Commentant l’annonce faite hier, lundi 10 août 2020, par le chef du gouvernement désigné, Hichem Mechichi, selon laquelle le prochain gouvernement sera totalement indépendant des partis, le dirigeant au sein du mouvement Ennahdha, Ali Larayedh, a affiché beaucoup d’insatisfaction.
Pour lui, le gouvernement devrait plutôt être politique et partisan afin de bénéficier du soutien nécessaire de la part du Parlement. «Sinon, les partis peuvent approuver un gouvernement et ne pas approuver les projets de lois qu’il proposera», a-t-il mis en garde, sur le plateau de la télévision nationale, hier soir, dans ce qui ressemble à une menace de bloquer le travail gouvernemental, dont les électeurs tunisiens prendront note.
M. Larayedh a, par ailleurs, estimé que le recours à un gouvernement de technocrates en 2014, suite à un débat national, se justifiait uniquement par le contexte politique particulier qui caractérisait cette époque, marquée par une transition constitutionnelle et l’avènement de la période des élections.
«Quand les partis se présentent aux élections, ils le font en ayant un projet et dans le but d’apporter des réformes. Il est donc normal qu’ils veulent gouverner. Mais si le parti classé premier est mis à l’écart du gouvernement, ainsi que le 2e, le 3e, et même le 20e, alors pourquoi existent-ils ? Pourquoi faisons-nous des élections avec tous les investissements qui les accompagnent? Et les électeurs comment pourront-ils évaluer ceux qui gouvernent ?», a-t-il regretté.
Les arguments de l’ancien chef du gouvernement (2013) sont tout à fait recevables. Seulement, ils ne tiennent pas compte d’un fait important : Hichem Mechichi est le 3e chef de gouvernement désigné depuis l’annonce des résultats des élections…
Le parti ayant gagné les législatives, à savoir celui de M. Larayedh, Ennahdha, a eu bel et bien eu l’opportunité de gouverner, mais la personnalité qu’il a désignée pour former le gouvernement (Habib Jemli) avait, paradoxalement, lui-même opté pour un gouvernement indépendant (du moins en théorie), et surtout, il n’a même pas réussi à obtenir la confiance du Parlement.
Suite à cela, Elyes Fakhfakh a mis en place un gouvernement majoritairement partisan et celui-ci n’a pas réussi, essentiellement en raison des conflits interminables de ses composantes. Et Ennahdha, qui en était membre, a tout fait pour le faire chuter. C’est pourquoi les partis ont perdu toute crédibilité aux yeux des Tunisiens, qui ne leur font plus confiance et les accusent d’être les principaux obstacles à la relance du pays, en crise depuis la révolution de 2011.
Alors, aujourd’hui, Hichem Mechichi a-t-il d’autre choix que de former un gouvernement indépendant, à l’abri des tiraillements politiques actuels pour avoir une chance de réussir ?
C. B. Y.
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