Que peut-on sérieusement attendre de la visite de travail de vingt-quatre heures qu’effectue à partir d’aujourd’hui, lundi 22 juin 2020, le président de la république Kaïs Saïed, à Paris, à l’invitation du président français Emmanuel Macron ? A vrai dire pas grand-chose au vu du programme à minima de cette visite.
Par Ridha Kéfi
D’abord, M. Saïed n’est pas très porté sur les voyages officiels et il en a très peu effectué depuis son «intronisation» il y a près de six mois.
Les relations internationales et la diplomatie ne sont pas non plus sa tasse de thé : il prend rarement l’initiative de contacter ses homologues ou de dépêcher des envoyés spéciaux pour leur remettre des messages officiels. C’est à croire qu’il n’a rien à leur dire…
Quant aux médias, on ne peut pas dire qu’il les cherche vraiment et même quand ces derniers le sollicitent, il fait traîner les pieds. Car comment expliquer qu’à la veille de son premier voyage officiel au pays le plus important dans les relations extérieures de la Tunisie (la France étant le premier fournisseur, le premier client et le premier investisseur en Tunisie), il n’ait donné aucun entretien à un grand journal parisien, comme cela se fait habituellement. Il n’a pas non plus préparé son voyage par un entretien avec une télévision ou une radio française, et on imagine que certains confrères français auraient aimé approcher cet homme si original et si secret.
Pour ce qui est des questions économiques et financières, M. Saïed n’y pense même pas. C’est un monde qui lui est totalement étranger et presque indifférent. C’est trop barbant pour un spécialiste de droit constitutionnel. Et un idéaliste comme lui, qui a horreur de l’argent, n’est pas loin de penser que ceux qui en gagnent sont tous un peu sales.
D’ailleurs, M. Saïed n’a même pas prévu de réunion avec le MEDEF, la célèbre centrale patronale de l’Hexagone, comme cela se fait habituellement, pour inviter les investisseurs français à renforcer leurs business en Tunisie, au moment où ces derniers, après la crise du Covid-19, pensent sérieusement à se redéployer et à être moins dépendants de la Chine. Oh non, ce serait vraiment trop lui demander…
Ceci dit, que peut-on sérieusement attendre de la visite de travail de M. Saïed à Paris ?
Peut-être quelques incantations pompeuses en arabe littéraire sur le droit international et sur… la Palestine. Mais quoi encore ?
La visite servira au président français de jauger le nouveau locataire de Carthage et de connaître ses dispositions vis-à-vis de la France, sachant que beaucoup de ses partisans sont des francophobes (M. Macron a dû recevoir une note des services des Affaires étrangères à ce sujet), et, peut-être aussi, de connaître son approche de la situation en Libye, d’autant qu’il est presque muet sur la guerre se déroulant aux frontières sud de la Tunisie et on ne sait pas vraiment ce qu’il en pense, si tant est qu’il y a vraiment réfléchi car jusque-là, M. Saïed subit (et nous fait subir avec lui) les conséquences de la crise libyenne où, normalement, la Tunisie devrait jouer un rôle de premier plan, étant le pays ayant des relations les plus équilibrées car les plus équidistantes de toutes les parties impliquées. Mais ne rêvons pas, la plus belle femme au monde ne peut donner que ce qu’elle a.
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