L’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) a publié, le 18 septembre 2019, son rapport 2019 sur l’évaluation de l’impact concurrentiel de la législation tunisienne, afin d’identifier les barrières aux commerce et au transport et proposer des solutions.
Par Amina Mkada
L’évaluation de l’OCDE a répertorié toutes les réglementations dans 2 secteurs: le transport de marchandises maritime et routier, et le commerce de gros et de détail, particulièrement celui des fruits, des légumes et de la viande rouge. L’organisation a ainsi identifié 259 obstacles réglementaires potentiels dans 251 textes légaux examinés. Et le rapport fait 220 recommandations spécifiques pour réduire l’atteinte à la concurrence.
Commerce de gros et de détail
Le commerce de gros et de détail comporte une multitude de restrictions dans le contrôle des prix et les subventions, la pratique des prix inférieurs aux coûts, l’intégration verticale, les importations et les exportations des biens de consommation, l’établissement de nouveaux détaillants, et les investissements étrangers.
L’analyse de l’OCDE démontre que, dans certains cas, les restrictions peuvent s’avérer contre-productives. Pour assurer aux consommateurs un accès aux produits de base, elle recommande de:
1) procéder au ciblage des ménages à bas revenus par des transferts monétaires directs, pour répondre à l’objectif de réduction de la pauvreté tout en laissant aux consommateurs la flexibilité de choisir ce qu’ils veulent acheter;
2) en même temps, engager des réformes pour libéraliser progressivement les prix;
3) s’assurer que le Conseil de la concurrence est bien équipé pour enquêter sur toute conduite anticoncurrentielle touchant le secteur libéralisé, notamment sur toute entente sur les prix ou de partage de marchés;
4) permettre davantage d’exceptions pour la pratique des prix inférieurs aux coûts, et faciliter l’intégration verticale des fournisseurs;
5) préciser que les procédures d’autorisation longues et complexes auxquelles sont soumises les grandes surfaces commerciales et les centres commerciaux devant être situés à 5 km en dehors des zones urbaines, au moins dans les grandes villes, s’appliquent aux grandes surfaces mais sans inclure les centres commerciaux, simplifier les exigences techniques, fixer des critères clairs d’évaluation des demandes d’implantation de grandes surfaces, et lever ou assouplir les restrictions géographiques concernant leur emplacement;
6) revoir et actualiser plus souvent la liste des produits soumis aux restrictions d’importation et exportation, en particulier retirer les produits agroalimentaires qui peuvent bénéficier d’un abaissement des barrières à l’export;
7) réduire la complexité associée à l’obtention de la carte de commerçant des entreprises étrangères, en indiquant les démarches à accomplir et en veillant à ce que l’administration réponde rapidement dans le délai de 60 jours désormais adopté pour tous les actes administratifs en Tunisie.
Cas des fruits, légumes, et de la viande rouge
Marchés de gros:
1) rendre plus clair le cadre juridique et de supprimer les restrictions sur les autres circuits de distribution, de permettre aux grossistes de vendre à l’extérieur des marchés de gros, et d’éliminer les périmètres de protection;
2) autoriser des opérateurs privés à établir des marchés de gros.
Octroi des concessions: instaurer un processus d’octroi des concessions plus transparent et plus concurrentiel, avec la publication des critères de sélection clairs, objectifs et non discriminatoires; suivi des performances du concessionnaire et durée suffisamment longue pour encourager l’investissement.
Permis d’exploitation:
1) plus de transparence dans la procédure d’octroi et de renouvellement avec publication de critères clairs, objectifs et non discriminatoires pour la sélection, ainsi qu’un suivi rigoureux de la présence du détenteur de permis sur les marchés de gros; 2) autoriser les vendeurs et les acheteurs à choisir d’autres méthodes de transport des produits.
Ventes: 1) revoir la procédure d’octroi des emplacements sur les marchés de gros pour s’assurer que les producteurs, grossistes et autres acteurs ne sont pas désavantagés;
2) assurer que les gestionnaires des marchés de gros collectent toutes les redevances et taxes applicables sur le marché;
3) veiller à ce que les commissionnaires se conforment à leurs obligations fiscales et autres obligations légales (exemple: être présent personnellement sur le lieu);
4) supprimer les restrictions fixant les redevances des commissionnaires une fois les mesures prises pour résoudre les points précités.
SMSA (sociétés mutuelles de services agricoles):
– lever la limitation géographique et permettre aux exploitants agricoles, des pêcheurs, ou des prestataires de services agricoles de joindre n’importe quelle SMSA.
Viande rouge:
1) ne pas fixer de nombre maximum d’abattoirs et ne pas restreindre leur emplacement géographique, permettre leur implantation par des acteurs privés;
2) plus grande transparence dans le processus d’octroi avec publication de critères clairs, objectifs et non discriminatoires pour la sélection et le suivi de la performance du concessionnaire, et octroi d’une période de concession suffisamment longue;
3) mettre en place un système de classification et de catégorisation; veiller à ce que les dispositions de l’identification, la traçabilité, et les normes sanitaires soient rigoureusement appliquées.
Transport des marchandises
Transport routier:
1) lever l’obligation d’un nombre minimum de véhicules et supprimer les obligations de tonnage pour les personnes morales, afin de réduire les barrières à l’entrée et permettre aux personnes physiques souhaitant développer leur affaire, de croître progressivement;
2) lever ces exigences pour les entreprises de location de véhicules de transport de marchandises;
3) accroître l’âge limite des véhicules à l’entrée, pour les entreprises de transport routier, les personnes physiques et les entreprises de location de véhicules de transport;
4) appliquer de manière uniforme ces critères pour les personnes physiques et les sociétés de transport pour assurer une situation équitable;
5) vérifier le bon état des véhicules par le biais d’autres critères tels que le nombre maximal d’années de service, ou les contrôles techniques;
6) mettre fin au traitement favorable accordé aux opérateurs entrés sur le marché avant 2009.
Transport maritime:
1) élargir l’accès du secteur privé aux activités de remorquage en limitant la fourniture de tels services par les autorités portuaires aux situations qui ne suscitent pas d’intérêt sur le marché;
2) sur le long terme et selon l’évolution du marché, permettre aux autorités portuaires d’autoriser plusieurs prestataires de services de remorquage, tout en en contrôlant la sécurité et les normes d’exploitation;
3) prendre des mesures pour permettre d’accroître la participation de prestataires privés de services de manutention portuaire sur le marché, par exemple par des procédures concurrentielles d’octroi de concessions d’un port ou de zones à l’intérieur d’un port donné, avec des clauses établissant les investissements requis ainsi que les tarifs maxima;
4) ne pas limiter les opérateurs autorisés à faire une offre pour obtenir une concession, aux partenariats nationaux car les opérateurs portuaires internationaux peuvent disposer de plus de ressources pour augmenter les investissements dans les ports tunisiens;
5) lever l’exigence imposées aux sociétés de transport maritime d’acquérir au moins un navire et devenir armateurs, vu que cela peut limiter le nombre de prestataires et que le leasing est devenu fréquent dans le transport maritime;
6) permettre aux personnes physiques d’exercer certaines activités (consignataires de navires, consignataires de cargaison et transitaires, par ex.) et supprimer les obligations de capital social minimum;
7) lever l’exigence aux transitaires et consignataires de cargaison de posséder ou louer un magasin conforme à des exigences d’emplacement et de taille;
8) pour abaisser les barrières à l’entrée, revoir les exigences de qualification minimales pour les représentants légaux des sociétés ayant une activité dans le transport maritime et les professions associées (ou pour les personnes physiques autorisées à exercer) et permettre aux détenteurs d’un diplôme de fin d’études secondaires de passer l’examen.
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