, sélénium, fer. Elles contiennent également des bons acides gras et les 8 acides aminés dits essentiels (isoleucine, leucine, lysine, méthionine, phénylalanine, thréonine, tryptophane, valine)», lit-on-dans la littérature consacrée à cet arbre. Mieux, d’après la tradition indienne, les feuilles du moringa, arbre très répandu dans le pays subtropicaux et plus particulièrement en Inde, guériraient des centaines de maladies dont l’hypertension, le diabète, le rhumatisme.
Selon le site de l’Observatoire national de l’agriculture (ONA), «le marché du moringa n’est ni homologué ni contrôlé en Tunisie et à l’étranger. Cette culture pourrait donc se révéler nuisible pour notre pays malgré les potentiels énormes de ce secteur», note l’ONA.
Cela pour dire, que des éclairages du ministère de l’Agriculture sur ce dossier seraient les bienvenus.
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