Dans un statut publié sur son compte facebook, hier, 7 octobre 2019, Sadok Chaabane, professeur agrégé en droit et en sciences politiques, est revenu sur l’issue légale de Nabil Karoui, actuellement en détention préventive, en cas de victoire au deuxième tour de l’élection présidentielle, qui aura lieu ce dimanche, 13 octobre. Et également sur celle de son frère, Ghazi Karoui, actuellement en fuite, et qui sera probablement député à la prochaine Assemblée des représentants du peuple (ARP).
Par Cherif Ben Younès
Conformément à l’article 87 de la constitution, les poursuites judiciaires lancées contre Nabil Karoui seront automatiquement suspendues si jamais ce dernier remporte l’élection présidentielle, jusqu’à la fin de son mandat, a-t-il assuré.
Ledit article dispose, en effet, que «le président de la République bénéficie de l’immunité durant son mandat; tous les délais de prescription et de déchéance sont suspendus à son encontre. Les actions peuvent reprendre leur cours après la fin de son mandat.»
De la prison de Mornaguia au Palais de Carthage
De ce fait, le candidat de Qalb Tounes pourrait quitter la prison de Mornaguia très prochainement, malgré les lourdes accusations à son encontre : blanchiment d’argent, évasion fiscale et corruption financière, pour peu que les électeurs en décident ainsi.
Le sérieux de ces accusations a d’ailleurs poussé les autorités à geler ses avoirs et à l’interdire de voyager, avant de décider de l’incarcérer et de l’empêcher d’effectuer sa campagne électorale.
Sadok Chaabane, qui a enseigné l’autre candidat à la présidentielle, Kaïs Saïed, en 1976, a également évoqué, dans son statut, le cas de Ghazi Karoui, qui est poursuivi pour les mêmes accusations et qui est en fuite depuis le 23 août, date de l’incarcération de son frère et partenaire, Nabil Karoui.
Ghazi Karoui sera député de Qalb Tounes, sur la circonscription de Bizerte, si on en croit les résultats des sondages à la sortie des urnes effectués par les bureaux de vote spécialisés. Son immunité commencera «le jour de la proclamation officielle des résultats», rappelle encore le professeur. «Tous les recours à son égard, ainsi que les condamnations non exécutées, seront donc suspendus, jusqu’à la sortie du parlement.»
La politique, le droit et la morale
La situation politique et judiciaire des frères Karoui est donc anecdotique. Mais elle est surtout dangereuse… Peut-on faire confiance à des politiciens au pouvoir qui sont sérieusement accusés de corruption ? Il nous semble totalement justifiable de craindre le pire : l’exercice d’une pression sur la magistrature pour «régler la situation» avant la fin du mandat. Ce qui serait désastreux pour l’un des principes fondamentaux de la démocratie : l’indépendance de la justice.
En outre, une question d’ordre philosophique se pose : Est-ce juste et équitable d’offrir la possibilité aux citoyens, ne serait-ce que provisoirement, d’échapper à la justice, sous prétexte qu’ils sont élus par le peuple ? C’est tout le principe de l’immunité, parlementaire et présidentielle, qui est remis en question.
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