Quatre exemplaires de drones thermo sensibles sont venus à la rescousse de l’Etat tunisien dans sa lutte contre le coronavirus (Covid-19), selon le ministre de la Santé. On n’a pas encore vue ces gadgets à l’œuvre et, au-delà de l’effet d’annonce, avec micros et caméras à la rescousse, tout semble indiquer qu’ils seront bientôt oubliés dans l’un des entrepôts du ministère. Et pour cause.
Par Dr Mounir Hanablia *
Ces drones sont des appareils munis de caméras photo thermiques ou à émission laser, qui survolant une zone seraient capables de détecter à distance les personnes souffrant d’hyperthermie, donc susceptibles d’être contaminées par le Covid-19.
Cette technologie n’est en soi pas nouvelle, puisque les caméras thermiques à détection infra rouge sont en service depuis plusieurs années, et ont été utilisées largement dans le domaine militaire ou sécuritaire afin de repérer, suivre, et neutraliser la nuit des personnes jugées nuisibles. Et l’intensité du rayonnement infra rouge étant en rapport direct avec la température de l’objet étudié, on peut concevoir que la mesure de la longueur d’onde donne une estimation exacte de la température de l’objet examiné.
Une technologie encore au stade de la promesse
Le problème est que ce type de technologie ne semble pas avoir fait ses preuves, pour peu qu’il l’eût été, dans les pays les plus avancés, dans le domaine de la prévention sanitaire, y compris à Wuhan, en Chine, berceau de l’épidémie.
Il y a trois jours, un groupe de miliciens américains armés a manifesté, en compagnie de plusieurs milliers de leurs compatriotes, devant le Capitole de l’Etat du Michigan, en réclamant la démission de la gouverneure de l’Etat, la levée du confinement et le retour à une vie professionnelle normale. Ces miliciens, bénéficiant par ailleurs du soutien du président Trump, sont ensuite entrés armés au sein de l’assemblée, sans les masques de protection, qu’ils n’ont finalement portés qu’une fois qu’ils eussent été admis à l’intérieur, plus comme des gangsters que comme des personnes soucieuses de se protéger. Mais avant d’y être autorisés, ils ont été obligés de se soumettre à une prise de la température individuelle.
Avec les drones thermo détecteurs en fonction, au-dessus de la foule, et on peut supposer que la présence d’éléments armés n’en rendit l’usage que plus impératif, les individus fébriles, et pas seulement dans leurs comportements, eussent été détectés, et il n’y eut eu nullement besoin de faire prendre la température à ceux parmi eux qui devaient accéder au Capitole de l’Etat.
En Tunisie, les drones thermo détecteurs seront utilisés, puisque cela a été officiellement annoncé, mais le plus probable est qu’ils le soient à titre expérimental. On peut effet se poser la question de savoir comment un tel appareillage puisse, durant la journée, lors du survol d’une zone densément peuplée, faire le tri entre les ondes infra rouge d’origine solaire, celles issues des moteurs des automobiles, du chauffage, ou de n’importe quelle autre source de chaleur, y compris les êtres vivants.
L’intérêt d’un usage diurne de cet appareillage demeure donc très hypothétique, mais seule une démonstration pourrait faire la preuve de son efficience. Par contre la nuit, il permettrait aisément de surveiller le respect du couvre feu, et de suivre à la trace les contrevenants, dans leurs propres quartiers d’habitation, sans que ceux-ci ne s’en rendent compte. Il aurait donc un effet dissuasif indéniable auprès d’une population notoirement peu respectueuse des lois.
La visée sécuritaire primerait sur l’utilité sanitaire
Ceci démontrerait parfaitement que la visée première de ces appareils soit avant tout sécuritaire, même s’il demeure vrai qu’en période de pandémie, il soit difficile d’en ignorer un éventuel intérêt sanitaire. Ils auraient en tous cas déjà l’avantage de rendre inutiles les survols d’hélicoptère, nettement plus bruyants, coûteux, et dangereux. Le risque est bien sûr qu’ils ne répondent pas aux attentes sur le plan sanitaire, mais il demeure douteux que quatre appareils de ce type suffisent à renverser le cours d’une épidémie, du moment que l’on sache que le problème principal qui en assure la propagation, soit la présence diffuse de porteurs sains, dont la température est, elle, normale.
Quoi qu’il en soit, il vaut mieux savoir d’emblée à quoi s’en tenir afin d’éviter les mauvaises surprises. Mais il demeure quand même curieux que l’arrivée des drones coïncide avec la sortie officielle attendue de l’état de pandémie; dans les faits le confinement a cessé avec l’arrivée du ramadan.
Ce ne serait certes pas la première fois que des mesures prises par un gouvernement ne poursuivissent pas les objectifs qui leur fussent officiellement assignés, mais d’autres, inavoués. Et après tout, sans cesser d’être une maladie, le Covid-19 n’est finalement qu’une forme extrême terreur, qui a réalisé tous les objectifs qu’un réseau terroriste eût pu poursuivre, en paralysant l’activité économique dans le monde entier.
Encore faudrait-il éviter d’être aussi les victimes d’escroqueries, dont le but ne serait que de saigner encore plus un Etat, un de plus, à une époque où l’affairisme est devenu la norme.
Pendant le septennat du président français Valéry Giscard d’Estaing, pourtant polytechnicien, mais sans doute obnubilé par le choc pétrolier de Septembre 1973, l’Etat français avait accepté de financer ces avions censés repérer le pétrole sous-terrain ou sous-marin d’un territoire en le survolant. Des avions qu’un journal satirique dans les années 70 devait qualifier, après la faillite monumentale du projet, de l’épithète peu glorieuse, de renifleurs.
* Cardiologue, Gammarth, La Marsa.
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