«Habib Bourguiba était un collaborateur du protectorat français», a cru bon dire le député islamiste Rached Khiari (ancien Al-Karama) lors de son intervention, aujourd’hui, mardi 9 juin 2020, à l’Assemblée, provoquant la colère des députés de différents blocs qui exigent des excuses pour atteinte à l’honneur et à la mémoire du premier président de la république tunisienne.
Cette plénière consacrée au projet de motion pour exiger des excuses à la France «pour les crimes qu’elle a commis pendant la période coloniale et les pillages des richesses naturelles de la Tunisie», soumis par le bloc Al-Karama, un parti islamiste satellite d’Ennahdha au pouvoir, a été marquée, dès le début, par des tensions et avait été levée vers 11 heures.
Rached Khiari, qui soutient la motion de ses collègues d’Al-Karam, a a jeté de l’huile sur le feu en lançant «Habib Bourguiba était un collaborateur du protectorat français. La France a érigé une statue de Bourguiba, les pays colonialistes n’honorent que leurs agents», suscitant un tollé à l’Assemblée.
Plusieurs députés de différents blocs et de différents bords politiques, notamment Hassouna Nasfi, Samia Abbou, Salem Labiadh, Adnène Ben Ibrahim, Oussama Khelifi, Imed Ouled Jebril, ont dénoncé les propos du député islamiste et lui ont demandé de les retirer et de présenter des excuses.
Prenant la parole à tour de rôle, les détracteurs de Rached Khiari ont assuré que les avis peuvent diverger mais que l’Assemblée ne doit pas laisser passer de tels propos, qualifiés d’irrespectueux et portant atteinte à l’Etat et à l’Histoire de la Tunisie.
«Personne n’a le droit de porter atteinte à autrui, notamment à la mémoire de ceux qui ont construit le pays, surtout si l’on n’a pas de compétences et de connaissances historiques. Des excuses sont exigées», a notamment lancé Salem Labiadh.
«Vous n’avez pas le droit de l’insulter ! Bourguiba a été victime de deux injustices : la première de son vivant quand il a été isolé et empêché de voir sa famille par le régime Ben Ali. Et après sa mort, par ceux qui font de la récupération du bourguibisme et ceux qui l’insultent. Je suis la fille de Bourguiba, de Ben Youssef, de l’Etat national et de l’Etat civil», a lancé Samia Abbou, en ajoutant, en s’adressant à Khiari : «Vous n’avez pas le droit de toucher à Bourguiba !» .
Hassouna Nasfi a quant à lui menacé de boycotter toutes les séances à venir, si Rached Khiari ne présente pas ses excuses.
De son côté, Abir Moussi a demandé au président de l’Assemblée d’assumer la responsabilité des propos de Rached Khiari : «Personne n’a le droit de mettre en doute l’indépendance de la Tunisie et de porter atteinte à Bourguiba», a-t-elle dit.
Quant à Adnène Ben Ibrahim, député UPR, il a pour sa part estimé qu’il ne fallait même pas demander des excuses au député controversé : «Il ne vaut rien pour qu’on lui demande quoi que ce soit», ce qui a provoqué la colère de Rached Khiari qui a bondi de son siège, en se dirigeant vers son collègue, avant d’être retenu par les élus Al-Karama.
Dans la confusion, Rached Ghannouchi, qui a assuré ne pas avoir entendu les propos de Rached Khiari à cause du bruit dans l’hémicycle, a fini par lever la plénière, qui a repris après 30 minutes sous la présidence Samira Chaouachi, vice-présidente de l’Assemblée. C’est à croire que le vieux cheikh diffuse des ondes négatives sous la coupole par sa seule présence au perchoir…
Y. N.
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