Accueil » Crise du transport : La Transtu est logiquement une entreprise en faillite

Crise du transport : La Transtu est logiquement une entreprise en faillite

Avec des pertes cumulées de 800 millions de dinars tunisiens (MDT) et des dettes cumulées de plus de 800 MDT, à fin 2018, la Société des transports de Tunis (Transtu), entreprise publique, logiquement, en quasi faillite, est-elle encore récupérable ? à quels coûts ? à quels horizons? comment ? et surtout avec quels moyens ? Autant de questions auxquelles Salah Belaid, Ancien Pdg de la Transtu a essayé de répondre.

Par Khémaies Krimi

Salah Belaid intervenait dans le cadre d’une rencontre-débat organisée, samedi 16 novembre 2019, à Tunis, par le Cercle Khereddine sur le thème : «Mobilité urbaine et crise des transports publics : cas du Grand-Tunis». Il a présenté le cas de la Transtu, entreprise née en 2003 de la fusion entre la Société nationale des transports (SNT) et de la Société du métro léger de Tunis (SMLT).

Dans sa communication intitulée «Remettre les transports publics en marche. Est-ce encore possible ?», l’ancien Pdg de la Transtu a commencé par brosser un tableau noir de la situation de cette entreprise publique chargée de la gestion du transport des passagers sur les réseaux d’autobus et de métro léger de Tunis ainsi que l’exploitation de la ligne ferroviaire TGM.

La Transtu est aujourd’hui une entreprise ingérable

Selon lui, entre 2010 et 2018, les charges d’exploitation ont augmenté de 52%, les frais de personnel se sont accrus de 100%, alors que les recettes d’exploitation ont diminué de 25% et que la subvention de l’Etat a grimpé de 76%, portant ainsi le total des pertes à 800 MDT.

Les dettes cumulées de la Transtu sont estimées au cours de la même période à 800 MDT dont 85% envers l’Etat et les entreprise publiques (CNSS, Steg, fisc…) et 15 % envers des fournisseurs divers.

À l’origine de la détérioration de la situation de cette prestigieuse entreprise publique, le conférencier a évoqué plusieurs facteurs, en l’occurrence, une forte baisse de l’offre : 33% en km parcourus et 27% en termes de parc disponible.

Points d’orgue de cette chute, le nombre des bus est a passé de 966 en 2010 à 700 en 2018, un fort taux de resquille (+30%), une forte baisse au taux de 43% du nombre de voyageurs payant qui est passé de 335 millions en 2010 à 190 millions en 2018.

Autres facteurs cités : l’impact négatif de la fusion SNT et SMLT, les mouvements sociaux, le gel des tarifs à l’exception d’une augmentation de 6% entre 2003 et 2019 et un effectif pléthorique. Le nombre des agents est passé de 7014 en 2010 à 8273 en 2012, soit de 4,7 agents par bus à 6,8 agents par bus, soit une augmentation de 45%.

Salah Belaid.

Des réformes pour sortir de la crise

L’ancien Pdg estime que tous ses facteurs se sont associés pour faire en sorte que la Transtu soit devenue, aujourd’hui, une entreprise carrément ingérable. Il a cependant proposé une série de réformes dont le succès serait tributaire, selon lui, d’une forte volonté politique.

À court terme, il suggère une indexation des tarifs au taux d’inflation sectoriel, soit une augmentation de 200 millimes qui permettrait de dégager 20MDT par an et d’acquérir 80 nouveaux bus et une adoption du tarif unique, ce qui pourrait générer 10 MDT et acheter 40 nouveaux bus

Il propose, également, au gouvernement d’accélérer l’opération d’assainissement financier et social de la Transtu, de prendre en charge les dettes de l’entreprise (800 MDT), de licencier 800 agents et de réviser le statut du personnel lequel, avec les promotions automatiques, a privé l’entreprise de cadres de maîtrise tels que les contrôleurs.

Toujours à court terme, il recommande d’améliorer le niveau de l’offre avec l’acquisition de 200 bus standards (50 MDT) et 100 bus articulés (45 MDT).

Concernant le métro, il propose d’accélérer le remplacement des trains TGM (40 ans), la mise en service du tronçon prioritaire du Réseau ferroviaire rapide de Tunis (RFR) qui se traduirait pour la Transtu par un gain de 80 bus et d’impliquer les privés dans la maintenance des métros. Sur 180 voitures Siemens et Alstom, 100 seraient en panne.

À moyen et long termes, le conférencier a plaidé pour la diversification des sources de financement, l’accélération de la réalisation d’une ligne de métro vers les Berges du Lac I et II pour l’achèvement, dans les meilleurs délais, de la réalisation du RFR.

M. Belaid s’est prononcé en outre pour la restructuration de la Transtu en trois ou quatre société régionales, soit une société pour chaque gouvernorat du Grand-Tunis et pour la création d’une société spécialisée dans la réalisation et l’exploitation du réseau ferré dans le Grand-Tunis.

En somme, ce que propose le conférencier, et c’est ce qui a été souligné lors du débat, c’est de faire assumer au contribuable la prise en charge des dettes de la Transtu et à l’usager le redressement de la société à travers l’augmentation des tarifs.

À aucun moment, le conférencier, et cela s’explique par sa qualité d’ancien Pdg de la Transtu, n’a évoqué la mauvaise gestion et la corruption qui ont gangrené cette entreprise, des décennies durant. En attendant, le problème de la Transtu reste entier.

Donnez votre avis

Votre adresse email ne sera pas publique.