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‘‘TranStyx’’ à El Téatro : Un théâtre de résistance pour une meilleure acceptation de l’autre

L’espace El Téatro au Belvédère a accueilli, du 18 au 21 décembre 2019, le premier cycle de représentations de la nouvelle pièce de théâtre ‘‘TranStyx’’ du jeune metteur en scène Moncef Zahrouni. Une immersion futuriste dans les prochaines décennies en Tunisie à partir du vécu d’une personne transgenre.

Par Fawz Ben Ali

Quelques jours après la clôture des Journées théâtrales de Carthage (JTC 2019), l’espace El Téatro, géré par l’homme de théâtre Taoufik Jebali, a fait voir une œuvre engagée et audacieuse que l’on pourrait qualifier de théâtre de résistance, produite par Zeineb Farhat, écrite et mise en scène par Moncef Zahrouni et interprétée par Sonia Hedhili et Amina Ben Doua. Interdite aux moins de 16 ans, ‘‘TranStyx’’ raconte les tribulations d’une personne transgenre dans le cadre de la Tunisie post-révolution.

Un univers de science-fiction

Face à l’inefficacité du paysage médiatique dans le traitement du sujet des identités sexuelles et des affinités amoureuses non normatives , le jeune metteur en scène Moncef Zahrouni dit avoir eu l’idée de se lancer dans ce projet après avoir été outré par une émission télévisée diffusée sur une chaîne tunisienne privée en 2015, où l’animateur avait fait preuve d’une totale méconnaissance du sujet et d’une offensante indélicatesse envers son invité trans. La pièce illustre d’ailleurs parfaitement cette intolérance née essentiellement d’une incompréhension de ce qu’est une trans-identité sexuelle.

Avec une mise en scène composée de différents supports visuels, notamment des sortes de cercueils mis à la verticale rappelant l’univers de la science-fiction, ‘‘TranStyx’’ nous embarque dans une expérience théâtrale assez particulière où on est entre le ciel et la terre et entre le passé et le futur; ce qui explique le choix du titre de la pièce, car ‘‘TranStyx’’ réfère aussi bien au préfixe latin «Trans» pour exprimer l’au-delà et le changement, mais aussi le «Styx» qui était un fleuve et un point de passage dans la mythologie grecque. La pièce est ainsi construite sur ce passage d’un monde à l’autre mais également d’un corps à l’autre autour d’une expérience d’une mort imminente vécue par «Tina», le personnage principal qui se remémore tout au long de la pièce un passé douloureux, ponctué de harcèlement, de jugement, de violence…

Un voyage obscur dans les 20 prochaines années

Ce passé s’avère finalement être le futur puisque la pièce s’inscrit dans le théâtre d’anticipation : tout commence un 14 janvier 2011 et se poursuit sur les 20 prochaines années. Un voyage dans le temps à travers une sorte de parallélisme entre d’un côté le parcours personnel de «Tina», et de l’autre côté l’histoire de la Tunisie qui s’islamise, s’uniformise et devient de plus en plus violente et accusatrice envers tous ceux qui osent manifester leurs différences. On y parle d’assassinats politiques, de terrorisme, de violences… Et on va jusqu’à évoquer une guerre civile qui finira par éclater. Une vision très obscure qui nous rappelle forcément le dernier film de Fadhel Jaziri ‘‘De la guerre’’ où il parle également d’une décadence presque inévitable dans ce pays qu’on félicite pour avoir été l’unique rescapé du dit «Printemps arabe».

‘‘TranStyx’’ se distingue aussi par un texte saisissant qui tient sa force aussi bien de son langage cru que de sa poésie et de ses nombreuses références littéraires et philosophiques. Il faut également saluer l’interprétation magistrale de la comédienne Sonia Hedhili qui a réussi à relever le défi d’incarner un personnage aussi complexe et de nous transmettre une charge émotionnelle dont on se rappellera longtemps.

Moncef Zahrouni a annoncé qu’un livre sera prochainement publié avec le texte de la pièce, ainsi que des témoignages recueillis auprès de personnes transgenres ayant servi de matière première dans l’écriture de la pièce dont le prochain cycle de représentations est prévu pour le mois de février 2020.

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