Hier, mercredi 4 septembre 2019, en prime time, El-Hiwar Ettounsi a offert au public des téléspectateurs tunisiens une véritable séance de massacre de l’élection présidentielle du 15 septembre. Avec pour cible principale : Youssef Chahed…
Par Marwan Chahla
Au terme de l’interview de plus de deux heures que Slim Riahi, candidat à la présidentielle et aux législatives, tout en étant en fuite à l’étranger, a accordée au patron de la chaîne privée, Sami Fehri, plus rien ne compterait durant les neuf jours restants de la campagne de ce scrutin présidentiel anticipé… et au-delà. Il n’y aurait plus de débats d’idées ni de présentations de programmes. Désormais, il ne resterait plus aux électeurs et aux commentateurs nationaux et étrangers qu’à essayer de démêler le vrai du faux des déclarations et des accusations du président de l’Union patriotique libre (UPL), homme d’affaires immensément riche (selon les normes tunisiennes) et dont l’origine de la fortune reste très mystérieuse.
Le reste, c’est-à-dire l’essentiel de la campagne où les compétiteurs doivent, en principe, confronter leurs visions de l’avenir de la Tunisie et répondre aux préoccupations de leurs concitoyens, demeurera certainement sans réponse.
Principale cible des deux acolytes : Youssef Chahed
En fait, Slim Riahi et Sami Fehri, l’homme d’affaires magouilleur et le journaliste non moins fricoteur, tous deux poursuivis par la justice pour corruption financière (comme par hasard !) s’en sont donné à cœur joie à démolir, au troisième jour de la campagne présidentielle, tout le processus électoral. Avec, bien sûr, une cible de choix, le poil à gratter des deux acolytes, et leur homme à abattre du moment : Youssef Chahed, lui aussi candidat à la présidentielle et dont ils redoutent l’accession au Palais de Carthage.
Par les images (la luxueuse villa de Slim Riahi à Saint-Tropez, au sud de la France, dans un immense écrin de verdure, avec arrivée en hélicoptère du journaliste «embedded» ou en service commandé), par les mots, par la mise en scène du propriétaire d’El-Hiwar (affectant la surprise et ne croyant pas ses oreilles !) et par les insinuations, les propos diffamatoires et les insultes proférées par l’ancien président du Club africain (CA), le scrutin du 15 septembre 2019 a explosé en plein vol.
Sur le coin d’une table de salle à manger, où ont été sciemment placés une dizaine de gros pavés de documents reliés avec des spirales, laissant croire qu’il s’agit là des dossiers des affaires en justice du maître de céans et des preuves attestant de son innocence, Slim Riahi, avec la complicité d’un Sami Fehri lui servant la soupe, a dézingué tout le monde politique tunisien, les élites du pays, l’Etat, la justice, toutes les formations politiques, les médias, les morts, les vivants… Tout y est passé – avec les sourires et rires des deux écorcheurs. Mais le malaise voire la peur se lisaient sur les visages des deux hommes, visiblement aux abois… Et prêts à tout emporter dans leur chute imminente.
À la fin de cet entretien dévastateur, il ne reste plus rien qu’un paysage politique tunisien lunaire où l’électeur – lui qui a déjà perdu, depuis longtemps, foi en la transition démocratique – aura le plus grand mal à trouver des repères sûrs ou des hommes politiques dignes de sa confiance.
De fausses «révélations» en vrais mensonges
Le plus clair des campagnes présidentielle et législative de cette année se passera, pour tous les candidats, à essayer de prendre leurs distances par rapport à ce que Slim Riahi a déclaré et ce que Sami Fehri est parvenu à lui faire dire. Tous les candidats auront à commenter les fausses «révélations», truffées de mensonges, de cette interview et à se définir par rapport à ce qu’il y a été dit sur les pratiques malsaines de nos politiciens, sur leurs magouilles, leurs mains sales et leurs crocs-en-jambes.
La démocratie tunisienne y a perdu beaucoup et le prix Nobel de la paix de 2015 qui a été accordé à notre pays ne serait plus mérité.
Allez expliquer, maintenant, à la jeunesse tunisienne qu’elle a bien fait de dégager Ben Ali, ce 14 janvier 2011. Aujourd’hui, cette jeunesse n’écoute plus personne. Dégoûtée et impuissante, elle a tourné le dos à la révolution, à la démocratie… et ne cherche plus qu’à sauver sa peau.
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