Après le transfert, par la Turquie, de milliers d’éléments terroristes de Syrie vers la Libye, des voix s’élèvent à Tunis pour appeler les autorités tunisiennes à éviter d’impliquer la Tunisie dans la guerre fratricide en cours dans le pays voisin. Car cela porterait atteinte à sa sécurité nationale.
Par Imed Bahri
Mohsen Marzouk, président de Machrou Tounes, a averti, la semaine dernière, dans des déclarations aux médias, contre le jeu dangereux de la Turquie en Libye et, plus généralement, dans la région du Maghreb.
Le jeu dangereux de la Turquie en Libye
Le président Recep Tayyip Erdogan, qui a des visées sur les richesses de la Libye, pétrolières et autres, a transféré des milliers de combattants de l’Etat islamique (Daêch) vers ce pays, dans une zone proche de la frontière tunisienne, a averti M. Marzouk.
«Les responsables tunisiens doivent réagir d’urgence et demander des explications à leurs homologues turcs, car tout ce qui se trame dans la Libye voisine pourrait se répercuter directement sur la sécurité nationale tunisienne. Tunis doit au moins demander à Ankara si des combattants tunisiens figuraient parmi le contingent de combattants transférés en Libye», n’a cessé de marteler Mohsen Marzouk.
Hier, dimanche 31 mai 2020, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) a rebondi sur cette question et, dans un communiqué signé par son secrétaire général, Noureddine Taboubi, a attiré l’attention, elle aussi, des autorités tunisiennes sur les conséquences prévisibles de la guerre fratricide en Libye, qui dure depuis 10 ans, tout en déplorant «l’implication de parties politiques tunisiennes dans le soutien d’une faction en conflit contre une autre», par allusion au parti islamiste Ennahdha et à son président Rached Ghannouchi, par ailleurs président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), qui avait téléphoné récemment à Fayez Sarraj, président du Conseil présidentiel et Premier ministre, pour le féliciter d’avoir remporté une bataille décisive contre son adversaire, le maréchal Khalifa Haftar, chef de l’Armée nationale libyenne.
UGTT : «Eviter d’entraîner la Tunisie vers le marécage des axes»
Tout en réaffirmant la position de principe de la diplomatie tunisienne qui rejette toute intervention étrangère dans la Libye voisine et appelle à une solution négociée entre les parties libyennes en conflit, l’UGTT a averti aussi contre «l’utilisation du territoire national pour une intervention américaine, turque ou autre en Libye» et qui «entraînerait la Tunisie vers le marécage des axes».
L’UGTT a même appelé le président de la république et les représentants du peuple à «présenter une initiative législative empêchant toute partie, quelle que soient sa position et son poids, à entraîner la Tunisie derrière tel ou tel axe, car ils desservent tous les intérêts de la Tunisie, des frères libyens et de tous les peuples de la région».
Tout en rappelant que «le président de la république est le seul habilité à exprimer la position nationale concernant le conflit en Libye» (une autre pierre dans le jardin de M. Ghannouchi), la centrale syndicale a appelé les autorités tunisiennes et à leur tête le chef de l’Etat à «prendre toutes les mesures sécuritaires susceptibles de protéger les frontières nationales et empêcher le mouvement des terroristes à travers la Libye».
Les Tunisiens retiennent leur souffle
La Tunisie, l’un des pays les plus affectés par la détérioration de la situation sécuritaire en Libye, depuis 2011, a de bonnes raisons de craindre une aggravation de la situation dans ce pays où se déroule une guerre par procuration impliquant des puissances régionales et internationales se disputant ses richesses naturelles, notamment pétrolières et gazières.
Outre la menace sécuritaire que constituerait la présence de jihadistes à ses frontières, la Tunisie appréhende aussi une détérioration de sa situation économique et sociale, déjà très affectée par la crise sanitaire du coronavirus.
On sait aussi que la chute brutale des exportations de la Tunisie vers la Libye, l’un de ses plus importants marchés dans les années 1990-2010, a aggravé le déficit de sa balance commerciale, que la crise actuelle en Europe, autre grand marché pour ses produits manufacturiers, ne va sans doute pas arranger.
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