Le confinement général imposé, et pas seulement aux Tunisiens, par la lutte contre la pandémie du coronavirus (Covid-19) inspire à l’auteur ce billet mi-sérieux mi-sarcastique, en tout cas drôle et ironique, qui est un éloge de la fainéantise… créatrice. Une manière d’inciter les gens à rester chez eux…
Par Mohamed Karim Saadi *
Bon nombre de lecteurs ne me croiront pas, certains me jugeront même hérétique, mais, par souci de sincérité, je vous le dis à voix basse et en lettres minuscules, je suis Tunisien et fainéant !
J’avais la sincère intention de m’assumer et vous avouer cela bien avant aujourd’hui. Je précise par conséquent que ce retard et cette réticence ne sont nullement dus à un excès de fainéantise – j’estime nécessaire de noter que je ne m’en désolidarise pas – car, et j’insiste sur ce fait : la fainéantise a des bienfaits – j’y reviendrai à la première occasion qui va se présenter – je trouve que cela est essentiel – et, une fois revenu, je commencerai par exposer le quatrième bienfait de la fainéantise qui.
J’ai tout de même une partie isolée de mon esprit qui œuvre, par peur de fainéantise, pour que j’imagine ou que je me rappelle d’une ou de deux situations qui sauraient expliquer la grâce de l’état de fainéantise.
En voilà une : ça devait être Monet ou Manet, c’est cela, à une voyelle près; donc Monet ou Manet, l’un d’eux, était, un jour d’automne vers 14h, allongé sur son lit; il devait prendre son petit-déjeuner mais il jugeait trop longue la distance qui le séparait de la cuisine; il regardait autour de lui, s’amusait à regarder autour de lui, s’exaltait même à regarder autour de lui, et c’est à ce moment là – de 14h à 16h37 – qu’il s’est rendu compte que la couleur des murs de sa chambre n’allait pas et le décor, il a pensé à changer le décor, mais cela prendrait beaucoup de temps et demanderait un effort considérable. Il s’est donc ravisé et a opté pour le changement de la couleur des murs. Il a demandé à son frère d’appeler un peintre en bâtiment le temps qu’il se résolve à prendre son petit-déjeuner, et c’est cet incident là qui a éveillé en lui le don de peindre.
En voilà une deuxième, cette fois il s’agit de Gustav Klimt. Il était en train de prendre sa tasse de thé refroidi depuis plus de trois heures quand il s’aperçoit que le tableau accroché au mur en face de lui penchait un peu à droite.
Cette constatation l’a déconcerté, il devait faire quelque chose, mais quoi? Vingt minutes après – la Révélation –, l’idée lui vint d’appeler sa mère qui était au sous-sol pour qu’elle monte et vienne redresser le tableau : il appela sa mère, elle monta l’escalier, essoufflée, arriva, il lui demanda alors de redresser le tableau – l’emploi du passé simple est injustifié, si ce n’est pour l’esthétique du récit – et une fois la mère, qui, arrivée, après avoir monté l’escalier, essoufflée, redressa ‘‘La mort de Sardanapale’’, tableau romantique d’Eugène Delacroix, une copie, une copie parfaitement réalisée, un faux, un faux qui semble si vrai, on dirait même que le faussaire était plus doué qu’Eugène Delacroix, qu’une envie brûlante de se vouer à la peinture le gagna, il finit par s’inscrire dans l’Ecole des arts et métiers de Vienne, et dans le symbolisme.
C’est dire que la fainéantise n’est pas à blâmer.
Chers concitoyens, vous qui avez la coutume de travailler jour et nuit, vous qui avez tout fait pour booster l’économie du pays, vous qui avez ébloui le monde à maintes reprises! Faites un effort et soyez provisoirement fainéants, qui sait, vous pourriez détecter ou déterrer un don en vous, reposez-vous un peu, la vie n’est pas uniquement travail et aide aux supermarchés pour qu’ils puissent vendre leurs produits et survivre !
Tout le monde n’est pas artiste, mais croisez vos mains, soyez fainéants, et qui sait, rien à perdre, absolument tout à gagner !
Pour ma très chère amie Akila !
* Universitaire tunisien au Portugal.
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