Le mardi 7 janvier dernier, Samia Orosmane, comédienne et humoriste, a présenté un spectacle au Colisée, à Tunis. C’est une one-woman-show franco-tunisienne dont les parents sont originaires de Djerba.
Par Jamila Ben Mustapha
Son apparence physique est haute en couleur, et c’est le cas de le dire : son turban est le signe – modéré, moins marqué que le hijab – d’une islamité avec laquelle elle a renoué grâce à son époux, Martiniquais nouvellement converti à cette religion, et dont elle porte le nom. Le choix de couleurs vives dans sa coiffure comme dans sa tunique, évoque, non la Tunisie, mais les beaux tissus de l’Afrique. Quant à son langage, il est celui du pays où elle est née, la France, ponctué de mots en arabe dialectal : musulmane d’origine tunisienne, amoureuse de l’Afrique noire, et Française mariée à un homme originaire des Caraïbes, cette jeune femme qui possède ainsi au moins 3 identités, est un pur produit de la mondialisation.
Très douée pour imiter les accents ses identités multiples
Quel est le contenu de son spectacle et quel genre d’humour pratique-t-elle? Elle s’inspire essentiellement de sa vie et de son expérience quotidienne. Elle parle de sa famille, des réactions de sa mère à l’annonce de son mariage avec un Noir, «un kahlouch», et de la population immigrée en France. Elle relève avec le sourire les commérages et l’indiscrétion des femmes bien de chez nous qui lui demandent pourquoi elle n’a pas d’enfant.
Elle est très douée pour imiter les accents, tordant son beau visage de toutes les façons possibles sans aucun souci de coquetterie féminine, et passe avec brio de l’un à l’autre, reproduisant successivement le français parlé des Tunisiens, des Algériens, des Marocains, des Maliens, des Camerounais, des Ivoiriens et de ceux qu’elle appelle les «Franco-français». Tout le monde a ainsi droit à sa critique et c’est ce qui fait que tous les spectateurs sans exception, Blancs et Noirs, rient de bon cœur, personne n’étant épargné. Samia milite aussi avec le rire contre le terrorisme. Après les attentats d’Ottawa de 2014 dont l’auteur est un Canadien nouvellement converti à l’islam, elle demande aux futurs candidats «de choisir une autre religion».
Une jonction entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne
Son humour se caractérise ainsi par la dérision et elle n’oublie pas d’inclure l’autodérision, exercée d’abord sur ce qu’il y a de plus visible en elle : ses rondeurs dont elle rit et qu’elle évoque sans complexe, évoluant avec énergie sur la scène et assumant son surpoids avec bonne humeur. Elle raconte, à ce propos, comment elle a droit aux égards de la caissière du magasin voulant lui faire éviter de faire la queue parce qu’elle la prend pour une femme enceinte.
Par ses spectacles donnés en Tunisie, son métier lui permet de renouer de façon royale avec son pays d’origine. Et puis, Samia symbolise par ses vêtements aux couleurs vives, son mariage avec un Noir, une jonction entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne, peu réalisée dans nos mentalités puisque nos compatriotes ne sont souvent pas conscients qu’ils sont Africains avant tout et que certains d’entre eux sont capables d’avoir des idées racistes vis-à-vis des habitants du Sud d’un continent auquel ils appartiennent pourtant.
En passant ses semblables au moulin de sa critique et en les mettant tous sur le même plan, Samia affirme du coup leur égalité, ne faisant pas de jaloux. Contre les préjugés étriqués, elle véhicule des valeurs nouvelles en exprimant, par exemple, son désir sincère d’être noire ; révélant son admiration pour notre continent dans sa totalité, pour la beauté et le caractère de ses femmes notamment, Samia Orosemane est le symbole d’une Afrique unie qui s’aime dans toutes ses composantes.
* Ecrivain et universitaire.
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