Le sulfureux Matteo Salvini, qui instrumentalise la question des immigrés en Italie pour briguer la primature, est nul de chez nul. Il est nul surtout en histoire, puisqu’il oublie ou feint d’oublier que son pays est celui qui a envoyé le plus grand nombre d’émigrés dans le monde depuis le XIXe siècle. Rafraîchissons-lui la mémoire !
Par Dr Kaissar Sassi *
Hier, Matteo Salvini a frappé sur la porte d’un immigré tunisien en Italie et devant les caméras qui mémorisaient l’instant, il lui a posé une question humiliante : «Est-ce que vous vendez de la drogue ?»
Je rappelle que ce même Matteo Salvini risque 15 ans de prison pour séquestration illégale en mer de migrants à l’été 2019. À savoir qu’une commission du Sénat italien doit se prononcer, lundi 27 janvier 2020, sur la tenue d’un procès à l’encontre de l’ex-ministre de l’Intérieur.
Mais loin de toutes ces histoires répugnantes, je ne peux comprendre les raisons qui peuvent pousser un politicien à humilier les étrangers. Comme si il était dieu et qu’il avait le légitime droit de juger les êtres humains.
Dans tous les cas, je peux vous affirmer que M. Salvini est vraiment nul en histoire. C’est peut-être la raison de son attitude fasciste qui nous rappelle l’époque du Sieg Heil.
Matteo Salvini est nul en histoire, mais pas que…
Ce candidat au poste de Premier ministre de l’Italie semble haïr les Arabes plus que tout dans le monde. Son seul objectif : prouver que les immigrés sont à l’origine de tous les malheurs de l’Italie. Mais comme je viens de vous le dire, M. Salvini est nul en histoire. Il semble oublier la fin malheureuse et bien méritée de tous les fascistes du monde. Il semble oublier l’histoire de ses propres ancêtres qui étaient à l’origine de la plus grande vague de migration clandestine de l’histoire, ceux qu’on nomme aujourd’hui les «Italoamericani».
En cent cinquante ans d’histoire (de 1861 à nos jours), on recense 29 millions d’Italiens expatriés… En fait, au XIXe siècle, un immigré italien aux Etats-Unis disait : «Je suis venu en Amérique parce qu’on m’avait dit que les rues étaient goudronnées d’or. Après mon arrivée, j’ai découvert trois choses : d’abord, que les rues ne sont pas goudronnées d’or; ensuite, que les rues ne sont même pas goudronnées; enfin, qu’on m’a chargé de les goudronner».
À cet égard, un rapport de 1912 du Bureau de l’immigration au Congrès américain était très révélateur : «Normalement, ils sont de petite taille et de peau sombre. Ils n’aiment pas l’eau; nombre d’entre eux puent aussi parce qu’ils mettent les mêmes vêtements pour des semaines… Quand ils arrivent à se rapprocher du centre-ville, ils payent le prix fort pour la location d’appartements délabrés. Au début, ils arrivent à deux pour louer une chambre avec cuisine. Après quelques jours, ils deviennent quatre, six ou dix. Ils parlent des langues incompréhensibles. Nombre d’enfants sont utilisés pour demander l’aumône, et souvent devant les églises des femmes habillées en noir et des hommes âgés invoquent pitié, avec des tons plaintifs… On dit qu’ils pratiquent régulièrement le vol et, s’ils sont contrariés, deviennent violents. Nos femmes les évitent, non seulement parce qu’ils sont peu attrayants et sauvages, mais parce qu’ils violent normalement les femmes qui sortent du travail et traversent des rues isolées (…) Dans le but de tenir unies leurs familles, ils acceptent les habitations que les Américains refusent et ne font pas d’histoire sur les salaires qu’on leur donne. Les autres, ceux qui viennent du sud d’Italie, nous vous invitons à contrôler leurs papiers et à les rapatrier en masse, car notre sûreté doit être la première préoccupation».
Mais ce n’était pas seulement les Etats-Unis qui ont accueilli le plus d’immigrés italiens de 1876 à 1976. Nous présentons ici les statistiques de l’immigration italienne dans le monde. Etats Unis : 5.691.305 ; France : 4.317.394; Suisse : 3.989.813; Argentine : 2.968.084; Allemagne : 2.452.585; Brésil 1.456.914; Canada : 637.123; Venezuela : 285.059; Royaume Uni : 263.598, et cerise sur le gâteau, des dizaines de milliers d’Italiens ont émigré en… Tunisie !
La Tunisie comptait 100.000 immigrés italiens en 1900
Les Italo-tunisiens ou Italiens de Tunisie sont une colonie d’Italiens émigrés en Tunisie principalement au cours des XIXe et XXe siècles. Ils étaient plus de 100.000 au début des années 1900, selon le recensement effectué par les autorités du protectorat français en 1926. Les Européens sont alors au nombre de 173.281 dont 89.216 Italiens, 71.020 Français et 8.396 Maltais. En 1946, on recense 84.935 Italiens en Tunisie, 51.702 en 1959 et moins de 10.000 en 1969. Beaucoup sont partis entre-temps, non pas en Italie, mais en France.
Je souhaite rappeler à M. Salvini ces mots en or dites par Lorenzo Prencepe, président du Centro Studi Emigrazione Roma (CSER), qui avait écrit: «Si migrer est un droit de la personne, un droit lié à l’idée de liberté, pas seulement dans un sens négatif (liberté de fuir l’oppression), mais aussi dans un sens positif (liberté de rechercher d’autres opportunités pour réaliser son propre projet de vie), il n’est pas si simple de déterminer la frontière entre émigration forcée et émigration volontaire… Il faut, cependant, garantir la protection nécessaire aux immigrés afin que leurs droits soient respectés et qu’ils puissent devenir des membres à part entière des sociétés d’accueil. L’émigration, au-delà des causes qui l’engendrent, a contribué et continue à contribuer au vivre ensemble de l’humanité, un vivre ensemble fondé sur la solidarité et le respect mutuels, qui rendent possibles le dialogue interculturel et la recherche du bien commun.»
Je souhaite lui rappeler aussi les paroles du pape François à Lampedusa, en octobre 2013 : «Migrants et réfugiés ne sont pas des pions sur l’échiquier de l’humanité. Il s’agit d’enfants, de femmes et d’hommes qui abandonnent ou sont contraints d’abandonner leurs maisons pour diverses raisons, et qui partagent le même désir légitime de connaître, d’avoir mais surtout d’être plus.»
Et pour conclure, quoi de plus pertinent que le mandat du christ : «Allez, et de toutes les nations faites des disciples».
* Médecin anesthésiste-réanimateur.
Donnez votre avis