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El Hiwar Ettounsi dans l’œil du cyclone : Lynchage médiatique et lynchage des médias

Le quatuor de l’émission politique ‘‘ Tounès el Yaoum. ’ qui passe tous les jours sur El Hiwar Ettounsi est, depuis quelques jours, victime d’une campagne de diabolisation des plus exécrables. Ce ‘‘ Tounès el Yaoum. bashing’’ est orchestré par les islamo-conservateurs et exécuté par leurs chiens enragés, mais aussi par des jeunes conformistes qui vouent une haine implacable aux Tunisiens européanisés et par d’autres encore pétris dans le même moule culturel.

Par Mohamed Sadok Lejri *

Une déclaration de la célèbre chroniqueuse Maya Ksouri, connue pour ses positions de combat contre l’obscurantisme, a mis le feu aux poudres. Les formations politiques islamo-totalitaires et la frange conservatrice de la société tunisienne ont saisi l’aubaine pour déverser tout leur fiel sur les journalistes et chroniqueurs qui forment le quatuor de l’émission en question, dans l’espoir de les réduire au silence par l’intimidation et la terreur.

Hostilité affichée à l’encontre du conservatisme identitaire

En réalité, ce qui est reproché à Maya Ksouri, Lotfi Laâmari, Mohamed Boughalleb et Myriam Belkadhi, c’est leur rupture avec la doxa dominante et le mépris qu’ils affichent envers l’orthopraxie. L’hostilité affichée par ce quatuor à l’encontre du conservatisme identitaire et des croyances surannées fait grincer des dents.

Cette hostilité est, bien entendu, tout à fait compréhensible. En effet, le conservatisme identitaire et le révolutionnarisme dont se prévalent ceux qui veulent réduire au silence les chroniqueurs de ‘‘ Tounès el Yaoum. ’’ est le reflet d’une culture profondément intolérante, machiste, patriarcale et dominatrice. Des «vertus» consubstantielles aux sociétés arabo-musulmanes ou qui se considèrent comme telles.

Le discours des chroniqueurs de ‘‘ Tounès el Yaoum. ’’ dérange parce qu’il est intellectuellement subversif. Il conteste l’ethos d’une société qui repose sur un ensemble de convictions, de valeurs et de croyances archaïques qui peuvent facilement déboucher sur un projet que d’aucuns n’hésiteraient pas à qualifier de «révolutionnaire» ou de mise en œuvre d’une politique prétendument d’«authenticité et de retour aux sources», alors qu’au fond il s’agit d’un projet totalitaire fait d’un ramassis de populisme et de conneries sacrées, un réceptacle des passions humaines les plus basses

Cette ambiance délétère permet aux plus aigris des conservateurs de cultiver l’agressivité à l’égard des intellectuels qui refusent de courber l’échine, mais aussi de cultiver la violence, l’envie, la haine, le besoin de domination et les sentiments primitifs, arguant vouloir réaliser de la sorte les objectifs de la révolution.

Conservateurs et révolutionnaires gonflés à bloc

Aujourd’hui, confortés par leurs victoires aux élections, conservateurs et révolutionnaires réactionnaires sont gonflés à bloc et se permettent de vomir leur haine envers les progressistes tout en étant convaincus d’être dans leur bon droit et dans le camp du Bien.

Des femmes comme Maya Ksouri et Myriam Belkadhi n’ont pas envie de vivre sous la dictature des lois hégémoniques, liberticides et rétrogrades de ces arriérés. Elles n’ont pas envie de vivre et d’éduquer leurs enfants dans une société où la femme doit obéissance totale et absolue au mâle, dans une société où la femme n’a aucune emprise sur le cours de sa vie et où elle ne peut exprimer librement ses idées.

Des femmes comme Maya Ksouri et Myriam Belkadhi sont des femmes libres et libérées, elles se sont libérées des conventions et des traditions archaïques depuis belle lurette, elles se sont libérées de la tutelle étouffante de l’islam, donc il est tout à fait normal qu’elles aient peur des islamo-conservateurs et des identitaires de tout poil et qu’elles l’expriment parfois de façon virulente.

Les musulmans ne distinguent pas la personne de ses idées

Le problème chez les musulmans, c’est qu’ils n’arrivent pas à distinguer la personne des idées, on peut respecter la personne tout en abhorrant ses idées et valeurs. Et, ça, les musulmans n’ont jamais réussi à le faire ! Quand ils détestent une idée, ils détestent avec elle les personnes qui la portent ou qui l’incarnent.

En réalité, les détracteurs du quatuor de ‘‘ Tounès el Yaoum. n’aiment pas voir des gens que l’on soupçonne d’être laïques, voire non croyants, passer quotidiennement dans les médias à une heure de grande audience et s’exprimer avec beaucoup d’éloquence et de courage. Si ça ne tenait qu’à eux, ils feraient une blacklist des gens qui ne devraient pas s’exprimer dans les médias et y intégreront en premier les chroniqueurs de cette émission.

Le seul moyen pour ce quatuor d’avoir la paix est de faire des concessions au conservatisme social et à la bigoterie ambiante, mais leurs idéaux ne s’accordent pas avec la doxa sociale, les traditions ancestrales, le sacré, la morale religieuse et le conformisme intellectuel qui a toujours régné en Tunisie.

Les Tunisiens sont conditionnés intellectuellement dès leur prime jeunesse, ils sont réglés par un conformisme qui les pousse à approuver une culture et des valeurs séculaires sans la moindre remise en question. Il est donc tout à fait logique que le discours du quatuor de ‘‘ Tounès el Yaoum. agisse sur eux comme un électrochoc.

Un système des suprématiste n’accordant aucune place à l’Autre

Comme tous les musulmans, les Tunisiens sont séduits par ce que leur proposent les valeurs universelles (importées d’Occident) comme idéal de justice, de liberté et d’égalité et comme solutions à la misère et au sous-développement. En revanche, ils ne se livreront jamais à une autocritique sur le plan des valeurs, croyances, convictions et mœurs, car trop recroquevillés sur leurs certitudes et leurs dogmes.

Le système des valeurs arabo-islamiques est suprématiste et n’accorde aucune place à l’Autre. Si l’Autre existe, il doit se plier à ses dogmes et ne jamais les remettre en question. Tant que nos sociétés fonctionnent ainsi, des gens comme Lotfi Laâmari, Maya Ksouri, Mohamed Boughalleb et Myriam Belkadhi seront cloués au pilori, jugés en sorcellerie et envoyés au bûcher.

Je voudrais, pour finir, vous livrer une vérité dont je suis persuadé : au fond d’eux-mêmes, les chroniqueurs et journalistes d’El Hiwar victimes de lynchage depuis quelques jours méprisent tellement leurs détracteurs que leurs éructations et braiments sonnent pour eux comme une douce musique. Et puis, comme on dit, la bave du crapaud n’atteint pas la blanche colombe.

Toute ma solidarité et toute ma sympathie à l’ensemble de l’équipe de Tounès el Yaoum d’El-Hiwar Ettounsi. Haut les cœurs !

* Universitaire.

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