Si les Destouriens, héritiers de Bourguiba, sont aujourd’hui dispersés, la faute en revient principalement à Béji Caid Essebsi qui, en s’alliant avec le chef islamiste Rached Ghannouchi, et en prônant le consensus généralisé, a paralysé la vie politique en Tunisie, où se perpétue encore aujourd’hui cette bizarrerie dont seuls les Tunisiens sont capables.
Par Rachid Barnat
Pour dominer la scène politique, Rached Ghannouchi, président du parti islamiste Ennahdha, a divisé les Tunisiens en bons et en mauvais musulmans, puis il a divisé les Destouriens en fréquentables et en suppôts de la dictature de Ben Ali pour en finir avec le Destour et les Destouriens !
Et depuis la fumeuse «révolution» à la faveur de laquelle l’émir du Qatar a aidé Ghannouchi et ses Frères musulmans à s’installer au pouvoir, des «révolutionnaires» de la 25e heure sont sortis de nulle part pour la plus part, aux doctrines surannées (panislamisme, panarabisme, communisme…), sinon farfelues, pour récupérer un soulèvement des Tunisiens contre un régime policier. Et dans le chaos général qui a suivi, les Destouriens, désorientés par la soudaineté et la violence des mercenaires de l’émir du Qatar, se sont dispersés.
Rached Ghannouchi divise les Destouriens
Ainsi, certains d’entre eux se sont retirés de la vie politique, parfois en prenant le chemin de l’exil, alors que d’autres ont retourné leur veste pour rallier Ghannouchi, en se convertissant (réellement ? hypocritement ?) à l’islamisme qui fonde son action politique, se laissant pousser la barbe et s’apposant le sceau frontal du fervent prieur pour les hommes; et en se couvrant de voiles pour les femmes; jusqu’à adopter le langage et les pratiques sociétales importées d’Arabie et du Golfe.
Bien d’autres encore ont fait amende honorable et ont demandé pardon à Ghannouchi dans l’espoir d’un poste sinon d’un strapontin dans l’administration tunisienne.
Machiavélique, le chef islamiste profitera de la situation pour diviser les Destouriens; puisque, depuis la trahison de Béji Caïd Essebsi, en 2015, de plus en plus de Destouriens admettent l’alliance avec les Frères musulmans et acceptent le consensus imposé par Ghannouchi comme inéluctable et indispensable pour gouverner le pays, bien que leur idéologie soit à l’opposé de la leur.
Enfin, un autre groupe de Destouriens, plutôt rares, ont décidé de reprendre du service, revendiquant haut et fort les valeurs du Destour, pour libérer la Tunisie de son nouveau colonisateur, dont Abir Moussi et son Parti destourien libre (PDL) en combattant pacifiquement les Frères musulmans.
Or la caractéristique des Destouriens est de fuir les doctrines mortifères comme le nazisme, le fascisme, le communisme, l’islamisme, l’arabisme… leur préférant le nationalisme positif pour libérer la Tunisie et bâtir une nation tunisienne et une république moderne dotée d’institutions démocratiques à l’instar des pays développés.
Béji Caïd Essebsi trahit ses électeurs
Alors pourquoi certains Destouriens ont-ils tourné le dos à leurs principes fondateurs? Est-ce par manque de conviction? Ou, simplement, par opportunisme?
La faute à qui ? Indéniablement à Béji Caïd Essebsi qui a ouvert la porte de la normalisation des relations des Destouriens avec leurs ennemis jurés, les Frères musulmans.
On se rappelle tous qu’il avait promis et juré qu’il ne s’alliera jamais aux Frères musulmans, et qu’il sera le rempart contre l’islamisme en Tunisie. Ce qui explique le raz de marée de Tunisiens qui ont rallié Nidaa Tounes, le nouveau parti qu’il avait créé en juin 2012.
Mais pourquoi Béji Caïd Essebsi avait-il trahi ses électeurs? Pour satisfaire un ego désireux de finir sa carrière politique au palais de Carthage ? Ou était-ce une stratégie à la François Mitterrand qui, voulant se débarrasser des communistes, les a adoubés en s’alliant à Georges Marchais et dont le parti entamera son déclin depuis? Mais n’est pas François Mitterrand qui veut; et l’alliance des socialistes avec les communistes ne choque pas, du moment que les deux partis ont des doctrines issues du marxisme !
Alors que Béji Caïd Essebsi, qui n’a cessé de rappeler son appartenance aux Destouriens et sa filiation à Bourguiba, n’aurait jamais dû faire cette alliance contre nature par laquelle il a trahi ses électeurs mais aussi son père spirituel dont il se revendique l’héritier.
Et pour gâter le tout, par népotisme, il a abandonné son parti Nidaa Tounes, tel un jouet entre les mains de son rejeton que tout le monde s’accorde à dire qu’il est nul; croyant lui assurer un «destin politique» mais qui sera la cause de la mort de son parti sur lequel des millions de Tunisiens avaient cru qu’il allait les débarrasser des islamistes.
La politique du consensus paralyse le pays
Non seulement Caïd Essebsi avait trahi en s’alliant à Ghannouchi, mais il avait admis le consensus que celui-ci lui imposait et n’avait cessé depuis de vanter cette trouvaille machiavélique du dirigeant islamiste pour garder la main sur le pouvoir et sur tous les rouages de l’Etat… au point que tous les partis politiques ont fini par admettre que la Tunisie ne se gouverne que dans le consensus général mélangeant carpes et lapins qui ne produisent rien !
Et malgré les échecs de cette politique du consensus paralysante pour le pays, des Destouriens, prenant exemple sur Caid Essebsi, perpétuent cette bizarrerie dont seuls les Tunisiens sont capables.
Heureusement, il y a encore des Destouriens convaincus et patriotes pour reprendre le flambeau de leurs prédécesseurs et libérer de la Tunisie de son nouveau colonisateur et de l’islamisme qui ronge la société !
Car, en définitive, si les Frères musulmans ont permis la multiplication des partis (plus de 200 !) pour mieux diviser les Tunisiens et rester au pouvoir en contrôlant tout jusqu’aux élections elles-mêmes qu’ils trafiquent, le critère qui doit guider le choix des Tunisiens doit être le patriotisme du candidat, à l’exclusion de ceux qui ne le sont pas ou pire qui travaillent pour des agendas étrangers pour ne pas dire traîtres à leur patrie !
Un article de Bourguiba, publié le 23 février 1932, dans le journal ‘‘La Voix du Tunisien’’ :
«S’agit-il d’un pays sans vitalité, d’un peuple dégénéré qui décline ? Réduit à n’être plus qu’une poussière d’individus, c’est la déchéance qui l’attend… en un mot, la disparition totale et inéluctable.
S’agit-il au contraire d’un peuple sain, vigoureux, que les compétitions internationales ou une crise momentanée ont forcé à accepter la tutelle d’un Etat fort, la situation nécessairement inférieure qui lui est faite, le contact d’une civilisation plus avancée détermine en lui une réaction salutaire … une véritable régénération se produit en lui et grâce à une judicieuse assimilation, il arrivera fatalement à réaliser par étapes son émancipation définitive.
L’avenir dira si le peuple tunisien appartient à l’une ou l’autre catégorie».
À méditer !
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