Dans un rapport de suivi, publié le 9 octobre 2019, sur la situation économique de la Tunisie, la Banque mondiale révise à la baisse les prévisions des agrégats économiques retenus dans la loi de finances 2019. Et tire la sonnette d’alarme : le taux d’endettement de la pourrait avoisiner les 89% en 2020.
Par Khémaies Krimi
Selon la Banque mondiale, «la croissance qui s’est légèrement accélérée entre 2017 et 2018, passant de 2 % à 2,5 %, se ralentira pour s’établir au faible niveau de 1,1 % durant le premier semestre de 2019. Ce recul est dû à un ralentissement de la croissance agricole (effet de base après une croissance de 9,5% en 2018) et à une contraction de l’activité industrielle (pétrole et gaz, agroalimentaire) qui n’a été compensée qu’en partie par la croissance des services».
À noter que la loi de finances de 2019 a prévu un taux de croissance pour toute l’année de l’ordre de 3,1%, taux impossible à réaliser au vu des récentes évolutions.
Aussi la Banque estime-t-elle que «la croissance devrait tomber sous la barre des 2% en 2019 avant de commencer à se redresser lentement, sous réserve de la mise en œuvre des réformes urgentes visant à améliorer le climat des investissements et à renforcer la sécurité et la stabilité sociale.
«La croissance, note encore la banque, sera soutenue par le développement de l’agriculture, des industries manufacturières et du tourisme, ainsi que par la mise en exploitation du gisement de gaz de Nawara».
Autre indicateur, le taux de pauvreté devrait rester en-deçà de 3% sur la base du seuil de 3,2 dollars en PPA par jour et de 0,3% si l’on retient le seuil fixé pour l’extrême pauvreté. C’est le résultat d’une politique à forte dimension sociale de l’actuel gouvernement, notamment envers les couches les plus défavorisées de la population.
Satisfécit pour la maîtrise de l’inflation
Concernant l’inflation, la Banque mondiale rappelle qu’elle «s’est nettement accélérée entre 2017 et la première moitié de 2018 pour atteindre 7,8% en juillet 2018 et que pour y faire face, la Banque centrale de Tunisie (BCT) a relevé son taux directeur à 7,75 %».
La Banque semble se féliciter par «les mesures prises par les autorités, en 2019, pour appliquer des ratios prêts/dépôts plus serrés parmi les banques et réduire les injections de liquidité par le biais de conversions de change». «En conséquence, l’inflation a ralenti depuis le second semestre de 2018 et s’est établie à 6,7% en août. Les taux d’intérêt réels (à l’exception de certains taux d’intérêt sur dépôts) sont maintenant positifs», lit-on dans le rapport. Et la Banque d’ajouter : «L’inflation devrait continuer à diminuer, pour autant que la politique monétaire reste focalisée sur ses objectifs centraux».
Le déficit budgétaire atteindra 5,3% en 2019, contre 3,9% prévus
Autre agrégat révisé à la baisse, le déficit budgétaire pour 2019. Pour la Banque, ce déficit «devrait atteindre 5,3 % du PIB par rapport à l’objectif initial fixé par la loi de finances, soit 3,9% du PIB, en raison d’un taux de croissance du PIB nettement inférieur aux prévisions, des hausses de salaires dans la fonction publique et d’une croissance à deux chiffres des paiements d’intérêts, des facteurs qui concourront tous à contrecarrer les effets de l’augmentation substantielle des recettes».
Pis, la Banque considère que «la récente décision de justice à la défaveur de l’État dans l’affaire de la Tunisian Foreign Bank – entendre par là, l’affaire de la Banque franco-tunisienne (BFT) – nécessitera de constituer des provisions pour les pénalités attendues».
En conséquence, la dette publique culminera en 2020 à près de 89% du PIB contre un taux prévu de 72% en 2019, avant de commencer à décliner, en supposant que la dynamique de réforme s’enclenchera après les élections présidentielle et législatives
Est-il besoin de rappeler que ce taux d’endettement de 89% ne tient pas compte ni de la dette des entreprises publiques ni de celle des groupes privés ? De là à dire que le pays tout entier vit à crédit…
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