La visite de Rached Ghannouchi en Turquie, au lendemain de l’échec du gouvernement Jemli, continue de soulever les controverses. Après l’initiative de la pétition lancée par l’association «Voix des deux rives» dans le but de lui retirer la présidence de l’Assemblée, c’est au tour de Abir Moussi de suggérer la même idée, en s’appuyant, pour sa part, sur la loi… Une position qui se défend.
Par Cherif Ben Younès
En effet, suite à la visite effectuée par le président d’Ennahdha et de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) en Turquie pour y rencontrer le chef d’Etat Turc, Recep Tayyip Erdoğan, la présidente et députée du Parti destourien libre (PDL), Abir Moussi, a appelé, via une conférence de presse tenue aujourd’hui, 13 janvier 2020, à la destitution du leader islamiste de la présidence du parlement.
Complot avec les services d’un autre pays
«Cette visite contredit les protocoles diplomatiques et le règlement interne de l’ARP, qui exige de tenir au courant l’Assemblée et son bureau des sorties à l’étranger de son président, tout en soumettant celles-ci à certains contrôles», s’est-elle indignée, estimant qu’il s’agit d’un dépassement des lois tunisiennes pour lequel l’islamiste peut même être accusé de comploter avec le service de renseignement d’un pays étranger.
Pour Moussi, cet épisode est extrêmement dangereux car il «met carrément en balance la sécurité nationale», rappelant que quelques jours seulement avant cette rencontre, Ghannouchi avait assisté aux réunions du Conseil de sécurité nationale, et concluant que les secrets de l’Etat étaient partagés avec d’autres pays, «dans des réunions fermées», a-t-elle insisté.
La Destourienne a également fait le lien entre cette rencontre et l’intention du président turc d’intervenir militairement en Libye. «Un sujet qui fait polémique en Tunisie et à propos duquel, le chef du cabinet présidentiel devait être auditionné aujourd’hui à l’ARP», rappelant que cette visite coïncide avec celle de Fayez Sarraj, président du Conseil présidentiel du gouvernement d’union nationale libyen, en Turquie.
La double casquette pour servir des intérêts étrangers
«Il faudrait qu’on soit stupide pour ne pas comprendre ce qui se trame», a-t-elle déploré, tout en estimant que la Tunisie «est aujourd’hui infiltrée par des parties dont les allégeances sont claires et qui profitent de leur double casquette pour servir leurs intérêts».
Le fait que Rached Ghannouchi ait effectué son voyage sous sa casquette partisane, en tant que président du parti Ennahdha et pas en tant que président de l’ARP, comme l’a assuré son mouvement à l’issue de la visite, n’y change donc rien pour Mme Moussi, qui assure que cela n’annule pas son statut parlementaire.
«Nous avons consulté le règlement intérieur qui dispose dans son article 51 le retrait de confiance, dans ce type de situations, par une pétition argumentée, signée par 73 députés et soumise ensuite au vote en plénière, avec la nécessité récolter 109 voix», a-t-elle expliqué
«Ceux qui ont rejeté le gouvernement de Habib Jemli pour l’intérêt du pays et pour rompre avec l’islam politique peuvent aujourd’hui destituer le président de l’ARP. Nous proposons les 17 signatures du bloc du PDL pour lancer le rassemblement des 56 autres signatures et cela est facile. On peut même en récolter davantage pour élire un nouveau président qui respecte la souveraineté du pays», ajoutera-t-elle.
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