Ce poème est de l’indien Rabindranàth Thakur, dit Tagore, tiré de son recueil ‘‘L’Offrande lyrique’’ traduit en français par André Gide. Tagore fut le premier non occidental à recevoir le Prix Nobel de littérature. C’était en 1913.
Né le 7 mai 1861, dans une famille progressiste du Bengale -dans l’est de l’Inde-, Tagore fut poète de langues bengali et anglaise, mais aussi philosophe, romancier, homme de théâtre, compositeur, peintre, éducateur, politologue mais également un grand voyageur ayant visité plus d’une vingtaine de pays.
Tagore est le produit d’une double culture à fois hindoue et occidentale. Dernier-né d’une famille de 14 enfants, le jeune Tagore grandit dans un milieu urbain, occidentalisé, apprenant à la fois les codes de l’Inde traditionnelle et ceux de l’Inde coloniale. À 20 ans, après un premier séjour à Londres où il avait fait des études littéraires, Tagore écrivit son premier poème ‘‘Nirjharer svapna-bhanga’’ («Le réveil de la cascade»).
Ce qui l’intéresse avant tout c’est le drame des humbles vies, en s’interrogeant simultanément sur l’identité indienne. Malgré la mort de sa femme, de trois de ses enfants et de son père (qui lui apporte la «révélation de l’amour de la nature et de Dieu») entre 1901 et 1918, il a su transformer sa souffrance en joie et il a monté un centre d’éducation international à Santiniketan au Bengale. Son lyrisme rythmé et moderne, sa méditation sur la nature, sur la condition humaine et, plus pragmatiquement, sur la politique britannique colonialiste ont séduit un large public en Asie.
Le poète devient ainsi une icône du mouvement de l’indépendance de l’Inde et impulse une nouvelle politique culturelle et éducative dans son pays. Ses principaux ouvrages ‘‘L’Offrande lyrique’’, ‘‘Souvenirs d’enfance’’, ‘‘Navire d’or’’, ‘‘Gora’’, ‘‘Le Jardinier d’amour’’, et ‘‘La Corbeille de fruits’’ lui valent le prix Nobel de littérature en 1913.
Son recueil ‘‘L’Offrande lyrique’’ dont est extrait le présent poème fut traduit par de grands noms de la littérature mondiale dont le Russe Boris Pasternak et le Français André Gide.
Le peintre Tagore a notamment exposé à Paris en 1930 où Anna de Noailles et Victoria Ocampo figuraient parmi les convives à l’inauguration de son exposition. Tagore aura été le penseur de l’Inde qui a traduit sa pensée par son œuvre diverse.
Il est décédé le 7 août 1941 à Calcutta.
Je voulais te demander — mais je n’ai pas osé — la guirlande de roses que tu portais au cou. Ainsi j’attendis au matin et que tu sois parti pour en trouver sur le lit quelque vestige. Et, pareil au mendiant, je quêtai dans le crépuscule, ne fût-ce que pour un pétale égaré.
Pauvre de moi ! Qu’ai-je trouvé ? Quel gage a laissé ton amour ? Ce n’est ni fleur, ni flacon de senteur, ni aromates. C’est ton puissant glaive, étincelant comme une flamme, pesant comme un coup de tonnerre. La jeune lumière du matin, par la fenêtre, vient se répandre sur ton lit. L’oiseau matinal gazouille et demande : Femme, qu’as -tu trouvé ? Non, ce n’est ni fleur, ni flacon de senteur, ni aromates — Seigneur, c’est ton terrible glaive.
J’admire et je m’étonne, quel don m’as-tu fait-là ? Je ne sais trouver nulle place où le cacher. J’ai honte de le porter sur moi, frêle comme je suis, et je me blesse à lui quand je le presse sur ma poitrine. Pourtant il me faut supporter dans mon cœur l’honneur que tu m’as fait de ce don d’un fardeau de peine.
Désormais, pour moi nulle peur ne saurait plus être en ce monde, et dans mes désaccords tu resteras victorieux. Tu m’as laissé la mort pour compagne et je la couronnerai de ma vie. Ton glaive est avec moi pour trancher mes liens, et pour moi nulle peur ne saurait plus être en ce monde.
Désormais, je renonce à tout attifement futile. Roi de mon cœur, je ne connaîtrai plus l’attente et ni le pleurer à l’écart ; plus la réserve et les douces manières. Tu m’as donné ton glaive pour parure. Qu’ai-je affaire à présent avec les attifements de poupée!
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