Par cette lettre ouverte au président Kaïs Saïed, l’auteure avoue avoir voté pour son adversaire pour lui barrer la route, par méconnaissance, et qu’au fil des jours, elle a découvert «un homme intègre, un homme bien, un juste», et qui peut «entrer dans la grande histoire par la plus belle de ses portes», pour peu qu’il se débarrasse de «quelques déchets dans ses agissements et procédés».
Par Olfa Rhymy Abdelwahed
Autant le dire tout de suite. Non, je n’ai pas voté pour vous. Je n’ai pas voté pour vous car je ne vous connaissais pas. Je n’arrivais pas à cerner votre personnage. L’ambiguïté dans laquelle vous vous complaisiez m’était carrément putride. Mercurien, vaporeux, évasif, mystérieux, lointain et flottant, vous étiez pour moi une espèce d’alien que les malheurs de la Tunisie et les malheureux de ce pays ont propulsé à la tête du pays.
Je ne pouvais en aucun cas donner ma voix à un homme qui n’a pas respecté mon intelligence et qui a mené une campagne étrange et déroutante. Je me disais que vous entreteniez une espèce de plaisir malsain à jouer du clair obscur.
Comme le million d’égarés, j’ai cherché ailleurs. Comme ces petites gens malmenées par la misère, par la politique des bas fonds ou par la peur des lendemains sanglants. J’ai cru opter pour le moins pire. Le moins vague. Le mois dangereux.
En vous scrutant d’un peu plus près, j’ai vu un personnage folklorique, pompeux, populiste et puritain. Tout ce qu’il y a de plus repoussant chez un chef d’Etat.
Conservateur, traditionaliste, vous étiez, en tout cas pour moi, loin de mes idéaux du progressisme et des bases qui fondent l’état civil.
Pour vous contrer, j’ai voté pour une aberration de la vie politique. Rien que pour participer à votre défaite surtout que j’ai vu qu’une faction politique radicale et fondamentaliste vous soutenait. Je n’étais pas fière de mon choix. Mais l’avais je vraiment ce choix ?
Les jours ont succédé aux jours, depuis et une nouvelle facette de votre personnage à commencé par émerger doucement mais sûrement comme un réveil après un long engourdissement.
Las et lessivés de voir le pays entre les mains des usurpateurs, des négociants, des sous traitants et des marchands, nous nous sommes mis à vous observer.
Malgré les maladresses, les hésitations une certitude à l’air de vouloir s’imposer. Kais Saied n’est pas un pion, ni une marionnette, ni un épouvantail, ni un harki, ni un collabo. Kais Saied n’est pas un vendu. Le reste n’est qu’un détail.
Kaies Saied est patriote et est sincère. Le reste n’est que littérature.
Kaies Saied n’est pas lâche. Il ne nous lâchera pas.
Le reste, se peaufinera, se travaillera, s’apprendra sur le tas. Ensemble. Une dose de populisme en moins, une dose de fermeté en plus. Beaucoup plus de résolution voire de dureté car voyez-vous, monsieur le président, un chef de l’Etat doit puiser dans des réserves d’autorité et de détermination qui peuvent frôler la cruauté. La raison de l’Etat est toujours la meilleure. L’Etat a ses raisons que les états d’âme ne connaissent point.
Nous vivons dans une ère inquiétante où l’étoffe des grands est mise à grande épreuve. Vous êtes mieux placé que quiconque pour savoir qu’il est trop tard pour les compromis et les concessions, les réconciliations et les coalitions contre-nature. Vous serez, dès lors, amené à vous débarrasser de quelques déchets dans vos agissements et procédés. Soyez vous même sans aucun fard ni agrément ni garniture, vous toucherez les masses laborieuses, les tribus, les troupes, les collectivités, la foule et toutes les communautés.
Monsieur le président, vous êtes un homme intègre. Un homme bien. Un juste. Le peuple vous apprécie pour vos qualités humaines, faites qu’il vous aime pour vos qualités surhumaines. Car, en briguant la magistrature suprême, vous avez fait vœux de désobéissance aux partis politiques, de pauvreté vis-à-vis des caisses de l’Etat et de chasteté vis-à-vis des vents contraires qui frappent à nos portes et frontières. Ce sont des qualités de surhomme et vous saurez les remplir.
Vos positions claires et intransigeantes vis-à-vis des conflits et votre refus de toute ingérence ont désillusionné vos nouveaux détracteurs. Ils n’iront pas plus loin.
Monsieur le président, démarquez-vous des vautours qui rôdent autour du pays, des négociants, des larbins, des coquins et des Raspoutine, vous entrerez dans la grande histoire par la plus belle de ses portes.
Cherchez très loin dans vos valeurs le flegme, la grandeur et le courage des grands hommes.
Soyez au dessus des manigances, des turpitudes des orgies politicardes ambiantes et des messes basses.
Ne courbez pas l’échine devant le marchandage et le chantage des criminels de la paix.
Le chemin est encore long et difficile, mais vous aurez les meilleurs compagnons d’armes : ces hommes et ces femmes qui aiment leur pays comme on aime une mère car on en a pas d’autre.
Ayez toujours pour vous même un cœur de juge. Pour les loups de la politique, un cœur d’artilleur. Et pour la Tunisie un cœur de mère.
Vous gagnerez nos cœurs pour toujours.
* Citoyenne lucide.
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