L’auteur, médecin réanimateur, appelle les Tunisiens à ce qu’il a appelé «une pause consciencieuse» pour ralentir la vitesse de propagation du virus de la Covid-19, éviter la saturation des structures de santé et permettre à nos soignants de respirer un peu, dans l’attente du schéma optimal du traitement ou d’un vaccin efficace.
Par Dr Kaissar Sassi *
Nombreux sont ceux qui ne croient pas à la gravité de la maladie Covid-19. Ça inclut des médecins, des scientifiques, des politiciens ainsi qu’une proportion non négligeable de la population.
Ce déni pourrait expliquer le comportement de cette majorité qui cohabite avec nous et qui refuse encore de porter le masque, de se laver les mains ou d’éviter les rassemblements allant d’une simple partie de jeux de cartes aux festivités du centenaire du Club africain.
Alors j’ai décidé de vous faire un petit résumé de la situation actuelle dans l’espoir de vous persuader de son caractère critique.
La Covid-19 est devenue la première cause de mortalité en Tunisie
Le dernier rapport des causes des décès en Tunisie est très récent et remonte à moins de cinq ans. Ce dernier a étudié 28.297 certificats de décès pendant l’année 2017. La première cause retrouvée s’est avérée être les maladies cardio-vasculaires à raison de 7075 décès par an soit une moyenne de 19 décès par jour. À la deuxième position arrivent les maladies carcinologiques comme les tumeurs du poumon et du sein avec une moyenne de 11 décès par jour. À la troisième position les maladies métaboliques, etc.
Actuellement, la Covid-19 cause, avec une allure soutenue, une moyenne de plus de 10 décès par jour. Pendant le dernir weekend, nous avons déploré 45 décès !
À la lumière de ces données objectives, en considérant les deux dernières semaines et en analysant les causes de mortalité, nous trouverons que la Covid-19 a détrôné les maladies cardio-vasculaires et carcinologiques sur la liste des causes des décès ! Sur cette période, cette maladie a tué plus que le cancer du poumon, les infarctus du myocarde et les accidents de la voie publique.
Les soignants tunisiens sont performants mais les structures des soins sont saturées
En se penchant sur la situation des pays du monde ayant une population avoisinante de la nôtre, on constate que les soignants tunisiens sont vraiment très performants. Ils arrivent à combler le déficit matériel de nos hôpitaux par leurs simples compétences humaines.
Avec à peu près le même nombre des nouveaux cas par jour et la même allure des courbes épidémiologique, on recense la même mortalité, du moins déclarée par l’Etat, que la Belgique, la Grèce et le Portugal. Mais il y a une question qui s’impose : jusqu’à quand ? Après tout, ces soignants ne sont que des humains avec des limites physiques et psychologiques.
Cette dernière semaine, un cap a été dépassé : celui des limites d’accueil des structures des soins. Les dernières informations envoyées des médecins au front de la confrontation nous reportent une tension sans précédent dans les hôpitaux. Ces tensions concernent les simples lits de médecine pour l’hospitalisation des formes modérées jusqu’aux lits de réanimation pour l’hospitalisation des formes graves. Ajoutons à cela le nombre des soignants atteints par la Covid-19 qui ne cesse d’augmenter et risque d’amputer nos ressources humaines.
Malgré tout, un espoir se dessine à l’horizon
Sachez, cependant, que les travaux scientifiques ne cessent d’évoluer et que l’espoir se dessine à l’horizon. Oui, un espoir se dessine à l’horizon. Tout ce dont nous avons besoin est «une pause consciencieuse» pour attendre la concrétisation de cet espoir.
Donald Trump, le président des Etats-Unis a été hospitalisé dans un hôpital militaire de Washington après avoir chopé «le virus originaire de la Chine» comme il a l’habitude de le nommer.
Sa prescription médicale a été des anticorps polyclonaux du laboratoire Regeneron, du zinc, de la vitamine D, de la mélatonine, de l’aspirine et de la Famotidine. Cette dernière molécule ne cesse de susciter l’intérêt auprès des scientifiques. Néanmoins, espérons ne pas revivre avec cette molécule le même scénario qu’avec la chloroquine.
Sur la même lancée, et à croire les scientifiques de l’Institut Pasteur de Lille, un traitement probablement miracle existe. Il est même disponible en quantité dans les officines et pourrait changer la donne dans notre combat avec ce virus. Ce traitement n’est pas encore dévoilé pour ne pas revivre le même scénario du Pr. Didier Raoult. Son utilisation est prévue pour janvier 2021 après l’achèvement des études nécessaires.
Tout cela pour dire que la prise en charge des patients Covid-19 a été révolutionnée au cours de ces derniers mois.
Par rapport à la prise en charge initiale (paracétamol / repos) et maintenant (anticoagulant, corticoïde, diagnostic des hypoxies infra cliniques, zinc, Famotidine, etc.) il y a eu un énorme progrès scientifique qui a amélioré la prise en charge et le pronostic des patients.
La seule menace qui réside demeure : le dépassement des capacités des structures hospitalières. Car actuellement, nous sommes dans une situation réelle de saturation de nos structures de santé. Même si nous disposerions immédiatement d’un traitement miracle, il nous serait impossible de traiter tout le monde en même temps. Ça sera impossible à cause de la saturation des hôpitaux.
Une «pause consciencieuse» s’impose pour gagner le temps contre la pandémie
Alors, en tant que citoyens et citoyennes responsables et unis face à cette menace mondiale, nous devons faire une «pause consciencieuse». Une pause ou nous allons multiplier les gestes barrières, diminuer les rassemblements, protéger nos aînés et même faire des confinements ciblés ou des bulles sociales.
Alors temporisons dans l’attente du schéma optimal du traitement.
Temporisons car les travaux sur la vaccination ne cessent d’avancer. Temporisons pour permettre à tous les malades d’avoir des prises en charge adéquates. Temporisons pour donner un souffle à nos soignants.
Lavons nos mains, portons des masques, respectons la distanciation sociale. Car un espoir se dessine à l’horizon et la guerre est loin d’être finie.
Nous devons à nos soignant.e.s épuisé.e.s cette pause consciencieuse pour casser la chaîne de propagation du virus et diminuer la tension sur les hôpitaux.
Aidons les soignants : nous leur devons ce soutien actif par la simple augmentation de la pratique des gestes barrières.
* Anesthésiste réanimateur.
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