Les émeutes d’El-Kamour, à Tataouine, qui ont repris de plus belle depuis quelques jours, obligeant le gouvernement à déployer l’armée pour empêcher la paralysie de toute activité économique dans la région, suscitent des interrogations pour le moins légitimes sur les parties qui les alimentent à intervalles réguliers.
Par Imed Bahri
Le gouvernorat le plus au sud de la Tunisie et le plus vaste gagné cycliquement par la colère, la contestation et l’embrasement vote massivement depuis dix ans pour le parti islamiste Ennahdha. Ce dernier, qui gouverne le pays depuis dix ans, ne lui a rien donné, n’a rien changé à sa situation et la colère populaire se poursuit mais paradoxalement, à chaque scrutin, il lui renouvelle sa confiance, alors pourquoi cet attachement viscéral à des islamistes aussi incompétents et aussi peu reconnaissants?
Dix ans qu’Ennahdha est aux commandes de la Tunisie généralement en tant que première force politique et accessoirement, durant une courte période, en tant que seconde force politique. Dix ans que le parti islamiste tunisien au gouvernement et dix ans que le gouvernorat de Tataouine ne cesse de lui renouveler sa confiance.
Une attitude électorale pour le moins étrange
Dix ans aussi que Tataouine gronde et manifeste dénonçant le pillage de ses ressources par l’Etat central, dirigé par Ennahdha depuis une décennie, et par la France à laquelle serait soumis le pouvoir central tunisien. Alors si les islamistes d’Ennahdha massivement élus et réélus par les électeurs de Tataouine n’ont rien apporté à ce gouvernorat alors pourquoi continue-t-il de voter pour eux?
Lors des dernières élections législatives, comme d’habitude Ennahdha a caracolé en tête secondé cette fois-ci par un nouveau venu, la Coalition Al-Karama, qui se trouve être un satellite d’Ennahdha regroupant ses éléments les plus radicaux dans une répartition des rôles pour le moins grossière.
On ne comprend pas cette attitude électorale qui entre en contradiction avec la logique car partout dans le monde si des citoyens sont négligés par un parti, ils ne revotent plus pour lui. Sauf à Tataouine. Les gens se révoltent, ça va jusqu’à l’embrasement et après, ils revotent massivement pour Ennahdha (et maintenant Al-Karama aussi).
Le gouvernorat où les contrebandiers sont rois
Également, jamais les manifestants de Tataouine ne se sont révoltés contre les contrebandiers milliardaires opérant dans leur région et ne les ont obligés à investir et à développer leur gouvernorat au lieu de blanchir leur argent dans l’immobilier et les salons de thé des quartiers huppés de Tunis.
Selon des sources à Tataouine, beaucoup des manifestants d’El-Kamour travaillent dans la contrebande avec la Libye et louent leurs services à ces mêmes milliardaires qui détruisent l’économie du pays. Ceci explique cela, sans doute… mais cela jette une ombre de lourdes suspicions sur les véritables motivations de ces révoltes et sur les parties qui les attisent à intervalles réguliers.
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