Perdu de vue depuis son départ du Palais de la Kasbah il y a un an presque jour pour jour, Youssef Chahed fait un retour remarquable à la vie politique en diffusant des vidéos où il s’exprime sur la situation actuelle en Tunisie, présente son diagnostic et propose des solutions aux problèmes posés. À la faveur de ce retour, les Tunisiens redécouvrent l’homme informé, volontaire, déterminé et ouvert aux autres qu’il a toujours été, malgré l’hostilité bête et méchante à laquelle il a souvent dû faire face.
Par Imed Bahri
Youssef Chahed est, sans conteste, l’un des plus sages hommes politiques en Tunisie. Respectueux des institutions autant que des hommes et des femmes qui les incarnent, il n’est pas du genre à chercher le buzz à tout prix.
Cette pondération ne rehausse pas beaucoup l’ancien chef de gouvernement (août 2016-janvier 2020) – ni d’ailleurs son parti, Tahya Tounes – dans les sondages d’opinion, mais cela ne semble pas le déranger outre mesure. «Les intérêts du pays passent avant les miens et ceux de mon parti», dit-il. Et sa sincérité n’est pas feinte, car l’homme ne fait rien vraiment pour crever l’écran ou pour plaire à tout prix. Le populisme n’est décidément pas sa tasse de thé.
Il ménage ses adversaires politiques
Invité hier soir, vendredi 8 janvier 2021, dans l’émission ‘‘Rendez-vous 9’’ sur Attessia TV, Youssef Chahed n’a pas eu un seul mot de trop ou de travers. Trop lisse pour certains, et pas assez puncheur pour d’autres, il n’est pas du genre à donner des coups ou à chercher les clashs. D’ailleurs, il a déploré les interminables combats coqs dont l’Assemblée est le théâtre permanent, qui donnent une image lamentable des représentants du peuple et retardent le vote des lois urgentes dont le pays a besoin pour relancer son économie. Situation qui, selon lui, ne devrait pas perdurer indéfiniment, au risque de compromettre le processus démocratique, encore fragile, et d’hypothéquer l’avenir du pays.
Homme d’Etat, comme il en existe peu aujourd’hui en Tunisie, Youssef Chahed, a, comme à son habitude, ménagé ses adversaires politiques, y compris ceux qui lui ont toujours rendu la vie impossible, colportant de fausses rumeurs voire des mensonges à son encontre sur les médias et les réseaux sociaux. Il s’est contenté de défendre son bilan, chiffres à l’appui, d’expliquer ses choix, en admettant que certains ont pu être mauvais, et de proposer son scénario pour une sortie de la crise où se morfond actuellement la Tunisie.
Si, la Constitution de 2014 est la principale cause des dysfonctionnements actuels au sein de l’Etat, et notamment des querelles de prérogatives entre les «trois présidences», de la République, du Gouvernement et de l’Assemblée, son amendement ne sera pas aisé dans l’état actuel des forces au sein du parlement, d’autant que pour chaque article amendé, il va falloir obtenir les deux tiers des votes, a rappelé le président de Tahya Tounes. Comment alors sortir de la crise politique actuelle ?
Des propositions frappées du sceau du bon sens
Pour lui, il serait plus réaliste et plus pragmatique d’amender la loi sur les partis et sur les associations, de manière à mettre en place les garde-fou nécessaires et éviter ainsi l’accès des personnes louches au Palais du Bardo, ainsi que le code électoral, pour garantir la constitution d’une majorité gouvernementale capable de gouverner, de mettre en route son programme et d’implémenter les réformes urgentes sans devoir, à chaque fois, comme c’est le cas aujourd’hui, recourir à des coalitions fragiles et qui n’assurent pas une ceinture politique digne de ce nom au chef de gouvernement.
Pour avoir souffert lui-même d’avoir été lâché par son propre parti, Nidaa Tounes, et de s’être trouvé seul au cœur de la tempête et abandonné de tous, à nager à contre-courant, Youssef Chahed est bien placé pour mesurer les dissonances du système politique actuel, qui semble avoir été conçu non pour assurer un meilleur équilibre des pouvoirs mais pour… empêcher de gouverner.
Ses propositions, qui tranchent par leur pondération avec celles, jusqu’au-boutistes, d’autres acteurs politiques, appelant à la dissolution de l’Assemblée ou à l’intervention de l’armée (!), méritent d’être discutées, dans le cadre du dialogue national en gestation, car elles sont frappées du sceau du bon sens.
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