Grimpeur-voyageur de vocation, l’auteur, ingénieur informaticien tunisien travaillant pour Airbus, raconte, ici, l’une de ses ascensions les plus dures et les plus mémorables, celle de l’Aconcagua, la plus haute montagne du continent américain. Une leçon de vie, d’humilité et de bravoure…
Par Anis Trimèche *
Vouloir attaquer le sommet le plus hasardeux et versatile du monde, l’Aconcagua 7000m en ce mois de décembre 2019, est certes un peu fou et risqué ! Mais après le 6000 du Kilimandjaro en Afrique, le 6200 en Himalaya, au Népal, et en solo le Cotopaxi volcanique 5895, en Equateur, c’est autour du continent américain cette fois et en Argentine vers l’Aconcagua mystérieux !
Certes, beaucoup plus facile à dire qu’à faire, mais il faut le faire. Le voyageur n’a de cesse que d’avancer avec ou sans bâton de pèlerin et Dieu reconnaîtra les siens. ANDALE !
Pourquoi donc affronter la mort à chaque pas d’escalade ?
Juste pour ce défi interne, pour cette incomparable adrénaline et pour cette bataille avec soi, pour cette envie d’avancer encore plus et encore plus haut!
La question du pourquoi je fais ces défis?
On me l’a posée plusieurs fois et j’ai moi-même réfléchis sur cette question… Est-ce un désir d’ego pour montrer au monde ce que je peux faire et prendre des risques même de la mort ?
Ou est-ce autre chose ? Est-ce intelligent ou bête?
Suis victime de mon ego ?
Ou est-ce mon travail spirituel des années dans la méditation et la pratique de l’enseignement bouddhiste de la compassion et de la pleine conscience?
En fait… la meilleure réponse c’est que tout est venu d’une façon spontanée. Seul, j’ai commencé à aller aux montagnes en Allemagne, aux Alpes, à 60 minutes de Munich. Après une semaine bien remplie et stress au boulot, je suis allé respirer l’air frais de la montagne … J’observe la nature sauvage… J’arrive à gagner plus de distance sur mes pensées, leurs fréquences par la pleine conscience dans la nature, par l’observation des plantes des arbres des paysages. C’est un mélange, c’est un endroit pour me ressourcer… Mais les montagnes m’ont beaucoup appris dans ma vie.
J’ai beaucoup voyagé dans les îles, les endroits de plaisirs, mais un voyage dans la nature sauvage c’est diffèrent et change ma perception de la vie chaque fois.
Retourner au niveau zéro de la survie, du désir primaire, de se battre pour vivre cela révèle des forces cachées qui nous donnent plus de conscience… ces des désirs tellement fort que tout notre être change.
La peur de mourir, de continuer, le courage d’avancer malgré la peur, compter sur soi-même pour décider d’aller jusqu’à la limite mais sans la dépasser car mourir c’est perdre la vie est toujours la victoire de rester en vie.
Ces voyages m’ont changé, m’ont rendu meilleur, même dans mon travail,j’arrive à relativiser les problèmes vu tout ce que j’ai vécu ! Des situations de survie bien pires. Une critique devient un conflit plus facile à gérer. Bref, il y une grande dimension spirituelle dans les défis dans la nature sauvage…. Mon seul but, toujours, est de rester en vie et de devenir meilleur en tant qu’humain… et d’avancer vers mes limites… Je médite beaucoup. Dans les montages on a plein de temps, les paysages sont merveilleux, lunaires, aucune pollution, le ciel est très proche, les étoiles brillent d’une façon très forte vu l’altitude et l’absence de lumière et de pollution. Comme si on quittait la terre pour aller sur une autre planète et on revient.
Bref, le plus important c’est de rester concentré et d’espérer un peu de chance avec la météo.
Au début je voulais aller vers l’Aconcagua 7000 en solo
Ma tente, mes 40 kg de nourriture, etc., mais j’ai bien réfléchis, je dois gagner plus d’expérience. J’ai loué les services d’un guide de montagne qui va m’accompagner… j’ai eu peur de ne pas trouver le chemin dans les «White outs»… un phénomène connu dans les montagnes à haute altitude… quand une tempête de neige éclate et on ne voit pas plus que 20 cm devant ses yeux même pas ses mains. Bref, je vous donnerai de mes nouvelles jusqu’au «Base camp» 4200 m, après on n’aura que la connexion satellite pour les SOS… La plus belle leçon qu’on apprend des montagnes c’est de vivre le moment présent… d’être présent et conscient et ne pas trop s’évader dans les pensées interminables qui créent un monde plein d’interprétations et souvent loin de la réalité. Dans la montagne quand on passe par des passages difficiles très étroits et inclinés on n’a pas le droit à l’erreur… on doit être calme et faire un geste à la fois.
Parfois on ne peut même pas se permettre de penser ou laisser les pensées entrer dans notre cerveau car cela diminue notre attention dans le présent et on peut trébucher et chuter… donc on n’a pas le luxe de penser. Il faut juste être présent calme et concentré. Dans ces situations extrêmes on arrive à le faire plus facilement que dans la vie de tous les jours mais la leçon c’est de le faire toujours ainsi.
C’est finalement une expérience spirituelle pour grandir en sortant de notre habituelle zone de confort ou de sécurité ….
4 décembre 2019, 12:06 (1er message via Facebook)
Me voilà à J-1 avant le départ pour mon expédition de l’ascension de l’Aconcagua… un sommet de 7000 mètres. Après tant d’efforts, de préparations et d’entraînement pour être en forme pour ce défi, me voilà sur la dernière ligne droite vers cette montagne géante surnommée le colosse de l’Amérique. La montagne la plus haute du monde en dehors de la chaîne des Himalayas.
J’ai perdu plus de 30 kg ces dernières années… j’arrive à escalader 1000 mètres en 1 h dans les Alpes… je me sens bien entraîné mais je sais ce qui m’attend, une souffrance physique intense et je dois être prêt à la surmonter… à continuer d’avancer avec monotonie avec une sensation de fatigue extrême. La cause c’est le manque d’oxygène et le froid parfois -40 degrés.
Avancer vers le haut avec un sac à dos de 30 kg ça va pas être facile… tout mouvement est dur à cette extrême altitude… chaque pas demande beaucoup d’efforts… les muscles ont besoin d’oxygène qu’ils ne trouvent plus dans l’air. À cette haute altitude, il ne reste que le 1/3 de l’oxygène qu’on retrouve au niveau de la mer… 2/3 d’oxygène en moins dans chaque respiration, c’est le corps qui crie de souffrance et combat pour survivre.
On se sent KO, mort vivant, mais on avance avec concentration, avec courage, mais à la fin c’est la mère Gaia Nature qui aura le dernier mot. L’humain reste très faible devant ces forces gigantesques de la nature, devant les vents violents, le froid extrême et la difficulté du terrain. J’espère que l’Aconcagua me donnera la chance et me laissera entrer dans son royaume et me laissera gravir son sommet.
Mais aussi descendre et sortir sans grands dégâts physiques… une chose est sûre c’est la montagne qui aura le dernier mot. Je vais tenter de l’escalader, je vais donner mon maximum d’énergie mais je jure que je rebrousserais mon chemin si je sens que ça devient très dangereux, voire mortel… je peux maîtriser et calculer mes actions avec un peu de risque et en fonction de mon expérience mais quand le risque devient grand, il vaut mieux suivre la voix de la raison et de la sagesse… car le but c’est de toujours rester en vie et ne pas mourir dans cette aventure.
Donc, c’est juste une tentative d’aller vers le haut, le plus possible dans cette montagne mais pas de garantie d’arriver au sommet… selon les statistiques seulement 20 à 30% des alpinistes arrivent à son sommet et plusieurs personnes perdent leur vie chaque année dans cette montagne.
Elle est très connue pour son climat très dur et particulier car elle se situe à presque 100 km de l’Atlantique. La météo change très vite en quelque minutes l’air marin humide chargé d’eau se heurte à la face ouest de la montagne, à un mur de 7000 mètres l’air monte et se refroidit… se décharge et une tempête de neige éclate. Ce sont des conditions extrêmes qui rendent la vie dans ces endroits impossible.
Après l’acclimatation, il faut faire vite pour aller au sommet et descendre. Une tempête à haute altitude c’est synonyme d’apocalypse, des vents de 100 km/h avec un froid extrême -40°. Cela va être un défi de s’adapter à la météo qui change chaque fois.
Maintenant, je suis prêt mentalement et physiquement
Que l’aventure commence, que la souffrance vienne aussi, je la connais, je suis prêt, je l’attends et je survivrais. I will survive ! À la guerre comme à la guerre … Tout ira bien.
6 décembre, 13:34
Le vol de Rome vers Santiago s’est bien déroulé… un vol de 14 heures, mais un vol de nuit… j’ai pu dormir heureusement et je n’ai pas vu le temps passer, mais rester assis tout le temps ce n’est pas très confortable surtout pour moi grand de taille. L’avion a survolé la cordillère des Andes… j’ai essayé de chercher l’Aconcagua, la reine… la plus haute et grande dans cette chaîne de montagnes… mais elle se cache encore.
Je viens de loin pour elle… je m’approche d’elle doucement et dans quelques jours on fera connaissance. Je suis impatient de la voir…
Bref, me voilà à Santiago de Chile, c’est l’été, le soleil brille et il fait beau, cela change de
L’hiver bavarois – 2 dégrée le jour de mon départ… Je vais essayer de m’exposer et rester le plus de temps sous le soleil. J’en ai bien envie, pour charger les batteries de mon corps de chaleur et de vitamine D car bientôt il va avoir besoin de toute son énergie pour les périodes de froid qui vont venir…
Je reste 2 nuits à Santiago pour découvrir un peu le Chile et m’adapter au décalage horaire et dimanche je prends un vol pour Mendoza en Argentine une petite ville à côté de la montagne Aconcagua.
Le point de de départ des expéditions. Je resterai 2 nuits là-bas, je vais rencontrer mon guide, organiser le matériel manquant pour l’expédition et arranger le permis de l’ascension… bref voilà mon plan pour l’instant… Je vous embrasse très, très fort et alles gut
6 décembre, 19:35
Yam yum… la paix avant la tempête… Un bon repas à Santiago et je vais dormir tôt ce soir… j’essaye de manger que des salades et légumes ou fruits ces derniers temps pour donner le maximum d’alimentation naturelle pleine de vitamines et de minéraux au corps et ainsi renforcer ses énergies et son système immunitaire, sachant que dans les 3 semaines qui viennent je ne vais plus manger de plats frais ou fruits et juste des bombes caloriques en glucides et sucres pour le maximum d’énergie.
Le corps consomme dans les montagnes facilement 4000 calories par jour soit le double de ce qu’il consomme normalement… Il a besoin de beaucoup de calories face à l’effort intense et aux processus d’adaptation du corps à la haute altitude… On respire 2 fois plus vite, le cœur travaille beaucoup plus on a une Tachycardie permanente dans chaque effort… et le corps produit des globules rouges en très grand nombre pour faciliter le transport d’oxygène car celui-ci diminue beaucoup au fur et à mesure que l’altitude augmente….
7 décembre, 14:58
Un petit jogging ce matin dans une petite montagne à Santiago, sur le sommet il y a la statue de Maria qui veille sur la ville, même si je ne suis pas croyant ou religieux j’ai médité et fait une prière pour une bonne ascension de l’Aconcagua dans ce lieu saint… quelle que soit la religion et l’endroit, église, mosquée, temple bouddhiste, etc., les lieux saints ont une énergie spéciale. Les gens viennent pour se recueillir et prier pour une meilleure vie. Un espoir commun à tous les humains. On sent une bonne vibration vers quelque chose de supérieure une bonne énergie…
Bref, me voilà au sommet après juste 30 min sachant que la majorité des personnes prennent le téléphérique… la vue est splendide on voit la chaîne de montagnes des Andes qui entoure Santiago, j’ai espéré voir l’Aconcagua mais elle se cache encore… d’après une personne de Santiago… sans nuages dans l’horizon, on arrive de cet endroit à voir le sommet neigeux de l’Aconcagua. Je vais la voir demain. Je prends mon vol pour Mendoza au pied de cette montagne.
Je cours comme ce matin et depuis des semaines et des mois à jeun pour brûler le maximum de graisse et entraîner le corps à résister à la souffrance dans l’effort physique. Dans la vie on combat parfois le feu par le feu et parfois aussi la souffrance par la souffrance. On devient plus résistant et on augmente notre endurance… on s’habitue à la monotonie de la souffrance durant l’effort intense…
Bref, je vous souhaite une belle journée je vous envoie à tous de bonnes énergies et vibrations positives de cet bel endroit .
7 décembre, 23:46
C’est clair que l’Ascension de l’Aconcagua ne va pas être facile surtout aux camps supérieurs… mon corps me fait déjà pitié… il va aller à ses limites et même au-delà … 10000 calories par jour, il dépensera pour le dernier Push au sommet, 5 fois plus que la normale. Il faut boire beaucoup d’eau car le corps perd de l’eau dans chaque respiration, l’air est tellement sec que le fait juste de respirer lui fait perdre de l’eau et il est très difficile de compenser cette perte de l’eau et des minéraux essentiels au corps… car l’eau fondue de la neige est une eau pure qui ne contient pas des minéraux : zéro charge. Il faut boire des tee et des soupes pour compenser la perte d’eau. Bref, cela va être un combat contre son propre corps qui perd ses repères dans un environnement où l’humain n’est pas fait pour vivre. Mon moral commence à naviguer entre les hauts et les bas. Le grand huit des émotions a commencé hahah… alles gut.
7 décembre, 23:34
Ça va pas être facile… un petit texte en allemand :
Wir stellen also fest, dass ein Aufstieg zum Aconcagua eine Aktivität ist, die besonders viel Energie benötigt und körperliche Kräfte verbraucht.
Ein besonders hoher Verbrauch, hervorgerufen durch besonders extreme sportliche Leistungen in grosser Höhe. Diese Intensität findet man hauptsächlich im Grenzbereich des Sportes, also wirklich am Limit unseres Körpers (auch die sog. aerobische Potenz). Was die Dauer betrifft, sollte man mit täglich 9 bis 12 Stunden rechnen, also verhältnismässig lang. Was die Muskelmasse betrifft, so wird besonders die Hauptmuskulutar (die den Grossteil unseres Körpers umfasst) beim Aufstieg benötigt. Natürlich auch die der Lungen, bedingt durch die Überbeanspruchung, typisch für Aktivitäten in Höhenlagen.
ein Bergsteiger verbraucht an einem Tag in dem Teil von Plaza de Mulas / Plaza Canadá bis zu 4450 Kalorien. Am Tag der Gipfelbesteigung können es bis zu 10.000 Kalorien sein.
8 décembre, 12:11
Bye bye Chili, je prends aujourd’hui mon vol direction l’Argentine. Mendoza, une petite ville au pied de l’Aconcagua. Au revoir le confort et la civilisation. Bientôt c’est la nature sauvage qui m’attend …
Demain j’ai un grand rendez-vous… une date avec l’Aconcagua, la belle géante… on dit que le premier regard et la première sensation ne trompent jamais est-ce que je vais avoir peur ou l’aimer ?… Je veux la voir, la sentir… Bonne nuit !
8 décembre, 14:43
J’ai fait mon entraînement du matin… maintenant douche, je me prépare et direction l’aéroport. Je me prépare comme si j’allais rencontrer une belle fille… juste un détail, je fais 2 mètres et elle a 7000m donc 3500 fois ma taille… une belle géante fille, hahaha… J’espère arriver à l’embrasser sur le haut de sa tête; haha, cela ne va pas être facile !!
8 décembre, 01:15
Voilà la route de l’ascension… Après les 6000 mètres de Colera vers le sommet et la traversée de la Canaleta vers 6500 jusqu’à 7000, cela sera un paquet de souffrance, le corps meurt un peu à chaque instant à cette altitude. Zone de la mort. Je vais donner mon max, je viens de loin et j’ai payé un grand paquet d’effort et d’entraînement et de préparation. Je me suis entraîné des milliers d’heures, j’ai suivi un régime alimentaire dur, j’ai eu beaucoup d’expérience dans les hautes montagnes. Rien que l’année dernière en Équateur, j’ai fait 4 sommets à haute altitude, plus que le Mont Blanc… dont 3 en solo…j’ai beaucoup appris sur les montagnes au Himalaya, en Afrique, en Europe ou en Amérique du Sud. J’ai fait des cours d’alpinisme, je suis prêt mais j’ai un peu peur c’est clair…c’est bien aussi ça augmente la concentration, car beaucoup de paramètres sont imprévisibles. Je n’ai jamais été aussi haut.
Le mal aigu des montagnes ne pardonne pas et arrive très vite.
Tout est souffrance, personne ne parle, on souffre et on avance !
Respirer c’est dur, marcher c’est dur, dormir c’est dur…
Le corps en maximum alerte n’arrive pas à dormir, ne veut pas baisser la garde ; c’est l’instinct de survie, l’amygdale du cerveau qui prend le contrôle et mobilise les dernières forces pour fuir le danger. Une chose est sûre, je vais aller au bout du bout et après le bout de mes forces… mais je jure de rebrousser le chemin si je ne vois plus le bout du tunnel… même des guides de montagnes perdent leur vies dans l’histoire de cette montagne personne n’est épargné même les plus expérimentés il faut suivre l’élan. Donner le double du max mais rester réaliste toujours et avant tout. Une formule difficile à équilibrer car à un certain temps tout est souffrance et on ne sait plus faire la différence… mais heureusement, j’ai un peu d’expérience et je connais bien mon corps et ses limites… Alles gut
8 décembre, 16:52
J’arrive à entrer difficilement dans l’ascenseur avec les 40 kg de bagages, hahaha…
9 décembre, 16:35
Beaucoup d’attente au ministère du Tourisme mais j’ai obtenu mon permis d’ascension à 600 US$, je vais rencontrer mon guide, l’après-midi, on fera le check de l’équipement et du matériel.
Aujourd’hui dernier jour de préparation, on commence demain de se rapprocher de la montagne… On va aller à un village à 2000 mètres. J’en ai marre d’attendre, la pression monte et je veux commencer à marcher. Hahaha, piano piano, tout arrivera en son temps.
J’ai rencontré hier dans mon hôtel deux alpinistes et on a dîné ensemble, l’un vient de la Suède et l’autre un Libanais : une rencontre heureuse… Ara Khatchadourian. Une légende dans l’alpinisme, il ne va pas marcher avec moi, mais on se retrouvera dans les différents camps. Un point positif pour moi d’avoir d’autres idées et expériences surtout pour les décisions du jour pour le dernier Push au sommet…
Il a déjà fait le sommet d’Everest et il veut continuer son exploit et faire les 7 sommets les plus hauts du monde dans tous les continents… Il a perdu ses orteils à cause d’une engelure. Il m’a donné plusieurs bons conseils pour l’Aconcagua. Il a dit, par exemple, si les températures sont -40 et tu ne peux plus te retenir pour faire kaka, fais-le dans tes vêtements, si tu ouvres les couches de vêtements tu risques de ne plus pouvoir te réchauffer après et de graves engelures. Bref… il m’a dit que l’Aconcagua ce n’est pas facile car très peu de temps pour l’acclimatation… il a dit aussi de prendre 2 bottes doubles boots. Je vais voir comment louer ou acheter… cela va être dur mais maintenant la machine est lancée, le moteur tourne que l’aventure commence !
9 décembre, 23:05
J’ai fini le check de l’équipement. Heureusement, j’ai presque tout avec moi… j’ai dû louer des double bottes. Le guide m’a dit qu’il y a de grands risques avec les single bottes.
10 décembre
Une belle rencontre ce soir, j’ai dîné avec 2 nouveaux alpinistes qui seront à partir de demain dans la même route que la mienne à l’assaut du sommet de l’Aconcagua… à gauche Mitchell USA et Henrik Sweeden… la communauté des alpinistes c’est un monde à part… des êtres qui ont connu les limites des souffrances physiques et l’instinct de survie et de combat.
Venus de tous des 4 coins du monde laissant leur famille et la vie confortable… etc. Ils sont comme des drogués à la recherche d’un sens plus profond, hahaha… J’avoue qu’ils sont un peu spéciaux. Mais ils dégagent une belle énergie comme si les expériences à la limite de la mort les ont transformés pour apprécier un plus chaque instant de la vie….
10 décembre, 15:53
J’ai quitté Mendoza en bus pour Pénitentes à côté de l’Aconcagua.
Encore 180 km. On passe la nuit à 2000 mètres et je commence demain doucement la marche… Les prévisions météorologiques pour le sommet sont catastrophiques pour les prochains jours : des vents à 100km /h… mais ce n’est pas grave, je suis encore très loin du sommet… il me faut au minimum deux semaines pour la première tentative de l’assaut du sommet… mais ça montre aussi que les fenêtres de beau temps pour le sommet sont très petites, l’Aconcagua est réputé pour sa mauvaise météo. Step by step… alles gut
Avec Chicho mon guide je vais probablement marcher avec un autre groupe de 3 personnes, on sera 4 au total et cela m’a évité le solo sur les jupes du géant américain l’Aconcagua !
10 décembre, 17 :22
Je viens de voir un alpiniste qui vient de descendre de l’Aconcagua; il a arrêté à la Canaleta 6700 ; il a fait l’Ebrus avant et il a dit ici c’est 100 fois plus dur ; il a rebroussé juste à 300 mètres du sommet ; bravo il est en vie.
Effectivement, après les 6000m ça devient très dur. Beaucoup d’alpinistes prennent la décision de faire demi-tour quand ils arrivent au refuge Independencia (6 400 m)… arrivé à ce stade, il faut bien réfléchir si on a la capacité (suffisamment de force) d’arriver au sommet ou pas.
10 décembre, 23:16
Mon groupe de l’expédition 4 personnes (Tunisia, USA, Sweeden, China, une fille qui a fait le triathlon, je pense la plus forte du groupe, hahaha) et 2 guides.
On est à 2700 mètres, on passe la nuit ici et demain on avance vers l’entrée du parc national Aconcagua et on commence la marche. Maintenant c’est +30°, le moral est excellent il faut garder cette photo en mémoire pour la fin du mois et comparer nos visages, hahaha, avant et après la montagne… on s’attend tous à une bonne «triha» de la montagne, donc on profite maintenant de cette petite paix avant la tempête haha.
11 décembre, 14:19
Première rencontre imposante, géante, grande, elle seule pleine de neige, elle se dresse pleine de force. Elle impose le respect. Je m’incline Je l’aime
13 décembre, 20:18
Tout va bien, je suis finalement arrivé à 4300 m… je n’avais pas de réseau pendant 2 jours… je vais écrire tout à l’heure…
13 décembre, 20:46
Après 10 heures de marche, 25 km, je suis arrivé au camp de base à 4300 mètres… très fatigant. J’ai un peu de douleurs dans le dos à cause du sac à dos, mais ça ira, demain repos, nada, un jour repos pour recharger les batteries. Le plus dur reste à venir… aujourd’hui ce fut long et pénible beaucoup de chaleur et beaucoup de vents.
Le Suédois a presque abandonné, il est arrivé au camp en retard, mort vivant, comme une feuille qui danse sous le vent.
Le mal aigu de la montagne l’a beaucoup affaiblit, j’ai essayé de l’aider un peu mais impossible, il refuse, bon, peut-être demain ça ira mieux pour lui.
Même mon ami Ara le Libanais, celui qui a gravi l’Everest, est resté derrière, il a beaucoup de maux de tête et n’arrive pas à dormir, en fait c’est le vent fort qui amplifie tout.
Bref, parfois il faut se reposer 24 heures et l’état s’améliore rapidement. Moi je me sens bien, je touche du bois malgré ce jour très long, on verra, j’ai fait 20% du trajet… après 5500 et selon la météo tout va se jouer maintenant… espérons, prions et lâchons prise… sur cette vidéo (si vous arrivez à la voir) l’Aconcagua est derrière moi… je vous embrasse très fort alles gut, love you all
13 décembre, 23:03
Ici, en haute altitude dans la montagne tout est effort même les choses simples de la vie… pour dormir minimum 1 h de préparation, gonfler le matelas ouvrir le sac de couchage, changer ses affaires, mettre la lampe sur sa tête, chercher ses vêtements 10 minutes dans un grand sac qui devient de jour en jour plus chaotique et dans un espace réduit sur les genoux… si on ne trouve pas quelque chose en doit déverser tout le sac sur le matelas et tout remettre ainsi 10 fois par jour, ha,ha, ha…
Aller aux toilettes c’est chaque fois un exploit. Je vous épargne les détails : juste pour info, il y a un trou dans sol sinon tu dois tout faire en plein air derrière une roche dans le froid dans un sac plastique et trouver la bonne position pour ne pas tomber bien sûr, haha… et ensuite porter le sac plastique avec toi sinon une très grande amande des rangers.
Bref, il faut bien s’organiser dans tout toujours concentré… malgré la fatigue le froid, le vent et le manque d’oxygène c’est ça aussi les montagnes.
13 décembre, 22:22
Quelques photos et un texte d’hier: je suis arrivé au camp Plaza di Francia à 4100 mètres…. La géante Aconcagua se dresse devant moi majestueusement, elle est imposante, attirante, on ne s’en lasse jamais de la regarder la seule pleine de neige dans un paysage semi-désertique et aride.
À cette altitude, il n’y a plus de végétation, aucune plante ne survit au manque d’oxygène… on ne trouve que les pierres et beaucoup de sable mais un regard vers le haut et tout devient blanc et beau.
Elle dégage une grande force mais en même temps on éprouve une sensation d’impuissance quand on pense à l’escalader. Elle force le respect. Il y a beaucoup de vents forts et plein de sable on n’arrive pas à bien respirer, heureusement je cache mon nez et ma bouche tout le temps sous un cache col. Durant la journée, il fait très chaud mais dès que le soleil se cache les températures tombent à zéro !
Le corps humain n’est pas fait pour vivre à haute altitude et surtout à ne pas faire d’effort à cette altitude… car dans ce cas le corps consomme beaucoup plus d’oxygène qui manque dans cet air.
Les plus grandes menaces sont l’œdème pulmonaire et l’œdème cérébral.
Le premier, on n’arrive plus à respirer car les poumons commencent à former de l’eau et on meurt par asphyxie, par son propre corps. Un scénario terrible même à imaginer.
Pour le second œdème, une grande inflammation se produit dans le cerveau et on perd peu à peu la conscience et on a des hallucinations jusqu’à la mort.
C’est pour cela qu’il faut vite agir dès que les symptômes du mal aigu de la montagne apparaissent…
14 décembre, 23:36
Voilà mon programme : encore 4 jours au camp de base et j’ai un programme chargé de montée vers 5000 et chaque fois retour pour l’acclimatation et transport de la nourriture eau et équipements vers le haut camp 1. J’aurais internet, je vous donnerai de mes nouvelles… après vers 17 /18 décembre 2019, je commencerai doucement le Push vers le sommet, ça va durer environ 5 jours pour arriver au sommet vers 23 décembre.
Donc no internet. Pas de nouvelles ces 5 jours… N° du guide Chicho : +54 9 261 591-6202. Il n’y aura pas d’internet pour lui aussi donc jusqu’au 25 no worries….99% allés ok…
15 décembre, 22:23
Aujourd’hui, une journée difficile, je suis monté au Mount Bonete 5000…Tout s’est bien passé jusqu’au sommet mais au retour une tempête de neige se décharge sur nous à cette altitude.
Les pentes sont assez inclinées, 40 degré minimum.
Bref, je suis un peu KO, un peu mal à la tête… 9 heures aller et retour à partir du camp de base. La vue à partir du sommet Bonete est magnifique… j’ai sauvé la vie à la Chinoise. Bon, elle a chuté, j’étais devant, je l’ai attrapée avec mes 2 mains, sinon elle aurait continué sa chute.
Bref, une belle journée très fatigante… la montée et descente assez techniques des passages de 10 cm juste l’espace pour mettre un pied l’un après l’autre et toujours du côté droit une pente presque 70 degrés la chute serait Fatale. Heureusement que la tempête a éclaté à la fin après les passages difficiles, mais j’ai de l’expérience dans ces situations.
Tout va bien, une journée riche d’adrénaline et d’expériences…voilà quelques photos… sur la première photo on voit le camp de base avec les tentes vous pouvez le voir ? Je vous embrasse très fort
16 décembre, 21:25
Je viens de retourner au camp de base. Une journée assez difficile avec 20 kg dans mon sac à dos plein de nourriture vers 5000m, le camp 1, heureusement une journée ensoleillée mais fatigante. C’est de la souffrance monotone à la douce, haha…. mais ça va le moral est bon aujourd’hui. J’ai très peu dormi à cause du froid et je tremble beaucoup, donc il me faut 2 ou 3 heures pour dormir et réveil à 5h30, donc de très courtes nuits. Bref, cela fait partie de l’expédition… le corps est fatigué mais il doit suivre le cerveau!
16 décembre, 21:28
Camp 1 à 5000m, Kiki il a fait très chaud, je pouvais être nu… haha, ici le temps change chaque heure selon le vent froid et le soleil. J’ai besoin de me remplir d’énergie, quand je m’allonge et ferme un peu les yeux après 4 heures de marche difficile… «Ermit les quatre», hahah…
Oui, Kiki, tu as raison vigilance mais il a fait très chaud au Camp1 pendant 10 minutes. Ok, j’ai besoin d’énergie, cela vient du repos, fermer les yeux, méditer, nourriture, sommeil, eau, tout le reste me prend beaucoup d’énergie le froid, le poids du sac, difficulté de la marche, manque d’oxygène fatigue, etc.
À partir de 6000 ça va être souffrance 24 sur 24, heures par heure, minute par minute, seconde par seconde !
17 décembre, 15:50
Salut tout le monde je vais bien mais j’ai passé une terrible nuit.
Je vais m’éclipser un peu pour me concentrer sur moi-même j’ai fait beaucoup de fautes en montagne, perdu mes lunettes et bouteille et retrouvés ensuite. Je dors mal, je ne me sens pas bien, je suis down. Pas d’énergie. Moral presque à zéro. Vous m’avez aidé énormément par votre soutien via Messenger (vous tous, ma famille) et vos conseils je suis reconnaissant pour tout ce que vous avez fait pour moi… merci du fond du cœur… mais j’ai besoin de m’isoler un peu pour augmenter ma concentration et mon moral, je suis à 90% de rebrousser chemin.
J’ai parlé et préparé tout le scénario du retour avec mon guide peut être demain.
Je trouve pas mon centre avec mes énergies je ne la sens pas… c’est comme ça, je fonctionne avec mon énergie et elle est à presque zéro.
Les choses dures de la vie je les fais seul normalement dans le silence centré entre peur et concentration, le seul problème c’est moi-même et mes énergies et le seul à résoudre le problème c’est moi même aussi… Je dois mobiliser mes dernières pour activer le programme d’urgence
Demain camp 1 et je vais voir comment je me sens
Sinon demain mon dernier jour ici. Tout a changé très vite et avec force. C’est la vie. Je vais quand même donner la chance à la chance pour continuer… bisous, je vous embrasse très fort, votre soutien a été positif pour moi… c’est une excellente expérience pour moi. Seul l’amour vaincra comme papa le dit.
Pas de panique, si je ne donne plus de mes nouvelles c’est que j’avance, bonne nouvelle… sinon je rebrousse chemin, je vais voir demain comment je me sens. Merci alles gut…
19 décembre
Dernier message plus de réseau : The show must go on!
Je monte camp 2. Une image d’hier soir ça parle mieux que 1000 mots … On verra jour par jour, je n’ai aucune idée sur l’avenir ni mes capacités. Love you all !
21 décembre, 18:50
Je suis au camp 1 à 5000 mètres… j’ai décidé de ne plus décider, de ne plus réfléchir, de ne plus penser et d’aller jusqu’au bout de mes forces… tant que j’ai un milligramme d’énergie pour respirer et faire un pas je le ferais… je viens de loin.
J’ai payé le prix très cher pour arriver ici, je parle de beaucoup d’années d’efforts et de régime alimentaire, d’apprentissage de plusieurs techniques d’alpinisme, de milliers d’heures d’entraînement seul dans les montagnes ou dans la salle de fitness ou de natation dans la piscine… beaucoup de discipline, c’est trop bête d’abandonner… Même si j’ai fait plusieurs fautes impardonnables dans cette expédition dont je n’ai pas envie de parler maintenant… ce sont des détails d’organisation et de concentration mais qui démoralisent car tout compte pour moi et pour avoir le maximum de chance d’arriver au sommet.
Maintenant j’ai accepté ma situation et j’essaie de voir le positif dans chaque nouvelle chose.
La montagne m’a beaucoup enseigné et une des belles leçons de la vie c’est que rien n’est permanant et tout est en constant changement.
Après des heures de marche avec un sac à dos lourd et une douleur permanente aux épaules et au dos et avec des difficultés de respirer à cause de la haute altitude et le très bas niveau d’oxygène, le froid glacial et le vent fort.
Alors que j’essaie de faire un pas puis un autre en avançant vers le haut et après des heures dans cette marche monotone difficile je me sens parfois comme en transe… Plus grand que ce corps qui souffre, j’oublie pour quelques instants les douleurs, j’abandonne la résistance à la dureté de la situation, et comme par magie, une grande paix s’installe dans mon esprit, un calme malgré les douleurs du corps… toute situation est provisoire et impermanente… une autre situation va venir donc pourquoi tous ces efforts de résister à ce qu’on aime pas même la douleur ?
N’est-il pas préférable de l’accepter et faire avec, car une chose surtout changera dans le futur et résister c’est amplifier la douleur initiale… comme un nuage gris dans le ciel… il passera et le soleil brillera de nouveau. En fin de compte, il y a du positif dans tout surtout dans les situations difficiles… on apprend le plus sur nous-mêmes…
Une nuit très dur au camp 2 Nido de condores, 5500m tout est surgelé -20 degré, dans ma tente tout est devenu solide, l’eau dans la bouteille, une paire de chaussette, etc…
Des cristaux de neige qui brillent sur les parois de la tente et du sac de couchage… en fait l’humidité qui se dégage de ma respiration se refroidit vite avec ce froid glacial et forme ces petit cristaux de neige… imaginez dormir et passer une nuit dans un frigo pour les surgelés … tout devient dur et glace même mes orteils :
Sachant que je porte 3 chaussettes + bouillote dans mes pieds + une polaire veste de canard duvet +sac de couchage… et à la fin je me réveille plusieurs fois la nuit car je tremble et mes orteils comme des glaçons, je dois faire vite un massage… mon but est de revenir de cette expédition avec le même nombre d’orteils et de doigts… chose pas facile !
Pour moi il y a deux mondes. Il y a d’abord celui de la civilisation, la ville urbaine, un mode de vie que l’humain a construit sur mesure pour améliorer sa vie pour plus de confort, on trouve des maisons chauffées, de l’eau du robinet disponible à chaque instant pour boire ou prendre un bain.
Par une simple pression sur un bouton on a de la lumière… la cuisine est équipée d’un gaz, four, frigidaire, pour préparer sa nourriture facilement.
L’humain se déplace par voiture ou bus ou autre moyen de transport, il n’a plus besoin de marcher des heures.
Bref, l’humain a construit ce monde urbain de civilisation sur des milliers d’années et jusqu’à aujourd’hui il continue à l’améliorer pour faciliter sa vie… quand on pense au GPS par 2 clicks on arrive à se déplacer vers n’importe quelle adresse facilement.
De l’autre côté il y a le monde de la nature sauvage… un monde où l’humain doit activer son instinct de survie chaque jour pour vivre… un monde d’une beauté indescriptible, des paysages à couper le souffle, des couleurs et une lumière Intense pas de pollution.
Il y a une vibration spéciale apaisante et on se sent bien dans la nature… car il n y a pas des ondes électromagnétiques d’internet de téléphone de wifi de radio, etc., à très grande concentration comme dans les villes qui perturbent un peu notre système nerveux.
Dans la nature c’est comme si on quittait la planète terre pour aller découvrir un autre endroit, on devient comme un bébé qui découvre le monde de nouveau et apprend plein de choses sur la nature.
Sur sa faune et flore… des endroits inaccessibles pour l’humain, on peut y pénétrer qu’à travers une expédition et avec beaucoup d’efforts de logistique et préparations durant des mois à l’avance.
Ce monde est aussi un monde où l’humain ne peut pas vivre pour longtemps. Pour mon cas c’est le monde des montagnes à très haute altitude, dans ce monde on doit aller au bout de nos forces pour survivre, rien n’est facile, même respirer devient un effort constant à cause du manque d’oxygène.
Chaque jour dresser sa tente dans le froid, vent, neige ou autre météo défavorable… marcher des longues distances, préparer sa nourriture… même les besoins primaires d’aller aux toilettes devient un effort surhumain… imaginez, vous devez vous lever à -20° ou -30° au milieu de la nuit, sortir de la tente pour aller faire pipi dehors les fesses en l’air dans un froid glacial… l’énergie du corps diminue énormément, mais pas le droit à l’erreur dans l’escalade on n’a pas de faveur pour faire 2 erreurs . Une seule erreur, une chute et c’est la mort
On devient sauvage, un animal qui est prêt à tout pour survivre.
L’adrénaline dans le sang, le danger est partout, on est en alerte, on est toujours concentré et on apprend beaucoup sur soi-même et ses limites.
On sort de sa zone de sécurité, de confort et ça nous change dans les profondeurs de notre conscience pour devenir un être meilleur on apprécie plus les choses simples de la vie car notre regard sur la vie est devenu plus profond et vaste …
Pour moi l’idéal est de quitter le monde de civilisation de temps à autre et d’entrer dans le monde sauvage de la nature avec le but de vivre des expériences intenses et surtout de ressortir de ce monde sauvage en vie car ce n’est pas toujours évident…
Aujourd’hui je continue de monter au dernier camp Colera à 6000m
Pour transporter la nourriture et mon équipement pour le sommet… j’ai commencé à marcher et un point de côté a commencé à me faire mal j’arrive plus à marcher ou suivre mon guide. Une douleur terrible. Je n’arrive plus à respirer l’air qui me donne toujours une sensation de manque d’oxygène presque d’asphyxie, j’ouvre grande ma bouche et je monte ma poitrine vers l’avant pour augmenter le volume des poumons afin que je puisse respirer.
Dans cet effort de monter chaque pas vers le haut, j’ai une panique intérieur, je ne voulais pas arrêter ou alarmer le guide car faire une pause au début c’est augmenter énormément le risque d’engelures. Au début, il faut marcher minimum 45 minutes pour se réchauffer… Le terrain n’est pas facile, beaucoup de neige et ça glisse, il faut être concentré…
J’ai continué à marcher avec l’espoir que ce point de côté va disparaître dans 10 minutes max… J’ai eu même la pensée que vraiment je n’ai pas de chance… il fait très froid le vent te pousse de droite à gauche difficile même de garder l’équilibre… le programme du jour est dur faire monter la nourriture et l’équipement à 6000 m et redescendre… une nouvelle limite ces 6000 encore moins d’oxygène et la cerise sur le gâteau c’est ce point de côté… je me suis dit à moi-même super well done nan il ne manquait plus que ça, hahah…
Bref, après 20 minutes avec des douleurs atroces, j’arrive à nouveau à respirer plus facilement et j’ai continué la montée jusqu’au Camp 2 à 6000m.
Une montée assez dure à cause du vent froid et du terrain assez difficile. Je suis resté l’heure pour l’acclimatation et je suis redescendu au camp 2 à 5500 mètres.
Je vais attendre ici la fenêtre de beau temps qui vient dans 3 jours pour faire le dernier Push, la partie la plus dure, la plus dangereuse, où il y a statistiquement le plus d’accidents et de morts.
On dit que la vraie Aconcagua commence après les 6000… on verra, je ne sais rien sur le future, j’essaie de vivre ou survivre de jour en jour.
J’entre dans la période la plus critique, je dois me concentrer à fond et charger le maximum d’énergie… après, comme on dit en italien, que serra serra…
Le seul vrai but est de rester en vie
Mais pour le rester, je vais tenter d’aller le plus loin que je peux vers le haut…
Aconcagua a et aura à la fin toujours le dernier mot… considérée comme déesse chez les Incas, personne n’osa se rapprocher d’elle que pour lui donner des sacrifices… dernièrement, il y a quelques années, on a trouvé une momie d’un petit enfant à 5000 mètres… Il faut la respecter et savoir déchiffrer les signes qu’elle envoie au bon moment!
Le combat continue et le plus dur reste à venir. Si vous êtes au chaud et vous pouvez respirer normalement, alors priez un peu pour moi 😉 Je vous embrasse très fort love you all
21 décembre, 19:04
Le 23 à 2 heures du matin le push final. Le plus dur, le plus dangereux sera de Colera 6000 mètres vers sommet 7000… 16 heures non-stop.
J’ai un seul souhait de sortir d’ici le plus vite possible… la montagne m’a tout pris toute mon énergie mais je résiste encore on verra love you all
22 décembre, 14:34
Il faut improviser contre le froid, aux pieds une doudoune veste transformé pour réchauffer les pieds… car je me lève souvent la nuit avec des orteils glaçons… bisous love you all …
22 décembre, 14:31
Ce soir ou demain très tôt le 23 à 2h le push pour le sommet, je suis sur le chemin vers le dernier camp 6000m.
22 décembre, 14:45
Le Suédois vient de descendre en urgence, œdème pulmonaire, il n’arrive plus à respirer il a du liquide dans les poumons.
La nuit du destin à l’Aconcagua
24 décembre
Il est minuit je suis à 6000 m dans le dernier camp… dans quelque heures je commence le dernier push pour le sommet 7000 et je ne peux pas dormir…
Les pensées tiraillent mon esprit… je ne trouve plus mon calme… Le manque d’oxygène me joue un sale tour… La souffrance s’accumule dans mon mental et la peur s’installe dans mon cœur… les hormones de stress coulent dans mon sang et empoisonnent mon corps… je suis paralysé… je me sens faible avec les yeux grands ouverts vers l’inconnu… je suis là… je suis en vie mais un peu mort…
Il faut survivre à ce poison à ce cocktail d’hormones toxiques dans mon sang et à ces signaux électriques dans mon cerveau qui déforment ma perception de la réalité et du présent … l’univers de mon intérieur vient de s’effondrer… le ciel s’est ouvert en 2 et un grand trou noir est apparu qui absorbe toute bonne énergie et ne laisse que le vide et le doute… mon monde s’écrase entre deux murs qui continuent à se rapprocher l’un vers l’autre et je me trouve bloqué au milieu… impuissant… devant ces forces… j’abandonne… la batterie de mon corps s’est vidée… je suis plus faible que jamais… et à ce moment, je m’endors par fatigue…
Après 2 ou 3 heures… je me réveille… et comme par magie, une lumière au bout du tunnel apparaît… Un rayon d’espoir… pour échapper à la force de pesanteur et de gravité qui me tirent vers le bas… je commence à m’attacher à cette lumière… comme une fusée qui veut décoller et quitter la terre…
Le feu brûle … l’explosion se produit
L’énergie se libère… sort de sa prison… pousse vers le haut… rien ne peut la faire descendre pour un moment pour un instant… elle s’échappe à la loi divine de la gravité… ça vole vers le haut… vers le tout… ça se libère… ça entre et se mélange avec le tout… plus de drame, plus de peur… plus de prison… plus de dépendances… plus de désir… plus d’attachement et plus de doute… la forme s’est éteinte… elle est devenue plus vaste plus grande plus cohérente plus harmonieuse… l’énergie coule sans intervention et sans effort… le karma a été payé la voie est ouverte pour le sommet… Je me lève… je suis prêt…
24 décembre, 19:37
Yes, yes, yes, j’ai pleuré toute les larmes de mon corps… je viens de descendre du sommet de l’Aconcagua presque 7000 m… merci pour votre soutien inconditionnel… pour vos conseils et vos messages de motivation ils m’ont donné beaucoup d’énergie pour aller jusqu’au bout de mes forces… je dédie cette petite victoire à vous
Just for fun : aujourd’hui, j’étais l’homme probablement à la plus haute altitude dans notre planète terre… sachant que l’Aconcagua est la montagne la plus haute du monde en dehors des Himalayas… et comme fin décembre c’est l’hiver aux Himalayas, donc il n y a pas d’expédition dans cette région…
Photo 24
Ce fut une longue expédition de 3 semaines pour arriver au sommet… une météo très instable -30 degré le soir c’est normal et des vents de plus que 100km/h… et je n’ai jamais autant souffert de ma vie comme le dernier jour du push vers le sommet départ du camp Colera a 6000m… je n’ai pas pu dormir à cause du manque d’oxygène hypoxie.
Vers 2 h du matin, préparation de l’équipement et s’habiller avec plusieurs couches pour affronter le froid glacial et les vents forts… à 4 h du matin, torche sur la tête, et je commence l’ascension difficile… j’avais toujours en tête l’image de mon ami suédois qui a commencé l’expédition avec moi et qui a été évacué par hélicoptère à cause d’un œdème pulmonaire, le mal aigu des montagnes et je ne sais toujours pas si il est en vie ou pas… il a été transporté à l’hôpital à Mendoza….
Bref, j’avais le cœur serré et très peur… jusqu’au dernier mètre avant le sommet, je ne savais plus si j’allais atteindre le sommet ou mourir avant d’une crise cardiaque à cause de la fatigue et des difficultés pour respirer, on parle de 2/3 d’oxygène manquant dans chaque respiration… les pentes de neige et de glace sont assez inclinées parfois 60 degrés dans la dernière partie avant le sommet…
Une chute serait synonyme de mort. Adrénaline et concentration à fond… pas de corde de sécurité… il faut bien maîtriser la technique de l’escalade avec les crampons….
Quelques instants après mon arrivée au sommet un ami que j’ai rencontré dans l’expédition, un Libanais qui vient de gravir l’Everest et veut continuer son exploit pour gravir les plus hautes montagnes du monde dans chaque continent… il arrive derrière moi à bout de souffle et en me disant : «Je te jure Anis, c’est plus dur que l’Everest».
Il l’a répété 2 fois… en fait la difficulté dans l’Aconcagua c’est sa météo très changeante quelques heures soleil fort pas de vents et après une tempête de neige whiteout où tu n’arrives plus à voir 20 cm devant toi même pas tes mains
Elle est considérée comme une des montagnes les plus froides du monde et la majorité des expéditions font un programme de 3 semaines pour atteindre le sommet, c’est trop peu pour une bonne acclimatation, ce qui explique le taux de réussite de 30% max et la dernière partie de 6000 à 7000 m est très dure à escalader il y a plusieurs passages difficiles sans cordes fixes et il y a des accidents et des morts chaque année.
Merci Aconcagua de m’avoir laissé entrer ton royaume et laissé gravir ton sommet
J’ai encore un long chemin pour descendre et sortir demain soir de cette montagne…
Gracias a Dios !
* Grimpeur-Voyageur, ingénieur/informaticien Airbus Allemagne, Membre du CIGV.
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