Deux filles de 8 et 17 ans originaires de deux zones rurales, Chraitia et Jhinate, relevant de la délégation de Bouhajla (gouvernorat de Kairouan), sont décédées, la veille et le jour de l’Aid Al-Adha (10 et 11 août 2019), suite à des piqûres de scorpion. Un fléau dont on parle peu et qui mérite qu’on s’y attaque sérieusement.
Par Khémaies Krimi
En cause, serait la non-disponibilité, en cette période estivale propice au farniente et à la démobilisation générale, de sérum anti-venin ou d’antidotes dans les dispensaires et même à l’hôpital régional de Kairouan. C’est du moins ce qu’affirment des représentants de la société civile à Bouhajla.
L’administration régionale de la santé publique s’en défend. Elle estime que la prise en charge des deux victimes ne s’est pas faite dans le temps et dans les normes. Leur admission à l’hôpital a été trop tardive, précise-t-on. Traduire : les deux familles ont tardé à réagir, par laisser-aller ou par manque de moyens.
Un fléau estival pour les populations rurales
Par-delà les justifications des uns et des autres, il faut reconnaître que les piqûres de scorpions et morsures de serpents sont fréquentes en Tunisie et dans les autres pays du sud de la Méditerranée. Elles constituent un fléau estival pour les populations rurales.
En août 2018, un incident similaire a eu lieu à Ouargla, une ville du nord-est de l’Algérie : une enseignante universitaire a été victime d’envenimation de scorpion à son domicile. Elle a été hospitalisée et mise sous contrôle médical durant plus d’une semaine, avant de rendre l’âme du fait de complications de son état de santé. Le décès de cette universitaire avait provoqué des émeutes et des sit-in dans la région. La direction de l’hôpital de Ouargla a été sévèrement critiquée pour négligences et une enquête officielle a été ouverte pour déterminer les responsabilités.
Pour comprendre le phénomène, les scorpions, pour échapper à la chaleur extérieure viennent se nicher dans les recoins frais et obscurs des habitations. Ces intrusions ne sont pas à prendre à légère les piqûres de ces bestioles peuvent s’avérer très dangereuses.
Un phénomène de santé publique
D’après des statistiques fournies aux médias par la direction régionale de la santé de Kairouan, durant les mois de mai, juin, juillet 2019, quelques 666 piqûres de scorpion ont été enregistrées dans ce gouvernorat à prédominance rurale. L’écrasante majorité des victimes a certes pu être sauvée, mais ce phénomène constitue une véritable menace pour la population.
Néanmoins, il faut reconnaître que les piqûres de scorpion ne sont pas l’apanage du seul gouvernorat de Kairouan, puisque toutes les régions du pays en sont aussi concernées à divers degrés.
L’ampleur du phénomène, notamment, en période estivale, en fait un véritable problème de santé publique en Tunisie. D’où l’urgence, pour le département ministériel concerné d’élaborer des stratégies spécifiques pour y faire face et s’y préparer, chaque année, en prévoyant un personnel médical spécifique, des structures décentralisées, des procédures de secours et des budgets adéquats. L’objectif étant de diminuer la morbidité et la mortalité causée par ce fléau.
L’enjeu est de taille lorsqu’on sait que la Tunisie est une destination touristique et toute éventuelle piqûre de scorpion dont serait victime un touriste risque de ternir l’image de la destination tout entière.
Vers la création d’un centre anti-poison à Kairouan
Parallèlement, l’accent doit être, également, mis sur la sensibilisation des ruraux aux premiers soins et gestes à accomplir en cas de piqûre de scorpion et sur l’approvisionnement des dispensaires de proximité en sérums anti poison, et surtout, en quantité suffisante.
Dans cette perspective, la Tunisie peut s’inspirer de l’expertise développée par la Maroc en la matière. Pour endiguer ce fléau, ce pays qui enregistre chaque année 30.000 cas de piqûre et 177 décès suite à des piqûres de scorpion, a mis en place un Centre anti-poison et de pharmacovigilance. Cette structure a pour mission de prendre en charge, sur tout le territoire du pays, les victimes des piqûres de scorpion et de mener des recherches pour développer des parades médicales.
En amont la Tunisie serait bien inspirée de commencer par la formation de toxico-pharmacologues. Il y va de la santé de milliers de ses citoyens.
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